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DISCOURS ET TRANSCRIPTIONS13 octobre 2023

Allocution du président du Groupe de la Banque mondiale, Ajay Banga, lors de la séance plénière des Assemblée annuelles 2023

[Seul le prononcé fait foi]

Bonjour à tous. 

Président Marchenko, merci de conduire cette séance plénière. 

Monsieur Kabbaj, Monsieur le Premier ministre Akhannouch, je vous remercie d’accueillir ces Assemblées annuelles. Le chemin vers Marrakech n’a pas été des plus faciles ; retardés par la pandémie, et après avoir essuyé un tremblement de terre, vous avez persévéré. Nous sommes extrêmement touchés par la chaleur et l’hospitalité que votre gouvernement et votre peuple tout entier nous ont manifestées. 

Kristalina, c’est un privilège de tenir ensemble ces Assemblées annuelles. 

Un merci particulier à David, mon prédécesseur. 

Ceux d’entre nous qui sont présents dans cette salle ont de la chance. Nous sommes les gardiens d’une institution chargée d’une énorme responsabilité en cette période d’incertitude et lourde de conséquences. 

Le monde est en proie à des forces puissantes et vit des mutations rapides. 

Nous sommes confrontés au ralentissement des progrès dans notre lutte contre la pauvreté, à une crise climatique existentielle, à l’insécurité alimentaire, à la fragilité et à une timide reprise après une pandémie, et nous ressentons les effets des conflits au-delà des lignes de front. 

Un parfait cocktail de défis inextricablement liés et d’enjeux géopolitiques complexes qui, ensemble, exacerbent les inégalités.

La croissance économique recule dans une grande partie du monde en développement. Elle est passée de 6 % à 5 % en deux décennies, et elle est bien partie pour s’établir à 4 % seulement pendant les sept prochaines années. 

Chaque point de pourcentage perdu pousse 100 millions de personnes dans la pauvreté et 50 millions d’autres dans un extrême dénuement. 

En creusant plus profondément, vous trouverez des gens qui ont du mal à subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille en raison de la stagnation des revenus. En Afrique subsaharienne, le revenu par habitant est le même qu’il y a 14 ans.

Entretemps, la dette augmente dans tous les marchés émergents, a doublé en Afrique, entraînant vers le fond des pays qui essaient pourtant de sortir la tête de l’eau. 

Nous vivons dans un monde exposé à des défis alarmants, à un moment où les polarisations et les extrêmes s’accentuent 

Insidieusement, une méfiance croissante s’installe entre le Nord et le Sud, compliquant les perspectives de progrès. 

La frustration des pays du Sud est compréhensible. À bien des égards, ils paient le prix de la prospérité dont jouissent les autres. 

Alors qu’ils devraient monter en puissance, ils craignent que les ressources promises n’arrivent jamais, ils ont le sentiment que les règles sur l’énergie ne sont pas appliquées uniformément partout, et ils redoutent que leurs jeunes générations ne soient prises au piège de la pauvreté. 

Mais en vérité, la poursuite d’une croissance carbonée n’est pas soutenable. 

Nous devons trouver comment financer un monde différent, qui est capable de préserver le climat, de maîtriser les pandémies à défaut de les prévenir, de produire une nourriture abondante et de vaincre la fragilité et la pauvreté.

Notre tâche est immense. 

En regardant ce qui se passe à travers le monde, il est facile d’être consumé par un sentiment de désespoir. 

Et pourtant, aux quatre coins du globe, les gens sont impatients de se mettre au travail, de créer de leurs propres mains. Ils veulent une vie meilleure pour leurs enfants et leurs petits-enfants. 

J’ai ressenti cette aspiration chez des entrepreneurs au Nigéria, je l’ai vue dans le regard satisfait d’artistes en Indonésie et je l’ai touchée du doigt sur les mains usées d’agriculteurs en Jamaïque.  

La Banque a l’obligation, le devoir, de leur répondre avec la même détermination et une énergie sans faille. Nous devons être comme la main sur l’épaule qui les aident à aller de l’avant. Nous devons être une institution qui apporte de l’optimisme, qui fait bouger les lignes. 

Mais pour tenir cette promesse et répondre aux attentes, nous devons changer.

La Banque mondiale se tourne pour affronter le vent. 

Cette évolution a commencé il y a quelques mois et, aujourd’hui, la Banque a une nouvelle vision et une nouvelle mission : créer un monde sans pauvreté — sur une planète vivable.

