Monsieur le Président Fakhoury,
Madame Lagarde,
Mesdames et Messieurs les Gouverneurs,
Mes chers amis Jim et Elaine Wolfensohn,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers amis,
C’est un honneur de prendre la parole devant vous aujourd’hui, cinq ans après l’avoir fait pour la première fois à Tokyo.
Chaque année, nous nous retrouvons à l’occasion de ces Assemblées annuelles pour réfléchir aux défis les plus épineux qui touchent la vie de milliards de personnes à travers le monde. Et chaque année nous traçons la voie à suivre ensemble pour faire en sorte que le développement profite à pour tous et pour assurer à tous une vie décente.
Nous traversons une période critique pour le travail du Groupe de la Banque mondiale. La bonne nouvelle est que la croissance mondiale est forte – elle s’établit à 2,7 % cette année. Le deuxième trimestre de l’année dernière a affiché le taux de croissance trimestriel le plus élevé depuis 2010.
Les échanges commerciaux se redressent, mais l’investissement reste faible, et nous craignons que des risques tels que la montée du protectionnisme, les incertitudes politiques ou une éventuelle perturbation des marchés des capitaux puissent torpiller cette fragile reprise de l’activité économique. C’est pourquoi il est temps que tous les pays entreprennent les réformes nécessaires pour favoriser la croissance de leur économie et faire face à la concurrence dans un avenir qui s’annonce certainement plus complexe, exigeant et numérisé.
Nous nous réunissons à nouveau à un moment où de nombreuses crises battent leur plein ou se profilent :
- les conflits, les pandémies, le changement climatique et la famine touchent les populations du monde entier et contribuent au déplacement forcé d’un nombre sans précédent de personnes ;
- dans la quasi-totalité des régions du monde, les pays se replient sur eux-mêmes ;
- et le terrorisme international et intérieur sévit aux quatre coins du monde.
On a souvent le sentiment qu’en fait, notre monde qui est de plus en plus interconnecté s’effondre et que les pays et les peuples s’éloignent les uns des autres. Au milieu de toutes ces turbulences, des organisations comme le Groupe de la Banque mondiale se doivent de prendre les devants pour aider à poser les nouveaux fondements de la solidarité humaine. Nous relevons de l’ordre mondial établi après 1945, qui partait de l’idée que ce qui touche une ville, un pays ou une région peut avoir des conséquences immédiates et pérennes sur nous tous. Ces nouveaux fondements de la solidarité humaine doivent nous permettre de nous départir de l’ancienne dichotomie entre donateurs et bénéficiaires pour sceller un nouveau pacte de développement entre parties intéressées.
En 2013, nous avons annoncé nos objectifs, à savoir mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici 2030 et promouvoir une prospérité partagée au profit des 40 % les plus pauvres de la population dans le monde entier. Et il y a un an, j’ai expliqué les trois façons d’y parvenir : en accélérant le rythme d’une croissance économique durable et solidaire ; en renforçant la résilience aux chocs et aux menaces ; et en investissant davantage – et de manière plus efficace – dans la ressource humaine.
Pour nous, le moment présent est particulièrement important pour lutter contre la pauvreté, car nous disposons d’une plus grande marge de manœuvre pour prendre des mesures audacieuses en vue de stimuler l’économie, protéger les pays contre des crises majeures qui viennent s’ajouter les unes aux autres, et investir dans la ressource humaine.
Avant de vous donner quelques exemples qui illustrent le chemin que nous avons parcouru sur tous ces fronts, je tiens à remercier le personnel du Groupe de la Banque mondiale, qui se dévoue sans relâche à la réalisation de nos ambitieux objectifs. J’aimerais également saluer nos clients et nos actionnaires qui, dans l’adversité, déploient des efforts considérables pour réaliser leurs plus hautes aspirations.
Le premier axe de notre stratégie pour mettre fin à la pauvreté et promouvoir une prospérité partagée consiste à accélérer le rythme d’une croissance économique durable et solidaire.
Nous savons que l’aide publique au développement ne suffira pas pour réunir les 4 000 milliards de dollars requis chaque année pour atteindre les objectifs de développement durable et réaliser les aspirations grandissantes des populations à travers le monde.
