BANGUI, 23 Janvier 2020—La deuxième édition des Cahiers économiques de la République centrafricaine (RCA), publiée aujourd’hui par la Banque mondiale, examine l’évolution des tendances économiques dans le pays et propose des options pour accroître les recettes intérieures, en améliorant la politique et l’administration fiscales et douanières.
Intitulé « Renforcer la mobilisation des recettes intérieures pour soutenir la croissance dans un État fragile », le rapport note que l’amélioration de la situation sécuritaire entraîne des perspectives économiques positives avec une croissance du PIB réel estimée à 4,8 % en 2019. Les auteurs notent que si l’économie centrafricaine a cru plus rapidement que celle des pays de la Communauté économique et monétaire des États d’Afrique centrale (CEMAC) et de l’Afrique subsaharienne, elle reste inférieure aux pays similaires comme le Burkina Faso, le Malawi, le Mali, le Niger et l’Ouganda.
« La RCA n’a pas connu d’épisode de croissance soutenue depuis son indépendance en 1960. Les perspectives économiques demeurent toutefois positives grâce à la signature de l’Accord de politique pour la paix et la réconciliation en février 2019 », souligne Wilfried A. Kouamé, économiste de la Banque mondiale et auteur principal du rapport. « Le succès de la mise en œuvre de l’accord de paix est essentiel pour relancer la croissance. En mettant cet accord en œuvre à l'approche des élections, nous tablons sur une croissance avoisinant les 5 % à moyen terme. »
Le rapport montre par ailleurs que si la RCA présente encore un risque élevé de surendettement, ses efforts de rationalisation des dépenses publiques et de résolutions des arriérés intérieures lui permettent d’afficher une meilleure évolution de la dette publique que les pays de la CEMAC et d’Afrique subsaharienne en moyenne, et de se rapprocher des niveaux d’endettement de ses pairs.
« Ce rapport vise à aider le gouvernement et ses partenaires au développement à identifier les opportunités et répondre aux défis pour avancer dans la lutte contre l’extrême pauvreté », précise Han Fraeters, responsable des opérations de la Banque mondiale en RCA. « Pour cela, la mobilisation des ressources nationales est essentielle pour accroître les recettes publiques et améliorer la prestation de services publics de base qui sont indispensables pour conduire le pays dans un cercle vertueux de paix et de sécurité. Les prochaines élections vont requérir une bonne discipline fiscale et représentent une opportunité unique pour remettre le pays sur la voie d’une croissance soutenue. »
Pour répondre aux besoins croissants de la population centrafricaine, le rapport présente plusieurs options :
- Renforcer le contrat social : La récente crise a détérioré le contrat social entre l’État et les citoyens alors que ce dernier est important pour stimuler la mobilisation des recettes fiscales. Consolider le contrat social requière que l’État s’engage à améliorer l’efficacité et la qualité des biens et services sociaux, tout en rétablissant la confiance des contribuables, les incitant ainsi à sortir de l’informalité et, à contribuer à l’effort fiscal.
- Élargir l’assiette fiscale : À l’heure actuelle, les recettes fiscales représentent environ 8 % du PIB. Ces recettes sont inférieures à leur potentiel et figurent parmi les plus faibles d’Afrique subsaharienne. À court terme, La RCA pourrait envisager d’augmenter les taxes sur l’alcool et le tabac et, à long terme, de réduire le nombre de tranches d’imposition qui constitue un frein pour la croissance et le développement des entreprises.
- Améliorer le recouvrement des taxes foncières : La législation sur la taxation foncière n’a pas été mises à jour pour refléter les récentes évolutions économiques. Actuellement, son recouvrement n’est pas efficace et repose sur une nature déclarative qui restreint la base fiscale. Une nouvelle législation permettrait de générer près de 12 milliards de francs CFA (environ 22 millions dollars).
- Réduire les exonérations fiscales : Les exonérations fiscales représentaient en 2016 une perte considérable pour le pays, de près de 2,4 milliards de francs CFA (environ 4 millions de dollars) de recettes fiscales. Une bonne partie de ces exonérations étaient accordées au secteur privé et portaient essentiellement sur la TVA. L’adoption de la nouvelle charte des investissements en 2017 ainsi que la mise en œuvre des réformes visant à réduire ces exonérations fiscales et améliorer l'environnement des entreprises pour attirer les investissements privés, nécessitent un engagement ferme de la part des autorités, ainsi qu’un cadre juridique et formel permettant d’engager des poursuites judiciaires en cas d’abus.
- Moderniser l’administration fiscale : Le renforcement des capacités de l’administration fiscale est indispensable pour une meilleure performance du système fiscal. Cela requiert un fort investissement dans l’informatisation des administrations publiques et l’acquisition des équipements et logiciels nécessaires pour faciliter la collecte des recettes. L’informatisation permettra de réduire les abus et la corruption, d’assurer la traçabilité des transactions liées aux taxes et impôts, de faciliter le partage d’informations entre les différentes entités de l’administration fiscale et douanière, et d’accroître l’efficacité des régis financières.