Mais le temps presse.  

C’est ce sentiment d’urgence qui nous a poussé à élaborer un nouveau modèle stratégique, à définir une nouvelle mission. Celle qui favorisera un développement porteur de résultats tangibles et débouchera sur une meilleure qualité de vie — accès à l’air pur, à l’eau potable, à l’éducation et à des soins de santé décents.

C’est une mission qui ne laisse personne de côté, en particulier les femmes et les jeunes ; qui favorise la résilience face aux chocs, notamment aux crises du climat et de la biodiversité, aux pandémies et à la fragilité ; et qui concourt à la durabilité, à travers la croissance et la création d’emplois, le développement humain, la gestion des finances publiques et de la dette, la sécurité alimentaire et l’accès à l’air pur, à l’eau et à une énergie d’un coût abordable.

Avec cette vision, nous élargissons le champ d’action de la Banque mondiale, pour tenir compte de la réalité selon laquelle c’est la dernière génération qui avait le luxe du choix. 

Pour faire face aux défis interdépendants qui nous interpellent, notre seule option est de répondre de manière énergique, simultanée et globale.

Nous ne pouvons pas faire de progrès suffisants en matière de santé publique alors que la hausse des températures modifie le profil des maladies infectieuses et engendre des pandémies.

Nous ne pouvons pas aider les agriculteurs à accroître les rendements agricoles et à nourrir des populations croissantes en utilisant des techniques qui n’ont pas été conçues pour des sécheresses qui durent des années.

Et nous ne pourrons jamais relier les entrepreneurs aux marchés de manière fiable si le réseau routier dont ils dépendent pour écouler leurs produits est dévasté chaque année par une inondation.  

C’est pourquoi nous avons besoin d’une nouvelle stratégie, qui fait une place centrale aux femmes et aux jeunes. 

Si nous n’accordons pas l’attention voulue à ces deux groupes, nous irons à la bataille avec un lourd handicap.  

Dans le monde entier, le taux d’activité des femmes n’a pas augmenté depuis 1990. Et lorsqu’elles parviennent à prendre place à la table, elles ne reçoivent pas un salaire égal pour un travail égal. 

Nous ne pouvons pas vaincre la pauvreté avec la moitié de la population mondiale sur la touche. 

Et que dire des jeunes ? Ils peuvent être le moteur de notre avenir, mais seulement si nous leur assurons une certaine qualité de vie pendant qu’ils grandissent, et ensuite un emploi. 

Avec l’emploi vient la dignité, la fierté, la capacité de subvenir à vos besoins et à ceux de votre famille. 

Sans emploi, ou l’espoir d’un emploi, le désespoir se transforme en colère ; et dans ces moments-là, les gens saisissent toute main qui offre une issue. Ce qui peut avoir des conséquences irréparables sur une société — ou — sur des générations entières. 

On ne saurait trop insister sur l’urgence et l’importance de la situation. Selon nos propres estimations, 1,1 milliard de jeunes dans les pays du Sud atteindront l’âge de travailler dans les 10 prochaines années. Mais pendant la même période et dans les mêmes pays, nous ne devrions créer que 325 millions d’emplois.

Le coût de l’inaction est inimaginable ; il ne faut pas laisser ce dividende démographique devenir un défi démographique. 

Cette vision et cette mission vont mettre à l’épreuve la sincérité de notre ambition ; elles nous engagent dans un voyage qui nécessitera des partenariats réinventés, une nouvelle façon de travailler et de penser, un plan innovant à déployer à grande échelle et à reproduire, des ressources supplémentaires et une approche optimiste de ce qu’il est possible de réaliser. 

Voilà la nouvelle orientation de la Banque mondiale, que j’ai le plaisir de partager avec vous aujourd’hui. 

Nous avons entamé la première étape de ce voyage en avril dernier, lorsque nous avons réussi à extraire 40 milliards de dollars sur 10 ans de notre bilan en ajustant notre ratio de prêts sur fonds propres. 

Ces derniers mois, nous sommes allés encore plus loin, créant un mécanisme de garantie de portefeuille et lançant un instrument de capital hybride.

Ces nouveaux outils nous permettent d’assumer plus de risques et de renforcer davantage notre capacité de prêt, tout en préservant notre triple A. Au total, nous pourrions accroître notre capacité de prêt de 157 milliards de dollars sur une décennie. 