En avril dernier, en prélude aux Réunions de printemps, j’ai préconisé une nouvelle démarche consistant à optimiser le financement du développement en ayant systématiquement recours aux investissements du secteur privé et en faisant en sorte qu’ils aient des retombées positives pour les pays en développement et les personnes démunies. Nous avons ainsi élaboré les Principes communs de mobilisation des financements du secteur privé, qui ont été entérinés par le G20 l’été dernier. Voilà un bel exemple de collaboration étroite entre la direction et le Conseil des Administrateurs qui met en branle un changement fondamental de notre conception du financement du développement.
L’Optimisation du financement du développement ne repose pas sur une idéologie, pas plus qu’elle n’est une panacée pour tous les défis liés au développement. Elle est une démarche fondée sur des données factuelles, qui nous amène à nous poser une question toute simple : comment pouvons-nous tirer le meilleur parti des ressources mises à la disposition des pays en développement afin qu’ils puissent faire ce qu’ils doivent faire pour leurs populations tout en allégeant autant que possible le fardeau de la dette publique ?
Optimiser le financement du développement, c’est trouver des solutions mutuellement bénéfiques, où les investisseurs obtiennent un bon rendement tandis que les pays utilisent ces ressources pour réaliser leurs objectifs de développement. Nos services à travers l’ensemble du Groupe de la Banque mondiale poursuivent cette démarche, et nous observons déjà de très bons résultats.
Il y a trois ans, en Égypte, les subventions à l’énergie atteignaient 6,6 % du PIB, soit un taux supérieur au budget cumulé de la santé, de l’éducation et de la protection sociale. Lorsque l’Égypte a voulu réformer son secteur de l’énergie, le Groupe de la Banque mondiale a élaboré un train de mesures complet :
- la BIRD a fourni des experts en assistance technique et analyse ainsi qu’un prêt de 3 milliards de dollars sur trois ans pour soutenir l’aménagement des politiques ;
- l’IFC a accordé des prêts d’un montant de 645 millions de dollars au secteur privé ;
- et, avec les 210 millions de dollars d’assurance contre les risques de la MIGA, les efforts conjugués de cette dernière et de l’IFC ont permis de mobiliser 2 milliards de dollars d’investissements privés dans le cadre du programme sur les tarifs de rachat de l’énergie solaire photovoltaïque.
L’aménagement des politiques, l’investissement privé initial et l’assurance contre les risques ont contribué à inciter 15 banques et 20 investisseurs différents à participer à un projet de centrale solaire photovoltaïque de grande envergure, et un bon nombre de ces investisseurs contribueront à des opérations futures. Cette initiative a permis d’attirer plus de 15 milliards de dollars d’investissements privés dans le secteur gazier en Égypte.
Suite aux efforts qu’il a menés pour réduire les subventions aux combustibles fossiles et à d’autres réformes entreprises, l’État égyptien a vu sa marge budgétaire s’accroître d’environ 14 milliards de dollars par an. Il a ainsi pu lancer deux nouveaux programmes de transferts monétaires au profit de 1,7 million d’Égyptiens pauvres ; les subventions alimentaires pour les plus pauvres ont augmenté de 300 % ; et le gouvernement a élargi la couverture de son programme de repas scolaires.
Nous avons tiré de précieux enseignements de cette initiative poursuivie en Égypte, le plus important d’entre eux étant que nous pourrions davantage anticiper et créer des marchés – et ne pas simplement attendre qu’ils apparaissent spontanément. Et nous avons montré qu’il était possible d’être efficace en finançant des secteurs autres que les infrastructures, en aidant par exemple à transformer le secteur de la santé en Turquie.
En effet, en 2002, le taux de mortalité infantile en Turquie était beaucoup plus élevé que dans les autres pays de l’OCDE et l’espérance de vie y était inférieure de quelques années. Les autorités ont donc amorcé un processus ambitieux de refonte de l’ensemble du système de santé, aidées en cela par des services-conseils et des prêts de la BIRD.
La Turquie a procédé au lancement d’un partenariat public-privé en 2010 ; la BIRD a consenti un prêt de 134 millions de dollars et de l’assistance technique ; l’IFC a investi 241 millions de dollars, qui ont permis de mobiliser un surcroît de 540 millions de dollars d’investissements privés ; et la MIGA a fourni des garanties contre le risque politique.
