Déclaration de Vision du Comité pour la tarification du carbone : le Premier ministre du Canada Justin Trudeau, la Présidente du Chili Michelle Bachelet, le Premier ministre de la République fédérale d’Ethiopie Hailemariam Dessalegn, le Président de la France François Hollande, la Chancelière de la République fédérale d’Allemagne Angela Merkel et le Président du Mexique Enrique Peña Nieto conjointement avec le Président du Groupe de la Banque mondiale Jim Yong Kim, la Directrice générale du FMI Christine Lagarde, le Gouverneur de Californie Edmund G. Brown Jr., le maire de Rio de Janeiro Eduardo Paes et le Secrétaire général de l’OCDE Angel Gurría.
Réalisation mondiale majeure, l’Accord de Paris pose les fondements d’une action collective pour limiter l’augmentation de la température à moins de 2 °C.
À présent, l’attention du monde est tournée vers les politiques et les mesures qui permettront de tenir les promesses de la COP21, d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris et même de les dépasser.
La tarification du carbone a un rôle clé à jouer, car c’est l’une des mesures les plus efficaces pour réduire la pollution à l'échelle et au rythme que la science exige.
La tarification du carbone permet de s’assurer que les coûts véritables des combustibles fossiles et les bénéfices de l’énergie propre se reflètent sur le marché, que l’efficacité de l’énergie est pleinement récompensée et que la protection des forêts présente une valeur économique manifeste. Aujourd’hui, elle encourage les investissements dans la réduction rentable des émissions, tout en favorisant l’innovation dans les technologies de l’avenir, sobres en carbone. Enfin, la tarification du carbone contribue à la croissance et à l’emploi verts et durables dans le contexte d’une transition économique bénéfique au climat et à l’épreuve des changements climatiques. Elle génère aussi des recettes publiques qu’on peut utiliser, entre autres choses, dans le cadre d’une réforme fiscale plus large ou pour financer les actions en matière de climat.
La bonne nouvelle, c’est que la tarification du carbone connaît un véritable élan partout sur la planète. En effet, 66 zones de compétence, qui comptent plus de 1,6 milliard de personnes, ont adopté des programmes d’échanges d’émissions ou des taxes sur le carbone. Quatre-vingt-dix pays disent se servir de la tarification du carbone, sous une forme ou l’autre, pour atteindre les contributions nationales qu’ils ont fixées et communiquées à l’approche de la Conférence de Paris sur le climat, en décembre 2015. Des pays, États, provinces, villes et autres zones de compétence s’engagent activement dans la recherche de solutions en la matière. Le cours actuel peu élevé des combustibles fossiles rend encore plus urgente l’adoption de politiques pour corriger les incitations tarifaires, y compris par la tarification du carbone, et offre l’occasion d’en formuler d’autres.
Et pourtant, les efforts actuels ne suffisent pas. Seuls 12 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre sont pour le moment couvertes par une tarification explicite du carbone. Il reste beaucoup à faire pour que les pays atteignent leurs contributions nationales et adoptent des objectifs plus ambitieux. Nous devons accroître le nombre de gouvernements qui adoptent la tarification du carbone, renforcer les programmes de tarification actuels et promouvoir la coopération à l’échelle mondiale, notamment par le biais de l’article 6 de l’Accord de Paris.
À long terme, le Comité a pour vision d’étendre la mise en œuvre de la tarification du carbone à l’échelle mondiale et d’adopter des cibles plus ambitieuses pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris, qui est de limiter l’augmentation de la température moyenne de la planète à moins de 2 °C par rapport au niveau préindustriel et de promouvoir les efforts pour qu’elle ne dépasse pas 1,5 °C.
En ligne avec cette vision, le Comité de haut niveau sur la tarification du carbone demande à la communauté internationale de réaliser l’objectif suivant :
OBJECTIF EN MATIÈRE DE TARIFICATION DU CARBONE : Accroître la tarification explicite du carbone pour couvrir 25 % des émissions mondiales d’ici 2020 et atteindre 50 % dans les dix années suivantes.