Notre travail a été accueilli avec enthousiasme — et générosité. 

L’Allemagne a été le premier pays à soutenir l’instrument de capital hybride ; sa contribution permettra à la BIRD d’octroyer 2,4 milliards d’euros de prêts supplémentaires au cours des 10 prochaines années. 

Tandis que l’apport initial des États-Unis au mécanisme de garantie de portefeuille pourrait débloquer environ 25 milliards de dollars de nouveaux prêts BIRD. Mais nous espérons que d’autres vont rapidement rejoindre le mouvement. 

Ce qui fait la singularité de ces outils, et qu’ils constituent un bon investissement, c’est leur capacité à multiplier chaque dollar reçu six à huit fois sur une période de 10 ans. 

Mais nous ne comptons pas nous arrêter là. 

Avec d’autres banques multilatérales de développement, nous étudions les moyens de mieux utiliser le capital appelable et les droits de tirage spéciaux. Dans les deux cas, la tâche est complexe, mais réalisable. Il faudra du temps pour en tirer pleinement parti, et une action de la part des actionnaires et des banques centrales. 

Nous entrevoyons d’autres opportunités. 

Notre Fonds pour les biens publics mondiaux a été conçu pour encourager la coopération transfrontalière et relever des défis communs. Mais, par le passé, ses financements provenaient uniquement des revenus de la BIRD, ce qui limitait son potentiel. 

Aujourd’hui, nous ouvrons la porte aux pays et aux organisations philanthropiques, ce qui pourrait accroître le volume de ressources concessionnelles disponibles. Avec cette ambition accrue et les moyens de remplir notre nouvelle mission, nous pensons en faire un véritable Fonds au service d’une planète vivable.

Nous savons que ce modèle peut fonctionner. Signe d’une avancée significative, l’Uruguay est devenu le premier pays à tirer parti de la baisse des taux d’intérêt résultant directement de l’atteinte de ses objectifs de performance climatique. 

C’est-là une approche innovante que nous comptons transposer à une plus grande échelle.

Et nous continuons à mettre à l’essai d’autres idées dans notre palette d’incitations.

Par exemple, nous réfléchissons actuellement à des échéances de 35 à 40 ans afin d’aider les pays à investir dans le capital social et humain dans une perspective à plus long terme.

Nous étudions la possibilité de réduire les taux d’intérêt pour inciter les pays à sortir du charbon dans le cadre de transitions énergétiques.

Et dans les pays qui ont recours à la fois à l’IDA et à la BIRD, nous cherchons des moyens d’encourager le passage à des énergies de source renouvelable en augmentant la part des financements concessionnels dans le bouquet. 

Cette dynamique d’innovation et d’exploration touche tous les domaines.

La Banque mondiale s’est mobilisée pour venir en aide aux plus vulnérables face aux défis combinés de la guerre en Ukraine, des conséquences de la pandémie et de l’inflation. Mais les besoins étaient si grands que nous avons alloué la majeure partie de l’enveloppe triennale de notre Mécanisme de riposte aux crises dès la première année. 

Donc, nous devons la reconstituer. 

Notre objectif est de lever 4 milliards de dollars pour le Mécanisme renforcé de réponse aux crises. 

Les États-Unis ont demandé 1 milliard de dollars au Congrès. Et d’autres pays – nordiques notamment – ont fait des promesses de dons.

Cela dit, nous sommes encore loin de notre objectif et le temps presse. 

Nous invitons d’autres pays à se manifester. Nous avons besoin de l’aide de nos bailleurs de fonds pour reconstituer ce mécanisme et mener à bien le prochain cycle de refinancement de l’IDA.

Si nous voulons véritablement promouvoir le changement, nous ne pouvons pas nous contenter de l’appeler de nos vœux, nous devons nous battre pour lui. 

Cela est particulièrement vrai pour l’IDA. Nous repoussons les limites de cette importante ressource concessionnelle et aucun montage financier, aussi ingénieux soit-il, ne peut changer le fait que nous avons besoin de plus de financement.  

C’est ce qui doit pousser chacun de nous à faire de la prochaine reconstitution des ressources de notre Association la plus importante de tous les temps. 

Il faut que les bailleurs de fonds, les actionnaires et les organisations philanthropiques se mobilisent, se joignent à nous et apportent leur ambition dans ce combat, autrement ces instruments ne seront qu’un vœu pieux. 

Entretemps, nous n’attendons pas les bras croisés. 