L’un des projets phares de ce partenariat était le Centre intégré de santé d’Elazig, un hôpital d’un millier de lits financé à hauteur de 400 millions d’euros par le premier emprunt obligataire émis dans le cadre du programme de partenariat public-privé turc. La MIGA et la BERD ont collaboré avec Rönesans Holding – un groupe de construction turc – et Meridiam – une société française d’investissement dans les infrastructures – à la mise au point d’une application innovante de rehaussement de crédit qui a permis de financer le projet en faisant appel au marché obligataire. Moody’s a attribué à la qualité de leur placement une note supérieure de deux crans à celle des obligations souveraines turques.
Ces investissements étaient des composantes relativement modestes, mais très importantes, d’un vaste programme qui a transformé le secteur de la santé en Turquie, en augmentant considérablement l’accès aux services et en améliorant la santé publique. En 2002, moins de deux tiers de la population turque possédaient une assurance maladie, et à peine plus de la moitié avait régulièrement accès à des soins de santé. Le Programme de transformation de la santé a donné lieu à un accès quasi-universel – 98 % de la population en Turquie est aujourd’hui couverte par une assurance abordable.
Ce programme a également abouti à une amélioration substantielle des résultats en matière de santé à travers le pays. Les taux de mortalité infantile ont diminué de moitié, l’espérance de vie a augmenté, passant de 71 à 74 ans, et la mortalité des enfants de moins de cinq ans est descendue à 55 %.
Ce ne sont là que deux exemples des nombreuses interventions que nous transposons et diffusons actuellement à travers le monde. C’est le moment ou jamais de faire appel à l’investissement privé. Actuellement, plus de 10 000 milliards de dollars sont investis sous forme d’obligations à taux d’intérêt négatifs ; 24 000 milliards de dollars sous forme d’emprunts publics peu rentables ; et 5 000 milliards de dollars sont conservés en espèces, dans l’attente de meilleurs investissements offrant des rendements plus élevés.
À Davos l’année dernière, le président chinois Xi Jinping déclarait que le système de marché mondial est le vaste océan dans lequel nous nageons tous et dont nous ne pouvons pas nous échapper. Il a dit et je le cite : « toute tentative de... canaliser les eaux de l’océan vers des lacs et des ruisseaux isolés est simplement impossible ». Optimiser le financement du développement est notre meilleure chance de faire en sorte que le système de marché mondial profite à tous.
Nous devons nous approprier la notion selon laquelle notre plus grande responsabilité morale consiste à assurer l’égalité des chances. L’approche d’optimisation du financement du développement permet aux pays d’obtenir les ressources pour bâtir des ponts, des parcs solaires et des hôpitaux. Elle libère des fonds pour les écoles, la formation professionnelle et les filets de protection sociale, et permet d’élaborer des solutions mutuellement bénéfiques qui favorisent la croissance économique et offrent à tous la possibilité d’obtenir une bonne éducation, un emploi stable, et de réaliser leurs plus grandes aspirations.
Le deuxième axe de notre stratégie consiste à développer la résilience aux crises et chocs qui viennent s’ajouter les uns aux autres, l’un des plus critiques étant le changement climatique.
Face au changement climatique, nous manquons de temps – 2016 est encore l’année la plus chaude depuis qu’on a commencé à tenir des statistiques. En fait, les trois dernières années ont chacune battu le record précédent. À travers le monde, des catastrophes naturelles plus extrêmes poussent 26 millions de personnes dans la pauvreté chaque année.
Nous devons réduire notre empreinte carbone et aider les pays à faire face à des catastrophes naturelles comme les ouragans qui ont récemment frappé les Caraïbes et les inondations qui ont dévasté l’Asie du Sud.
L’année dernière, le Groupe de la Banque mondiale a octroyé 12,8 milliards de dollars de prêts à l’appui d’investissements liés au climat, ce qui représente 22 % de notre portefeuille. Nous sommes désormais la plus grande source de financement des projets climatiques dans le monde en développement, et nous sommes en voie de réaliser notre objectif consistant à affecter 28 % de notre portefeuille à des interventions bénéfiques pour le climat à l’horizon 2020.
Nous utilisons également notre capacité de mobilisation pour transposer l’action dans le domaine climatique à une échelle plus grande en réunissant les acteurs publics et privés. Les engagements pris à Paris par 21 économies émergentes représentent à eux seuls 23 000 milliards de dollars d’investissements potentiels – notamment dans des bâtiments écologiques, des modes de transport durables, les énergies renouvelables et la maîtrise de l’énergie.
