La croissance économique dans la région Moyen-Orient & Afrique du Nord (MENA) est au point mort. La Banque mondiale table sur une croissance globale du PIB inférieure à 3 % pour la troisième année consécutive, autour de 2,8 % pour 2015. Les bas prix du pétrole, les conflits qui ébranlent la région et le ralentissement de l’économie mondiale rendent peu probables les perspectives de reprise à court terme.
Hormis en Égypte, au Maroc et en Iran, la croissance est molle dans la quasi-totalité des pays de la région MENA, pour des raisons différentes cependant.
Les pays du CCG et l’Algérie subissent les effets négatifs du faible niveau des prix du pétrole et de la forte dépense publique. Dans l’ensemble, le recul du cours du baril a gravement affecté l’économie des pays du CCG (Bahreïn, Koweït, Oman, Qatar, Arabie Saoudite et Émirats Arabes Unis), dont la croissance devrait s’établir à 3,2 % en 2015 et l’année suivante, contre 3,9 % l’année précédente. Pour les mêmes raisons, la croissance algérienne devrait rester égale en 2015, à 2,8 %.
Un groupe de « pays en développement exportateurs de pétrole » a été doublement frappé, par la faiblesse des prix du pétrole d’une part, et par la guerre civile d’autre part. La Syrie et la Libye déplorent une chute d’environ 40 %, voire plus, de leur production pétrolière, en résultat des dégâts matériels causés au secteur et d’un ralentissement de la production (les estimations pour le Yémen ne sont pas encore connues). Le sabotage des champs pétroliers pourrait avoir pour conséquence de maintenir le taux de croissance de leur PIB à un niveau peu élevé. Principalement tirée par la lente reprise que la Libye et l’Iraq devraient probablement connaître, la croissance globale des pays en développement exportateurs de pétrole pourrait atteindre 1,3 % en 2015, contre 0,9 % l’année précédente.
Les conflits ont durement frappé les économies libyenne, yéménite, iraquienne et syrienne. Au Yémen, le conflit a causé une catastrophe humanitaire, le déplacement massif de personnes et la destruction d’habitations, de routes, de ponts et autres infrastructures. On estime à 15 millions le nombre total de personnes déplacées au Yémen, en Syrie, en Libye et en Iraq, nombre d’entre elles fuyant vers les pays voisins comme le Liban et la Jordanie. Même si leur économie a bénéficié dans une certaine mesure de l’afflux de réfugiés syriens, le Liban et la Jordanie ont dû faire face à un accroissement de la dépense dans les domaines de la santé et de l’éducation, ainsi qu’à des interruptions de leur commerce régional causées par les guerres en Syrie et en Iraq.
La croissance de l’économie iranienne, probablement limitée à 1,7 % cette année, devrait cependant s’accélérer à partir de 2016, après que le pays a conclu un accord sur la limitation du développement de son programme nucléaire et sur l’inspection de ses sites. La levée des sanctions, et le retour de l’Iran dans l’économie mondiale, pourrait apporter 1 million de barils de brut par jour sur le marché international, entraînant une baisse des cours d’environ 13 %. Le recul des prix va probablement toucher davantage les autres pays exportateurs de pétrole que l’Iran, l’effet positif de la hausse de sa production devant largement compenser la chute des cours internationaux.
Les déficits budgétaires sont en hausse dans le groupe des pays en développement exportateurs de pétrole. La Libye en particulier affiche un déficit budgétaire de plus de 55 % de son PIB et un déficit courant de 70 % de son PIB. Les réserves en devises du pays devraient chuter à environ 50 milliards de dollars, contre plus de 100 milliards de dollars en 2013.
Tout en bénéficiant de la faiblesse du prix du baril, les importateurs de pétrole de la région MENA sont affectés par les attentats, les répercussions des guerres qui frappent les pays voisins, la croissance molle de la zone euro et les incertitudes politiques.
Les deux attentats qui ont frappé la Tunisie en 2015 et la stagnation économique persistante dans la zone euro devraient provoquer le recul du taux de croissance effectif du PIB tunisien à 0,8 %, contre 2,3 % en 2014.
L’économie palestinienne se relève de la récession qui a suivi la guerre de l’été 2014 à Gaza, en affichant une croissance globale de 3 % en 2015.
Seuls l’Égypte et le Maroc ont pu connaître une croissance économique plus solide en 2015, même si ces deux pays doivent faire face à nombre de difficultés. Avec le renforcement de la sécurité et la mise en œuvre des réformes, la croissance économique égyptienne pourrait atteindre environ 4 % en 2015 et 2016. L’économie marocaine reposant en grande partie sur l’agriculture, sa croissance est fortement liée aux conditions météorologiques.
Quelles seront les conséquences d’une éventuelle nouvelle baisse des prix du pétrole ? Avec un nouveau recul des prix du pétrole, conjugué à un dérapage budgétaire, le pire pourrait être à venir.
L’Arabie Saoudite, dont le déficit budgétaire devrait représenter environ 19,5 % du PIB en 2015 et 12,6 % en 2016, prévoit une contraction de ses réserves en devises de plus de 60 milliards de dollars cette année, ainsi qu’une autre de 80 milliards de dollars en 2016. Même si certains pays, l’Arabie Saoudite, le Koweït et les EAU en particulier, ont commencé à revoir leurs colossales dépenses de subventions, les déséquilibres macroéconomiques auront de probables répercussions sur 2016 et l’année suivante.
Les besoins en investissements de la région MENA sont importants et la pénurie de capitaux étrangers a fait empirer une situation déjà fragile. L’Égypte pourrait avoir besoin de 30-35 milliards de dollars supplémentaires pour ses investissements et de 10 autres milliards de dollars pour développer ses infrastructures ces prochaines années. Il faut à la Jordanie plus de 6 milliards de dollars par an d’investissements supplémentaires pour mettre son économie sur de meilleurs rails. La Tunisie devrait accroître ses investissements de 7 points de pourcentage de son PIB sur les cinq prochaines années. L’Iran, après la levée des sanctions, a besoin de centaines de milliards de dollars pour moderniser ses champs pétroliers et ramener sa production à son niveau d’avant les sanctions.
Pour résumer, depuis le printemps arabe de 2011, quoique pas nécessairement à cause de celui-ci, la région MENA doit faire face à un ralentissement de sa croissance économique, à une escalade de la violence et des guerres civiles et, plus récemment, à des déséquilibres non négligeables imputables à la faiblesse des prix du pétrole.