Nous recrutons de nouveaux partenaires et réinventons nos partenariats. 

Nous nous associons à d’autres, travaillant aux côtés d’autres banques multilatérales de développement pour coordonner notre action à l’échelle mondiale, provoquer des changements et multiplier les retombées positives de nos interventions.

Lors de mon premier voyage, Ilan Goldfajn de la Banque interaméricaine de développement et moi-même sommes allés au Pérou et en Jamaïque pour donner délibérément corps à ce qui a trop souvent été fortuit : notre collaboration. 

Notre partenariat a trois objectifs : lutter contre le déboisement en Amazonie, renforcer la résilience des Caraïbes face aux catastrophes naturelles et combler le fossé numérique en Amérique latine et dans les Caraïbes. 

Certes, les résultats ne se manifesteront pas du jour au lendemain, mais ensemble, notre impact sera plus grand que si chacun de nous agissait tout seul. C’est pourquoi la Banque mondiale tend la main à d’autres institutions dans l’espoir d’établir des partenariats similaires.

Ce sentiment d’une cause commune est partagé par toutes les banques multilatérales de développement. 

Ce qui nous intéresse, c’est produire un impact ; la concurrence du passé a commencé à s’estomper. Nous sommes conscients qu’ensemble, nous pouvons accomplir beaucoup de choses. Mais en ces premiers jours, nous concentrons notre énergie sur quatre domaines qui nous feront tous monter en puissance. 

Premièrement, nous travaillons avec les agences de notation de crédit pour les aider à mieux comprendre notre travail et les risques qu’il comporte. Celles-ci participent pleinement à la mobilisation des capitaux et à l’établissement des prix. Faute de progrès, des idées comme celle liée au capital appelable ne pourront pas se concrétiser. 

Deuxièmement, nous élargissons la collaboration sur les financements en commun, en mettant en place une plateforme de cofinancement pour faciliter la coordination des priorités à l’échelle mondiale et régionale. 

Troisièmement, nous standardisons nos procédures, réduisons les coûts de transaction et libérons des moyens techniques. Nous progressons déjà sur le front de la passation des marchés et prenons des mesures pour rationaliser nos cadres environnementaux et sociaux. 

Enfin, nous mettons au point une nouvelle approche pour suivre les résultats climatiques en fonction de leur impact. Nous en dirons davantage lors de la COP28 à Dubaï. 

Cette approche unifiée pourrait grandement profiter aux pays que nous servons, en leur permettant d’accéder plus facilement aux ressources d’une diversité de banques multilatérales de développement, dont les prêts seraient concentrés sur une plateforme nationale unique. 

Mais la Banque mondiale, comme mes amis des autres banques multilatérales de développement, n’a pas le monopole des bonnes idées. 

Nous devrions donc les voler sans gêne et les partager en toute transparence. 

Et nous devons le faire avec — et dans — les groupes de réflexion, le secteur privé, la société civile, ainsi que tous ceux qui font bouger les lignes. 

Nous pouvons faire beaucoup ensemble, mais cet engagement au service de l’impact commence chez nous-mêmes. 

Consciente que retarder le développement, c’est priver de développement, la Banque mondiale a lancé un ambitieux programme afin d’accélérer le rythme de ses interventions, d’accroître son efficacité et de simplifier ses procédures. 

En chiffres, une année sans éducation réduit le revenu futur d’une personne de 10 % par an. 

Le fait de priver un enfant d’une bonne alimentation au cours de ses 1 000 premiers jours d’existence diminue son revenu d’environ 17 % chaque année, pour le reste de sa vie.

Pourtant, à la Banque mondiale, nous consacrons autant de temps à un projet difficile, comme la construction d’une ligne de transport de 2 000 kilomètres traversant des zones de conflit et des milieux sensibles, qu’à la construction d’un petit réseau solaire ou d’une nouvelle école.

Nos équipes passent des mois à préparer des rapports qui évaluent les risques sous tous les angles – 4 880 journées de travail chaque année uniquement sur des examens internes redondants et des autorisations.

Et lorsqu’un projet fonctionne et doit être transposé à plus grande échelle, nos procédures exigent que les équipes concernées recommencent à zéro, en disant aux communautés d’attendre patiemment pendant que les enfants grandissent, que la pauvreté s’accroît, que les maladies non traitées s’aggravent et que le vieux sentier vers le point d’eau potable devient plus ardu chaque jour, pas après pas après pas. 