Nous avons besoin d’investissements climatiques qui se chiffrent non pas en milliards, mais en milliers de milliards de dollars. Environ 90 000 milliards de dollars seront investis dans les infrastructures au cours des 15 prochaines années, tout simplement pour remplacer les infrastructures vieillissantes dans les économies avancées et s’aligner sur la croissance escomptée dans les économies émergentes. Pour l’heure, l’investissement dans les infrastructures plafonne à 3,4 000 milliards de dollars par an, mais les besoins tournent davantage autour de 6 000 milliards. Et toutes ces infrastructures doivent être adaptées au changement climatique, sobres en carbone et résilientes.
En collaboration avec les Nations Unies et la France, nous organiserons le Sommet sur le climat à Paris le 12 décembre prochain, pour mettre les investisseurs en présence de possibilités d’investissements climato-intelligents.
En même temps que nous nous attaquons au changement climatique, nous devons multiplier les efforts pour venir en aide aux réfugiés – et aux pays et personnes qui fournissent un bien public mondial en les accueillant.
Un an plus tôt, au cœur de la crise des réfugiés, nous avons établi un fonds spécial qui a déjà octroyé 200 millions de dollars de dons et permis de mobiliser plus de 1 milliard de dollars de financements concessionnels au profit de la Jordanie et du Liban. En accueillant plus de 1,5 million de Syriens déplacés, le Liban affiche le ratio de réfugiés par habitant le plus élevé du monde. Et comme l’a dit le Président, la Jordanie héberge plus de réfugiés qu’aucun autre pays au monde. Dans ces deux pays, 81 % des réfugiés syriens ont moins de 35 ans, et 70 % sont pauvres.
Ce fonds spécial, désormais appelé Mécanisme mondial de financement concessionnel ou GCFF, a des retombées significatives. En Jordanie, le GCFF a aidé les réfugiés syriens à se faire délivrer 50 000 permis de travail en bonne et due forme. Au Liban, il finance des programmes d’aménagement des routes et de promotion de l’emploi, qui ont créé des emplois directs et indirects représentant plus d’un million de jours de travail. Il aide aussi à sortir les enfants de la rue et les mettre à l’école, afin de leur fournir une éducation et d’éviter la tragédie d’une génération perdue.
Cette année, nous avons aussi pris des mesures importantes pour briser le cycle de la panique et la négligence qui entoure les pandémies. Trop souvent, nous négligeons les épidémies de maladies infectieuses jusqu’à ce qu’elles deviennent une menace mondiale – puis nous les oublions rapidement après que la menace s’est dissipée. Avec le Mécanisme de financement d’urgence en cas de pandémie, nous disposons pour la première fois d’une véritable assurance contre les pandémies – une police de 450 millions de dollars qui va permettre de décaisser automatiquement des fonds au profit des pays les plus pauvres lorsqu’une épidémie atteint un seuil critique.
C’est la première fois que le risque de pandémie dans les pays à faible revenu est partagé avec les marchés financiers. Pourquoi ne pouvons-nous pas faire la même chose pour la famine ou d’autres crises humanitaires ? En ce qui me concerne, je suis convaincu que nous le pouvons, et nous nous y employons en ce moment.
Le troisième axe de notre stratégie consiste à investir davantage — et de manière plus efficace — dans la ressource humaine.
Pendant la majeure partie de ma vie adulte, je me suis attaché à fournir des soins à des personnes souffrant de terribles maladies dans certaines des régions les plus pauvres du monde. Et pendant la majeure partie de ma vie adulte, mes collègues et moi avons plaidé pour un surcroît d’investissements dans le capital humain.
En général, nous invoquions un argument moral, à savoir que tout le monde mérite d’avoir une chance de réaliser ses plus grandes aspirations. Procurer la santé, l’éducation et la protection sociale est l’un des moyens les plus efficaces de donner une chance à tout le monde.
Nous avons toujours su qu’investir dans la ressource humaine est ce qu’il convient de faire ; nous apprenons maintenant que d’un point de vue économique, cela pourrait bien être l’option la plus intelligente qui soit.
L’année dernière, nous avons procédé à différentes analyses qui ont révélé que l’investissement dans l’être humain – particulièrement dans sa santé, son éducation et sa protection sociale – a une corrélation nettement plus forte avec la croissance économique qu’on ne l’avait jamais imaginé.