Pour contribuer à cet objectif, le Comité appuiera les mesures suivant trois voies principales :
- Étendre la tarification du carbone en l’instaurant dans les régions de compétences et les secteurs qui ne l’ont pas encore adoptée
- Renforcer la tarification du carbone telle qu’on la connaît à présent, en rendant les objectifs plus ambitieux et en s’assurant que les investisseurs reçoivent des signaux tarifaires durables, clairs et cohérents avec l’objectif à long terme de l’Accord de Paris
- Promouvoir la coopération internationale en facilitant et en encourageant l’harmonisation ou la convergence possible des programmes nationaux de tarification du carbone
Nous apprécions grandement le leadership dont font preuve les entreprises, les investisseurs et les autres parties prenantes qui appuient les politiques de tarification du carbone et tiennent compte de cette dimension quand ils planifient leurs activités ou décident d’investir. Nous nous engageons à collaborer étroitement avec eux dans la mise en œuvre efficace et ambitieuse de politiques de tarification du carbone, notamment par l’intermédiaire de la Coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone.
Les prochaines années seront d’une importance capitale pour l’humanité et pour la planète. Individuellement et collectivement, nous nous engageons à travailler pour atteindre, dans nos pays et nos régions, les objectifs en matière de tarification du carbone fixés ici. Comme point de départ, nos engagements sont les suivants :
Canada
La tarification du carbone est un outil efficace pour réduire les émissions et stimuler les investissements dans la croissance verte et les innovations à faibles émissions de carbone. Il s’agit aussi d’un outil important qui appuie le passage à une croissance économique durable. Le Canada reconnaît que la croissance de notre économie et la protection de notre environnement vont de pair. Des provinces et des territoires canadiens ont déjà recours à la tarification du carbone. Grâce à ces mesures provinciales et territoriales, plus de 85 % des Canadiens vivront bientôt sous une administration qui tarifie le carbone ou encore qui compte le faire sous peu.
Le gouvernement du Canada collabore avec les administrations provinciales et territoriales à l’élaboration d’un plan d’action canadien complet sur les changements climatiques. Ce plan appuiera le passage du Canada à une économie à faibles émissions de carbone tout en favorisant l’innovation, la croissance verte et l’éco-efficacité. Parmi les groupes de travail fédéraux-provinciaux-territoriaux créés, l’un d’eux se penche sur la tarification du carbone afin de trouver des solutions pour réduire les émissions.
Les milieux des affaires et de l’industrie du Canada appuient largement une tarification efficace du carbone qui fera de notre pays un chef de file de l’économie à faibles émissions de carbone.
Le Canada effectue également de nouveaux investissements de taille dans les technologies propres, et les politiques environnementales seront resserrées au fil des ans. Cela permettra à notre pays de réduire encore davantage ses émissions de gaz à effet de serre et de respecter ses engagements en vertu de l’Accord de Paris.
Chili
Nous devons réussir la mise en œuvre de l’Accord de Paris si nous voulons assurer notre avenir climatique. Notre pays encouragera les partenariats public-privé qui allient les technologies climatiques et le financement nécessaire pour les adopter. Nous continuerons de collaborer à la croissance verte et aux marchés du carbone, comme nous l’avons annoncé le mois dernier en Colombie dans la Déclaration ministérielle de l’Alliance du Pacifique. Au sein du Comité, nous partageons une vision commune : accroître la tarification du carbone, c’est bon pour l’économie et pour la planète.
Éthiopie
L’Éthiopie a fait connaître son ambitieux objectif : réduire ses émissions de 64 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux usuels, dans le cadre de sa politique nationale pour bâtir une énergie verte de revenus moyens à l’épreuve des changements climatiques. L’Éthiopie réitère son engagement : utiliser et promouvoir tous les instruments de politiques et les projets d’investissement public, y compris la tarification du carbone, qui s’avèrent efficaces, effectifs et justes pour prévenir les dangers des changements climatiques. Pour tenir cet engagement, l’Éthiopie commandera une étude, avec l’appui de la Banque mondiale, pour faire des recommandations sur le rôle et les formes que pourraient prendre les politiques de tarification du carbone en Éthiopie, susceptibles d’être reproduites dans de semblables pays à faible revenu.
France
À l’échelle nationale, la France a décidé d’inscrire la trajectoire de sa taxe sur le carbone dans son projet de loi sur la transition énergétique pour une croissance verte, afin d’augmenter la prévisibilité pour les acteurs économiques. La France s’engage donc à renforcer sa taxe sur le carbone selon cette trajectoire, en augmentant son taux de 22 € en 2016 à 56 € en 2020, puis à 100 € en 2030.