Actuellement, il faut — en moyenne — 27 mois à un projet de la Banque mondiale avant qu’un seul dollar ne soit décaissé. Cela est suivi d’un long processus de mise en œuvre et de construction. 

Trop souvent, plus de 10 ans vont passer avant que les premières retombées positives se manifestent.

Une éternité. 

Nous devons faire mieux. Et nous pouvons gagner un temps précieux. 

C’est tout le processus que nous avons en ligne de mire, mais nous travaillons d’abord à réduire considérablement le délai d’examen et d’approbation des projets, d’un tiers notamment. 

Cela dit, notre ambition est de faire plus. 

Notre plan consiste à simplifier la procédure d’approbation, à ajuster proportionnellement les méthodes d’examen et à mettre une technologie intelligente au service de délais plus courts pour accélérer les opérations.

Nous y parviendrons sans apporter un seul changement à nos normes environnementales et sociales qui protègent les collectivités pour lesquelles nous travaillons et rassurent nos partenaires et nos actionnaires. 

Nous ne pensons pas que qualité et vitesse sont antinomiques. En fait, nous sommes convaincus de pouvoir allier les deux. 

Ce sont-là des progrès importants, mais nous pouvons faire plus, et nous travaillons actuellement à un plan pour mieux accompagner les pays dans la mise en œuvre. Si nous parvenons à intégrer l’assistance technique dans nos projets dès le départ, et à aider les pays à renforcer leurs capacités, nous pourrons gagner du temps. 

Non seulement nous rationalisons notre approche et poussons nos équipes à travailler plus vite, mais nous étudions également les moyens d’encourager la célérité et la collaboration dans toutes les institutions qui composent la Banque mondiale. 

Ce besoin de collaboration, l’exigence de l’impact et la conviction qu’il y a de l’élégance dans la simplicité nous ont amenés à penser à un programme potentiellement porteur de transformations.

Notre espoir est de réorganiser la Banque mondiale de telle manière qu’elle puisse affronter les défis non seulement en tant que mécanisme de financement, mais aussi en tant qu’instrument de partage du savoir. 

C’est ce que recherchent les pays : notre savoir. 

La Banque mondiale est réputée depuis longtemps pour s’attaquer aux problèmes les plus épineux afin d’y trouver des solutions et de changer des vies. 

Pendant le peu de temps que j’y ai passé jusqu’à présent, j’ai vu de mes propres yeux quelles en sont les retombées.

En Inde, la technologie est utilisée pour suivre l’assiduité et les performances des élèves en temps réel. Les spécialistes de l’éducation décèlent les problèmes, prennent rapidement des mesures et remettent les enfants sur les rails.

Par conséquent, on observe une amélioration de l’assiduité des élèves comme des enseignants et un accroissement des effectifs.

Au Pérou, les centres d’assistance juridique gratuite changent, et sauvent, des vies. Des gens sont alignés devant ceux-ci tous les jours.

Notamment des femmes réclamant le versement de pensions alimentaires, ou d’autres demandant justice pour des violences domestiques et sexuelles.

Ces histoires ne sont pas spécifiques aux Péruviennes.

L’Inde et le Pérou ne sont pas les seuls pays qui s’emploient à améliorer les résultats scolaires ou à créer des sociétés plus équitables. Alors, pourquoi n’avons-nous pas exporté ces succès ? 

La Banque mondiale en a enregistré un grand nombre. Chacun s’accompagnant de connaissances nouvelles.

Rien qu’au cours des cinq dernières années, nous avons aidé 100 millions de personnes à trouver des emplois, élargi l’accès aux soins de santé à plus de 1 milliard d’individus, aidé environ 500 millions d’enfants à s’instruire et réduit les émissions de carbone de plus de 230 millions de tonnes par an.

Et en dépit de ces avancées, un trop grand nombre de personnes n’ont toujours pas été touchées par nos actions. 

Un trop grand nombre de personnes ne peuvent toujours pas connaître la dignité que confère un emploi.

Un trop grand nombre de personnes vivent toujours sans accès à l’électricité, à une éducation de qualité, à des soins de santé décents. 

Et un trop grand nombre de nos projets les plus remarquables finissent sous forme de rapports sur des étagères.

Pour inverser la tendance et répandre davantage les bienfaits, nous devons élargir et reproduire à grande échelle les solutions efficaces trouvées au bout d’efforts acharnés.