Certains de nos économistes au Groupe de la Banque mondiale travaillent avec Chris Murray et l’Institute for Health Metrics and Evaluation, un établissement de l’Université de Washington qui collabore étroitement avec la Fondation Gates. Nous leur avons demandé de mettre à profit les puissants outils d’analyse à leur disposition pour étudier la relation entre la croissance économique et l’amélioration du capital humain.
J’utilise le terme « capital humain » parce que je veux faire passer le message suivant aux ministres des Finances présents ici aujourd’hui : lorsque vous investissez dans l’être humain, vous constituez le capital dont vous avez besoin pour développer vos économies.
Trop souvent, les dirigeants des pays nous disent « nous investissons d’abord dans nos économies et ensuite nous investirons dans nos populations ». Investir dans la population c’est investir dans la croissance économique.
Voici très brièvement ce que nous avons constaté :
Si vous observez le quartile supérieur – les 25 % de pays qui ont le plus amélioré le capital humain, et le comparez au quartile inférieur – les 25 % de pays qui ont fait le moins de progrès en ce domaine – la différence est énorme.
Nous avons considéré les 25 années entre 1991 et 2016 – la différence de croissance économique était de 1,25 % du PIB par an sur toute cette période. Nous devons pousser un peu plus la recherche, mais déjà, ces chiffres indiquent que par le passé, l’investissement dans la personne humaine a eu des effets extraordinaires sur la croissance économique.
Et il ne fait aucun doute qu’à l’avenir, l’investissement dans la ressource humaine aura une place plus importante dans des économies de plus en plus numérisées. Selon certaines études, pas moins de 65 % des enfants actuellement au primaire travailleront dans des corps de métier ou domaines qui n’existent pas aujourd’hui.
Nous savons que les pays ont eu à faire des choix cornéliens quant à l’emploi des maigres ressources publiques disponibles. Mais nous avons la conviction, et les données factuelles le prouvent, que leurs économies se porteront d’autant mieux qu’ils investiront davantage et plus efficacement dans la santé, l’éducation et la protection sociale.
L’idée n’est pas nouvelle, mais grâce à des données de meilleure qualité communiquées de façon plus transparente et à de nouveaux outils d’analyse plus performants, nous comprenons maintenant que la relation entre le capital humain et la croissance économique pourrait être bien plus profonde que nous ne le pensions.
Nous publierons bientôt un ouvrage sur l’évolution des richesses des nations que nous intitulerons The Changing Wealth of Nations et, pour la première fois, nous considérons le capital humain comme une composante de la richesse globale des nations. Il s’avère qu’il représente plus de 65 % de la richesse de l’ensemble des pays dans le monde entier.
Le capital humain constitue une part plus importante de la richesse globale dans les pays riches, et dans les pays à faible revenu, il représente une part bien plus infime. Les pays en développement ont donc beaucoup de progrès à faire dans ce domaine.
Nous avons désespérément besoin de ces investissements maintenant, car nous sommes confrontés à plusieurs crises du capital humain :
- 155 millions d’enfants dans le monde souffrent de retard de croissance ;
- 400 millions de personnes n’ont pas accès aux services de santé de base ;
- 100 millions de personnes basculent chaque année dans la pauvreté à cause de dépenses de santé aux effets désastreux ;
- Un tiers seulement des pauvres à travers le monde est protégé par des filets sociaux.
Si nous n’agissons pas résolument, 167 millions d’enfants vivront encore dans l’extrême pauvreté d’ici à 2030.
Nous devons fondamentalement changer la façon dont le monde investit dans le développement du capital humain. La semaine dernière, j’ai annoncé le lancement du Projet sur le capital humain – une initiative qui vise à aider rapidement les pays à investir davantage et plus efficacement dans leur ressource humaine.
Le Projet sur le capital humain repose sur trois axes d’intervention :
- Nous allons accélérer le financement des investissements en faveur du capital humain par des mécanismes innovants basés sur les résultats ;
- Nous continuerons d’étudier toutes les données qui établissent la corrélation entre l’investissement dans la personne humaine et la croissance économique : nous recherchons de nouvelles formules et de nouvelles solutions ;
- Et nous avons entrepris de former une large coalition de tous les intervenants – banques multilatérales de développement (BMD), institutions financières internationales, gouvernements, organisations de la société civile et secteur privé.
À terme, le projet prévoit deux types de classement : l’un basé sur le niveau de capital humain, l’autre sur la mesure des flux financiers, c’est-à-dire les investissements que consentent les pays actuellement pour développer le capital humain.