Allemagne
L'Allemagne insiste sur la plateforme du marché du carbone qui offre un forum pour le dialogue stratégique de haut niveau entre les États souhaitant explorer les possibilités de coopération pour accélérer la mise en place d'un marché mondial du carbone. L'idée d'une telle plateforme a été lancée sous la présidence du G7, en 2015, et se matérialisera grâce au soutien technique de l'OCDE.
À l'échelle européenne, la France et l'Allemagne défendent l'idée d'une réforme du système d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne afin de le rendre plus ambitieux et d'envoyer un message clair sur l'orientation des prix du CO2 propre à encourager les investissements et l'innovation.
Mexique
Le Mexique a engagé les mesures nécessaires pour constituer un marché du carbone et pour créer, d'ici 2018, des certificats d’énergie propre nationaux suffisamment robustes pour le secteur de l'électricité. Ces efforts favoriseront directement l'atteinte des objectifs nationaux d'atténuation du changement climatique.
La mise en œuvre de ces objectifs s'appuiera sur des mécanismes axés sur le marché que le Mexique a mis en place en 2013 et qui sont dans beaucoup de cas déjà inclus dans la législation:
- Une taxe carbone approuvée par le Congrès (par le biais d'amendements apportés à la Loi sur les droits d'accise sur la production et les services (Loi IEPS)) qui couvre les combustibles fossiles en fonction de leur teneur en carbone, sauf le gaz naturel. Cette taxe a pour objectif de promouvoir la sensibilisation à l’environnement et d'établir une tarification du carbone qui prendra en compte les externalités et aidera le secteur privé à orienter sa consommation pour favoriser des carburants plus propres.
- Des certificats d’énergie propre qui encouragent l'élaboration et l'utilisation de technologies à faible intensité de carbone dérivées du projet de loi sur la réforme énergétique de 2014.
- Un projet d'émission d’obligations vertes par la bourse mexicaine visant à soutenir les marchés d’investissements verts au Mexique.
Le Mexique a adopté des droits d'accise à taux fixe pour les carburants automobiles, éliminant ainsi la possibilité de futurs subsides par le biais d'un amendement supplémentaire à la Loi sur les droits d'accise sur la production et les services approuvé en 2015.
Le Mexique est convaincu, si l’on veut stabiliser l’augmentation de la température mondiale à moins de 2 oC, en veillant à limiter cette augmentation à 1,5 oC par rapport au niveau préindustriel, qu’on doit mettre un prix juste et réel sur la pollution due au carbone.
Californie
Le programme californien de plafonnement des émissions et d’échange est une des principales stratégies mises de l'avant par cet État pour limiter les émissions de gaz à effet de serre à l’origine du changement climatique. La Californie s'est engagée à mettre ce programme à profit pour atteindre ses objectifs au plan climatique, y compris la réduction des émissions aux niveaux de 1990 d'ici 2020, et des taux d'émissions inférieurs de 80 % à ceux de 1990 d'ici 2050.
En 2014, la Californie et le Québec ont lié leurs marchés du carbone respectifs, et l'Ontario a fait part de son intention d'adhérer à ce marché commun. La Californie s'est également engagée à collaborer avec d'autres États américains à la tarification du carbone, y compris par le biais du Collectif de la côte du Pacifique, ainsi qu'en vertu du Plan d'énergie propre, le cas échéant.
La Californie collaborera avec d'autres États pour appuyer la mise en place de programmes d'échanges de droits d’émission rigoureux, notamment à l'échelle mondiale par la signature de protocoles d’accord avec la Chine, à l'échelle nationale et infranationale, ainsi qu'avec le Mexique. La Californie promeut également la collaboration multilatérale avec d'autres organisations, notamment en intervenant à titre de partenaire technique au sein du partenariat de la Banque mondiale pour la préparation des marchés ainsi qu'en tant que membre du Partenariat international pour l'action climatique. La Californie s'emploiera à promouvoir la tarification du carbone par le biais du protocole d'accord sur le leadership climatique mondial, le « Under 2 Memorandum of Understanding » (Under2MOU), auquel adhèrent 128 signataires représentant plus du quart de l'économie mondiale.