Et nous le ferons de manière à rendre la Banque mondiale plus abordable, plus accessible et plus compréhensible.

D’abord, nous fonderons notre modèle axé sur les besoins des pays et les cadres de partenariat-pays sur nos connaissances. Comme des partenaires aux côtés des gouvernements, nous nous emploierons à élaborer des plans de développement ciblés combinant leurs aspirations et nos compétences.

Ensuite, nous contribuerons à créer et peaufiner des projets dignes d’investissements et à les mettre en œuvre. Nos équipes de gestion des connaissances collaboreront avec nos équipes-pays pour mettre à contribution toute la panoplie de la Banque mondiale, servant de démultiplicateur de force auprès des gouvernements lorsque des ressources supplémentaires sont nécessaires.

Et enfin, nous serons la locomotive intellectuelle qui fait avancer la Banque, le monde et les grandes idées grâce à nos études, nos rapports et nos interventions de manière générale.

Les travaux reposant sur notre savoir, notamment les cadres de partenariats-pays, la préparation de projets bancables et le leadership intellectuel, s’articuleront autour de cinq axes d’intervention simples :

Les personnes — santé, éducation, protection sociale

La prospérité — emplois, politique fiscale, politique économique, inclusion financière, petites entreprises 

La planète – air, eau, santé du sol, biodiversité, forêts, adaptation et atténuation L’infrastructure – routes, ponts, énergie

Le numérique — parce qu’il transforme notre monde et rendra tout le reste possible.

Pour nous assurer de tenir nos engagements dans tous ces cinq axes d’intervention, nous mesurerons nos résultats en matière d’égalité des genres, d’emplois pour les jeunes et d’effets sur le climat.

Au cœur de la banque des connaissances se trouvent les solutions aux huit défis mondiaux qui nous interpellent : adaptation et atténuation ; fragilité et conflits ; prévention des pandémies et préparation aux pandémies ; accès à l’énergie ; sécurité alimentaire et nutritionnelle ; sécurité hydrique et accès à l’eau ; facilitation de la numérisation ; et protection de la biodiversité et de la nature.

L’ensemble étant organisé de manière à garantir des résultats à grande échelle.

Mais même si la Banque devient plus efficace, et même si les gouvernements, les institutions multilatérales et les organismes caritatifs travaillent tous ensemble, nous serons encore loin du compte.

Nous avons besoin de l’envergure, des ressources et de l’ingéniosité du secteur privé.

Dans son travail avec le secteur privé, IFC a utilisé jusqu’ici seulement 5,6 milliards de dollars de nos fonds propres pour mobiliser des investissements privés d’une valeur de 162 milliards de dollars. 

Mais nous n’avons pas réussi à faire de progrès véritablement importants, durables.

Pour y remédier, nous avons lancé le laboratoire des investissements du secteur privé et recruté quinze des directeurs généraux les plus influents dans le monde, issus de sociétés de gestion d’actifs et de banques, ainsi que des opérateurs.

Nous étudions les possibilités qui s’offriraient à la Banque mondiale pour contribuer à atténuer les risques, encourager des mesures publiques destinées à intéresser de nouveaux investisseurs et garantir que les projets deviennent mûrs pour des concours financiers.

Nous essayons d’apporter des transformations systémiques.

Dans un premier temps, le laboratoire s’attachera principalement à accroître l’investissement privé dans les énergies renouvelables et la transition énergétique dans les pays en développement, recherchant des idées concrètes qui permettront d’inverser la courbe en freinant les émissions.

Nous entrevoyons déjà des raisons d’espérer.

Lors de la première réunion, nous avons recensé une série de marchés, offrant chacun des possibilités d’investissements du secteur privé, mais présentant aussi des difficultés que nous devons aplanir.

Nous avons formulé les premières idées sur la manière dont la Banque peut mieux mobiliser les financements privés.

Notamment celle qui consisterait à uniformiser l’émission des garanties dans l’ensemble de la Banque, ce qui en simplifierait l’accès et favoriserait un plan de développement ambitieux pour la MIGA au cours des prochaines années.

Face à la forte demande que suscite cet outil efficace, nous nous mouvons déjà et réfléchissons à la manière d’y répondre.

Nous attendons beaucoup du secteur privé.

Nous lui demandons de se déployer dans des lieux et des situations que ses algorithmes et ses compétences n’intègrent peut-être pas, sur des voies que la Banque mondiale parcourt depuis des années.