Nous essayons de créer des conditions telles que les chefs d’État et les ministres des Finances n’auront pas d’autre choix que d’investir dans leurs populations. Nous essayons d’établir un cadre dans lequel il n’est pas seulement moral, mais absolument nécessaire d’investir impérativement dans les populations pour stimuler la croissance économique.
Cette démarche suscitera la controverse. Mais j’estime que nous avons la responsabilité morale de révéler à nos actionnaires le puissant lien qui existe entre l’investissement dans la ressource humaine et la croissance économique. Plus important encore, nous sommes disposés à aider individuellement les pays à accélérer rapidement la qualité et la quantité de cet investissement.
Pour mener toutes ces actions – pour répondre aux besoins des pays dans la mesure des attentes placées en nous – nous avons besoin de plus de ressources.
Au fil des années, nous avons démontré notre capacité exceptionnelle à optimiser les ressources – depuis la création de l’institution, le capital total libéré de la BIRD et de l’IFC, soit 19 milliards de dollars, a produit le rendement suivant :
- Plus de 900 milliards de dollars de financements ;
- 50 milliards de dollars de réserves ;
- et 28 milliards de dollars de transferts à l’IDA et à d’autres programmes.
Parce que les besoins en matière de développement sont énormes et les aspirations grandissantes, la demande est immense. Depuis la crise financière de 2008, le portefeuille de prêts de la BIRD a quasiment doublé. Au cours des dix dernières années, l’IFC a triplé son portefeuille de prêts et quintuplé son portefeuille de participations.
Si nous ne renforçons pas notre assise financière, la BIRD devra réduire d’un tiers ses engagements de prêt annuels. L’IFC devra diminuer ses investissements dans les pays IDA et les pays fragiles et touchés par un conflit, ainsi que ses prises de participations, rendant irréalisable la création de marchés dans les zones les plus difficiles du monde.
Nous avons fait du très bon travail tous ensemble. De nombreux pays ont évolué, progressé, et pu atteindre des niveaux de développement nouveaux. Nous devons le reconnaître. Et nous devons engager un dialogue avec vous tous, pour que les ressources du Groupe de la Banque mondiale continuent d’être dirigées là où elles concourent le plus à la réalisation de notre double objectif.
L’augmentation du capital nous permettra de tenir notre engagement, celui d’un Groupe de la Banque mondiale financièrement solide, à même d’apporter des financements à la hauteur des attentes de nos pays clients.
J’ai profondément le sentiment qu’il est urgent d’agir, et pas uniquement parce que le monde fait face à des besoins énormes.
Les aspirations augmentent. Et, conjuguées aux opportunités, elles peuvent insuffler du dynamisme et donner lieu à une croissance économique durable et solidaire. Mais en l’absence de possibilités pour réaliser les aspirations, une frustration croissante pourrait très bien conduire un pays dans les tourments de la fragilité, des conflits, de la violence, de l’extrémisme et, finalement, de la migration.
Nous avons un important rôle à jouer, pour trouver des solutions mutuellement bénéfiques, qui nous permettent d’optimiser le financement du développement et d’offrir aux détenteurs de capitaux des possibilités de rentabiliser davantage leur investissement.
Nous avons un important rôle à jouer, en ayant recours à la panoplie d’outils financiers dont nous disposons pour protéger les pays des crises qui se superposent.
Et nous avons un important rôle à jouer, en aidant les pays à investir davantage et plus efficacement dans leur capital humain.
Depuis mon arrivée à la tête du Groupe de la Banque mondiale il y a cinq ans, et en dépit de tous les problèmes auxquels le monde est confronté, je suis plus que jamais confiant que nous pouvons aider les populations à échapper à la pauvreté ; que nous pouvons poser les nouveaux fondements de la solidarité humaine.
Mais nous devons agir, comme l’a dit le grand Martin Luther King « dans l’urgence absolue du moment » sachant, comme il l’a ajouté, « qu’il est possible d’agir trop tard ».
Si nous nous attachons à mettre en œuvre ces trois axes d’intervention ;
Si nous y consacrons les ressources appropriées ;
Si nous agissons avec l’urgence absolue que nous imposent les circonstances de l’heure –
J’ai la conviction que nous pourrons être la première génération dans l’histoire à éradiquer la pauvreté de la surface de la terre.