Rio de Janeiro
Rio de Janeiro vise à réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre à l'horizon 2020, et à réaliser l'objectif de la neutralité carbone d’ici 2065. Pour y parvenir, la ville encourage l'adoption de politiques de réduction des émissions de GES. La tarification du carbone permettra d'accélérer la transition de Rio vers une économie sobre en carbone. Elle aidera les maires et les collectivités partout dans le monde à favoriser la prospérité des centres urbains tout en limitant les conséquences environnementales. Cet enjeu est important puisque les villes sont responsables de 70 % de la consommation mondiale d'énergie et des émissions mondiales de GES. L'action urbaine pourrait réduire les émissions mondiales de 3,7 Gt d'équivalent CO2 par rapport aux cibles des actions nationales en voie d'être atteintes à l'horizon 2030, et de 8,0 Gt d'équivalent CO2 à l'horizon 2050. Les villes montrent la voie à suivre par l'entremise du « Compact of Mayors » dont les villes signataires sont invitées à décrire leur engagement, ainsi qu'à mesurer et à surveiller les réductions d'émissions de GES. Les villes du Groupe C40 se sont engagées à prendre des mesures pour réduire leurs émissions, limiter les risques de changement climatique et accroître la résilience urbaine.
Rio de Janeiro est déterminé à renforcer ses politiques de tarification du carbone. La tarification du carbone peut contribuer à stimuler l'initiative collective urbaine et nous aidera à attendre les objectifs de l'Accord de Paris.
Fonds monétaire international
Le FMI a récemment publié une déclaration du Directeur général sur le rôle de l'Organisation dans la lutte contre le changement climatique, ainsi qu'un document connexe intitulé « After Paris: Fiscal, Macroeconomic and Financial Implications of Global Climate Change ». Le FMI s'emploie à élaborer des feuilles de calcul qui aideront les pays à mettre en œuvre des systèmes de tarification du carbone et à mieux comprendre les arbitrages qu'il convient de faire entre les différentes politiques d'atténuation envisageables. Il offre en outre à ses pays membres une assistance technique sur la réforme des politiques de tarification du carbone et la fixation des prix de l’énergie.
Groupe de la Banque mondiale
Le Groupe de la Banque mondiale intensifiera son aide aux pays et son travail de sensibilisation à l'échelle mondiale pour promouvoir « un juste prix pour le carbone », en aidant ses clients à procéder aux réformes voulues des subventions aux combustibles fossiles, à adopter la tarification du carbone, à approfondir le recours à des instruments obéissant aux lois du marché et à réduire les subventions ayant des effets de distorsion des échanges. Les efforts en faveur de la tarification du carbone seront intensifiés pour élargir, approfondir et connecter les marchés. Le Groupe de la Banque mondiale s'efforcera d'apporter un soutien actif à la poursuite du dialogue national entamé sous l'égide de la coalition pour le leadership en matière de tarification du carbone (CPLC) dans 15 pays d'ici la fin de 2017, et dans 30 pays à l'horizon 2020, en cherchant à catalyser les programmes fructueux de tarification du carbone. Ce travail viendra renforcer les programmes nationaux en voie de réalisation dans le cadre du Partenariat pour la préparation des marchés et stimuler les discussions internationales conduites dans le cadre de l'Initiative spéciale pour le marché carbone (Carbon Market Initiative). Les mécanismes de financement basé sur les résultats, qui appuient les instruments novateurs obéissant aux lois du marché comme la Facilité d'adjudication pilote (Pilot Auction Facility) et l'initiative pour l'expérimentation de nouvelles méthodes d'incitation à grande échelle visant à réduire les émissions de GES (baptisée en anglais « Transformative Carbon Asset Facility ») seront élargis et renforcés.
OCDE
L'OCDE est déterminée à appuyer les pays dans leurs efforts de mise en œuvre de l’Accord de Paris et de définition de leurs contributions déterminées au niveau national en tirant parti de sa vaste expérience de la tarification du carbone et de sa réglementation, de l'analyse et des réformes des subventions aux combustibles fossiles, et de la taxation de l'énergie. L'OCDE portera une attention plus grande aux défis que présente l'atténuation des effets du changement climatique pour les pays. Elle participera en particulier aux efforts d'amélioration de la transparence des politiques d'atténuation et des résultats obtenus en cette matière par ses pays membres et ses principaux partenaires. Elle aidera les pays à élaborer et à mettre en œuvre des stratégies et des politiques rentables d'atténuation qui peuvent s'inscrire dans la durée et être approfondies au fil du temps. Par exemple, elle poursuivra ses travaux de surveillance des taxes sur l'utilisation de l'énergie et sur les signaux de prix des marchés des droits d'émission, afin de mieux surveiller l'utilisation des instruments basés sur les marchés pour la tarification du carbone au-delà de son prix explicite.