Et si nous demandons à d’autres de nous suivre, nous devrions être prêts à partager avec eux la carte que nous utilisons.

En clair, nous devons donner aux investisseurs privés et aux agences de notation des informations exploitables tirées de la base de données mondiale sur les risques des marchés émergents que nous avons développée au départ pour guider nos propres investissements.

Nous sommes persuadés que la transparence inspirera la confiance et conduira à des décisions éclairées, à la prise de risques et, au bout du compte, à des investissements dans les marchés émergents.

Nous prévoyons de partager ces données dans quelques mois.

Pour l’heure, nous nous employons, en collaboration avec d’autres banques multilatérales de développement, à réorganiser et nettoyer la base de données pour en garantir la qualité. Ce n’est qu’un premier pas ; nous continuons de réfléchir à d’autres moyens d’utiliser nos données pour mobiliser les capitaux privés.

Mais notre ferveur ne transparaît pas uniquement dans nos discours, elle devrait être évaluée dans nos actions.

Nous devenons plus efficients, favorisant les résultats plutôt que les moyens, et veillant à nous intéresser moins aux sommes que nous allouons et plus au nombre de filles scolarisées, au nombre d’emplois créés, aux tonnes d’émissions de CO2 évitées ou encore à la quantité de dollars mobilisés auprès du secteur privé.

C’est la raison pour laquelle nous réorganisons entièrement notre fiche de performance institutionnelle, l’orientant vers les résultats et les données factuelles, et réduisant le nombre de rubriques qui s’y trouvent de 153 à 20.

Cette fiche sera l’aune à laquelle nous rendrons compte en même temps qu’elle offrira un point de ralliement à nos équipes et des objectifs en direction desquels elles œuvreront.

Mais à tous égards, la Banque mondiale est meilleure aujourd’hui qu’hier.

Nous avons une vision et une mission nouvelles, nous tirons tout ce que nous pouvons de notre bilan, nous libérons le potentiel de notre Fonds pour une planète vivable et accordons à l’IDA l’attention qu’elle mérite.

Nous devenons plus rapides et plus efficients ; nous avons de nouveaux mécanismes de riposte aux crises, nous utilisons notre banque de connaissances pour obtenir des résultats à grande échelle et nous sommes les chefs de file en matière de réflexion.

Nous collaborons avec des partenaires pour maximiser l’impact et travaillons aux côtés du secteur privé.

Et bien que nous fassions bouger les lignes, bien que nous évoluions, bien que nous nous déployions en urgence, notre travail commence à peine.

Les ambitions de la Feuille de route pour l’évolution ne devraient pas sonner le glas de notre ambition pour la Banque mondiale.

Certes, nous ne possédons pas toutes les réponses maintenant, et celles vers lesquelles nous travaillons prendront du temps, mais nous avons la volonté, l’énergie et la vision.

De nouveaux horizons doivent être explorés, par exemple passer de petits prêts personnalisés à des investissements de grande envergure normalisés pouvant être groupés.

Si nous nous y prenons bien, nous pourrions attirer des investisseurs institutionnels (fonds de pension, compagnies d’assurance, fonds souverains) et mettre leurs 70 000 milliards de dollars au service des pays en développement.

Nous en rêvons depuis de nombreuses années, mais espérer n’est pas une stratégie.

Nous sommes en train de jeter les bases de cette plateforme. En faisant le plus dur aujourd’hui, nous préparons le succès de demain.

Un succès qui pourrait être multiplié davantage par toutes les banques multilatérales de développement afin de mobiliser un volume de capitaux privés jamais atteint.

Mais n’oublions surtout pas que nous ne repartons pas de zéro.

Chaque jour, des millions de personnes donnent tout pour contribuer à trouver des solutions. Des exemples réels d’actions entreprises existent.

Au Nigéria, les boutiquiers utilisent l’énergie solaire pour rester ouverts tard le soir.

En Indonésie, des initiatives de restauration des mangroves permettent de réduire les émissions de carbone, créent des emplois pérennes pour les femmes et protègent les collectivités des inondations.

Au Viet Nam, les riziculteurs adoptent de nouvelles techniques qui réduisent considérablement les émissions de méthane tout en augmentant les revenus.

Les solutions ne manquent pas, mais la peur constante de les appliquer nous paralyse.

La bonne nouvelle est que des solutions comme celles-là sont à notre portée, et nous disposons des ressources voulues pour les appliquer à grande échelle.

