Bonjour et avant tout merci pour cette aimable invitation.
Aujourd’hui, l’Afrique subsaharienne est à l’aube d’un changement décisif grâce à ses ressources abondantes en eau et en terres fertiles ainsi qu’à la part importante de la population active qui ne cesse de croître.
L’Afrique abrite près de la moitié des terres arables de la planète non encore exploitées : 202 millions d’hectares sont ainsi faiblement peuplés, et ne sont ni protégés, ni boisés et donc potentiellement cultivables.
Nous savons bien que des zones plus ou moins arides couvrent une partie de ce continent. Mais les formidables ressources en eau de l’Afrique subsaharienne sont cependant sous exploitées. L’Afrique n’utilise que deux à trois pour cent de ses ressources renouvelables, contre cinq pour cent en moyenne pour le reste du monde.
Une récente étude de la Banque mondiale sur l’industrie agroalimentaire prévoit que l’alimentation et les boissons représenteront un marché de plus de mille milliards de dollars d’ici 2030 en Afrique, contre 313 milliards aujourd’hui. Mais trop de nourriture est aujourd’hui importée en Afrique au détriment des producteurs locaux et au prix d’une forte ponction sur les faibles réserves en devises étrangères.
Il y a donc une opportunité majeure de développer une agriculture durable, produisant une nourriture plus abondante, de meilleure qualité et plus nourrissante. Cela permettrait également d’améliorer les revenus des agriculteurs grâce à la croissance des marchés et des échanges, et de fournir aux consommateurs des denrées moins chères et plus variées.
Qu’est-ce qui nous retient de saisir cette formidable opportunité qui est à portée de main ? Comment de nouveaux partenariats public-privé peuvent contribuer à concrétiser cet objectif?
En tant que professionnel du développement, je m’attache à trouver des solutions pratiques. Il faut nous concentrer sur les principaux obstacles qui empêchent le secteur agricole d’atteindre son plein potentiel. De nombreux experts du développement s’accordent à dire que le sous-investissement dans les systèmes d’irrigation limite depuis longtemps la productivité, la rentabilité et la viabilité de l’agriculture africaine.
Ce manque d’investissement dans l’irrigation est une des raisons pour lesquelles l’Afrique a raté la révolution verte qui a transformé l’agriculture dans les régions tropicales d’Asie et d’Amérique latine.
D’autres facteurs ont certainement joué : des modes de productions plus hétérogènes, des capacités de recherche insuffisantes, un manque de moyens techniques, de mauvaises politiques et des institutions faibles.
Mais l’incapacité des agriculteurs à irriguer leurs cultures en est certainement la cause principale.
Les chiffres sont saisissants. En Afrique subsaharienne, les 183 millions d’hectares de terres cultivées sont alimentés à plus de 95% par de l’eau de pluie. Ainsi, moins de 5% de ces terres bénéficient de méthodes de gestion active de l’eau, soit 7,1 millions d’hectares.
Et près d’un tiers de ces équipements d’irrigation ont cessé de fonctionner faute d’entretien. Seul 5,3 millions d’hectares seraient donc véritablement exploitables.
Comme vous le voyez, il y a là une occasion unique de faire la différence en développant l’irrigation des terres arides en Afrique.
Toutefois les défis sont nombreux. Les ressources disponibles en eau ne sont pas illimitées. L’agriculture est le plus grand consommateur au monde d’eau douce : entre 80 et 90 pour cent des prélèvements d’eau douces servent à l’irrigation des cultures et à la production alimentaire. L’agriculture est aussi une source de gaspillage de l’eau.
Prenons par exemple l’irrigation dans la riziculture. Je viens du Sénégal, où le riz nourrit des millions de personnes, comme chez ses pays voisins. Le riz est la première denrée alimentaire importée en Afrique de l’Ouest pour un coût annuel supérieur à 3,5 milliards de dollars. On estime que seuls 3,5 millions d’hectares de zones humides adaptées à la culture du riz sont exploités en Afrique de l’Ouest sur un potentiel d’environ 240 millions d’hectares. Il y a donc un formidable marché à saisir.
Mais il faut beaucoup d’eau pour faire pousser du riz. On utilise jusqu’à 2500 litres d’eau pour produire un kilo de riz.
Il s’agit certes d’un exemple extrême, mais il démontre que le recours à des techniques modernes d’irrigation telles que l’arrosage goutte à goutte ou la micro irrigation peut réduire sensiblement la consommation d’eau dans l’agriculture. Cela permettra de faire face au changement climatique et de diminuer l’empreinte écologique du secteur.
Des compagnies telles que Netafim peuvent fournir des technologies économes en eau qui permettront de faire la différence, en nourrissant plus de monde et en garantissant qu’aucune précieuse goutte d’eau ne soit perdue.
De son côté, la Banque mondiale travaille de concert avec ses pays clients pour améliorer la productivité et la rentabilité du secteur agricole. Nous avons ainsi augmenté nos prêts au profit de l’agriculture et des secteurs associés : nos engagements financiers atteignent 1,3 milliard de dollars pour l’année fiscale 2013.
Notre objectif est de doubler les surfaces irriguées, ce qui requiert un investissement de l’ordre de 40 milliards de dollars, auquel la Banque entend contribuer à hauteur de 25 pour cent. Nous souhaitons en particulier étendre les zones irriguées du Sahel de 400 000 à un million d’hectares. Et nous souhaitons vivement collaborer avec le secteur privé pour investir dans l’irrigation par le biais de partenariats public-privé. C’est ce que nous faisons déjà au Burkina Faso dans le cadre du projet de pôle de croissance de Bagre et ce que nous ferons au Sénégal dans le cadre d’un projet en préparation en faveur d’un développement raisonné et équitable des industries agroalimentaires.
D’ici la fin du mois nous accueillerons deux grandes conférences sur l’élevage à Nouakchott (Mauritanie) et l’irrigation à Dakar (Sénégal), centrées sur les défis du développement de la zone sahélienne. Nous voudrions ainsi passer d’une approche traditionnelle de réaction face aux crises à une démarche plus proactive qui aide les communautés à y faire face et à s’adapter, à renforcer leur résilience et à trouver des solutions de développement plus durables.
L’eau est essentielle à la vie et à l’agriculture. Je suis persuadé que les succès de Netafim au Mexique et au Pérou peuvent être obtenus en Afrique, qui est riche en ressources hydrauliques.
Faisons de cette rencontre à l’IFC l’occasion de bâtir la nouvelle génération de partenariats public-privé pour accomplir ce changement radical. Travaillons ensemble pour apporter les avantages des technologies modernes d’irrigation aux agriculteurs africains. Nous pouvons y parvenir.
Je vous remercie.