Par exemple, nous pouvons rationaliser nos dépenses.

Chaque année, 1 250 milliards de dollars sont dépensés en subventions aux énergies fossiles, à l’agriculture et à la pêche. Certaines sont très importantes et indispensables, mais pour d’autres, nous pouvons mieux faire.

Le coût économique du ruissellement des engrais, d’une pollution atmosphérique inutile et de la surexploitation des ressources halieutiques se chiffre à 6 000 milliards de dollars chaque année.

En utilisant une partie de cet argent pour encourager des pratiques durables, nous pourrions protéger l’atmosphère, l’eau et les forêts, tout en continuant de soutenir ceux qui en ont le plus besoin.

Cette démarche a fait ses preuves.

L’Europe s’est employée pendant des années à réorienter des subventions qui, par le passé, encourageaient le recours excessif aux engrais. Aujourd’hui, les mêmes montants sont versés aux mêmes agriculteurs pour réduire l’utilisation des engrais, ce qui a des effets positifs sur le climat.

Mais toutes les solutions ne demandent pas des années pour être mises en œuvre.

Nous arrivons au bout de 20 ans d’efforts pour mettre en place des marchés du carbone efficaces, transparents et volontaires.

L’initiative qui s’appuie sur les enseignements de l’expérience vise à prévenir l’écoblanchiment et garantir l’intégrité des crédits de réduction des émissions.

Cette assurance est une pièce vitale d’un puzzle complexe.

La certification est le pilier de marchés sains, elle renforce la confiance des investisseurs et améliore les prix, permettant ainsi aux pays riches en ressources naturelles de trouver un intérêt à monétiser ces actifs et à les protéger.

Plus important encore, les revenus générés profitent aux familles et aux collectivités.

Appliqués efficacement, les marchés volontaires du carbone pourraient devenir plus liquides, plus transparents, et un meilleur instrument pour les pays en développement.

Nous entendons développer cette plateforme pour financer la réduction des émissions dans les pays en développement, au profit des populations locales.

Notre ambition est sans borne.

Elle stimule les actions engagées pour devenir une banque meilleure, car, au bout du compte, nous aurons besoin d’une banque plus grande. Ce sera l’épreuve décisive.

Toutes les estimations, ou presque, indiquent qu’il faudrait des milliers de milliards chaque année pour faire des progrès suffisants : bien plus que ce que permettrait de générer le cadre d’adéquation des fonds propres uniquement. Le secteur privé peut prêter son concours.

Mais nous aurons besoin d’une banque plus grande afin d’accroître notre capacité financière, de prendre plus de risques pour encourager les investissements et d’étayer la reproductibilité et l’extensibilité que la Banque mondiale entend mettre en œuvre.

La Banque mondiale n’est qu’un instrument par lequel s’exprime l’ambition de ses actionnaires ; les évolutions que nous appelons de nos vœux exigent des ressources et un capital à la hauteur de notre vision et des besoins auxquels nous sommes appelés à répondre.

Mais s’il y a bien une chose que nous savons depuis la création de notre institution, c’est qu’ensemble nous pouvons réaliser de grandes choses. 

Chaque génération pense que les défis auxquels elle est confrontée sont les plus difficiles, les plus lourds de conséquences et les plus inextricables.

Mais jamais l’humanité n’a été face à une série de problèmes aussi complexes et graves au point qu’ils menacent notre existence même.

Toutefois, en tant que dirigeant d’une institution prônant les idéaux de paix et de coopération, je tenais dans mes premiers échanges avec vous, à vous parler d’impact et d’optimisme.

Rien ne me remplit autant d’espoir que notre capacité à travailler ensemble, motivés par un objectif commun.  

Mais trop souvent, nos yeux restent rivés au sol et nous oublions de lever le regard.

Pourtant, une chose devrait être claire désormais : la Banque mondiale a les yeux tournés vers l’horizon.

Nous avons hérité de connaissances décennales et bénéficié de la générosité de tous les pays ; aujourd’hui, nous sommes appelés à prendre les rênes et sommes plus prêts que jamais à réaliser les progrès qui nous sont demandés.

Outre ses financements intéressants, la Banque mondiale dispose d’autres ressources tout aussi dignes d’intérêt : sa ferveur, sa créativité, son personnel et son esprit d’innovation.

Voilà les atouts qui nous porteront en avant. 

Je vous remercie.

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