Monsieur le Président Knapp, Monsieur le Doyen Brown, honorables membres du corps professoral, mesdames et messieurs les étudiants, chers invités,
Je vous remercie de me recevoir ici aujourd’hui. C’est un privilège pour moi de vous entretenir des défis auxquels nous faisons face dans le monde — et de la manière dont le Groupe de la Banque mondiale s’emploie à être le plus efficace possible pour contribuer à améliorer les conditions de vie des pauvres et des groupes vulnérables.
Lorsque nous jetons un regard sur le monde d’aujourd’hui et que nous réfléchissons aux problèmes les plus urgents, nous sommes vivement préoccupés par l’incertitude qui entoure les questions budgétaires aux États-Unis. Notre souhait est que les décideurs règlent au plus vite ces problèmes. Ajoutée à d’autres sources de volatilité de l’économie mondiale, cette incertitude pourrait nuire considérablement aux marchés émergents et aux pays en développement d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine, qui ont pu sortir des millions de personnes de la pauvreté au cours des dernières années.
De même, nous ne pouvons nous empêcher de porter notre attention sur les bouleversements en cours au Moyen-Orient. La Syrie est en guerre depuis maintenant trente mois, et il va sans dire qu’un lourd tribut a été payé. Plus de 100 000 personnes ont été tuées, quatre millions ont été déplacées et deux autres millions de Syriens se sont réfugiés dans les pays voisins, alourdissant davantage le fardeau porté par la Jordanie et le Liban en particulier. Les combats se poursuivent en Syrie, et l’impact des vies brisées et des économies effondrées ne cesse de croître au quotidien.
Nous ne devons pas détourner notre attention du Moyen-Orient. À cet égard, le Groupe de la Banque mondiale assume plusieurs rôles. Tantôt nous discutons en coulisse avec les diplomates, tantôt nous sommes aux avant-postes avec les acteurs de l’aide humanitaire. Mais de façon continue, nous travaillons avec les gouvernements, les entreprises ou les groupes de la société civile pour asseoir le développement sur des bases solides et viables. Nous aidons ainsi des millions de personnes au Moyen-Orient et des milliards d’autres dans le monde à préserver leurs moyens de subsistance, des populations qui aspirent toutes à de bons emplois, à une bonne éducation et à l’accès à des services de santé de qualité.
Une part essentielle de notre travail a lieu dans les pays sortant d’un conflit, touchés par un conflit ou bloqués dans une situation de fragilité persistante. Comme nous ne le savons que trop bien, lorsqu’un pays connaît une longue période de fragilité, un conflit finit généralement par éclater. Le Groupe de la Banque mondiale et l’ensemble de la communauté internationale doivent s’attaquer aux complexes problèmes institutionnels et sociaux auxquels ces pays sont confrontés, car le coût de l’inaction est élevé et le bénéfice des interventions bien conçues est énorme. Nous devons saisir les opportunités qui s’offrent à nous de créer des institutions, construire des infrastructures, renforcer les capacités humaines dans les États fragiles ou établir des accords permettant d’attirer des investissements privés dont la nécessité n’est plus à démontrer. Lorsque nous ne parvenons pas à aider les pays à se développer d’une manière qui profite à tous ou à se doter d’une gouvernance solide, les conséquences qui s’en suivent nous affectent tous ; c’est-à-dire, bien souvent, un pays qui s’embrase comme c’est le cas de la Syrie aujourd’hui.
Les facteurs à l’origine des conflits
Au Moyen-Orient, la plupart des pays ont enregistré une croissance relativement forte de 4 à 5 % par an durant les dix années ayant précédé le Printemps arabe. Et pourtant, de graves problèmes sous-jacents persistaient. Un nombre croissant de jeunes issus de la classe moyenne ayant fait des études éprouvaient une frustration due au fait que les quelques emplois disponibles étaient réservés non pas à ceux qui possédaient des talents, mais à ceux qui avaient plus de relations. Le fonctionnement du secteur privé reposait sur les privilèges obtenus de l’État, entraînant une forme de capitalisme de connivence qui ne profitait qu’à une minorité et nuisait aux exportations et à l’emploi.
Même les enfants très jeunes n’étaient pas épargnés par les inégalités — ni par la colère. Lorsqu’un million de personnes se sont déversées sur la place Tahrir au Caire en 2011 pour manifester contre le gouvernement, les enfants des manifestants avaient eux aussi manifesté dans leurs salles de classe. Ils réclamaient une meilleure instruction. C’est ce qui se produit lorsque la prospérité est réservée à un petit nombre de privilégiés. Tous ceux qui sont laissés pour compte ressentent profondément les effets de l’inégalité.
Les crises actuelles posent trois défis à de nombreux pays du Moyen-Orient : d’abord le rétablissement de la stabilité macroéconomique, puis la réforme de leurs économies pour répondre aux immenses attentes de la population descendue dans les rues et enfin la gestion de la transition devant déboucher sur une nouvelle constitution et des élections plus ouvertes, multipartites et bien disputées. Ces défis seraient redoutables pour n’importe quel pays pris individuellement, mais on les retrouve tous dans la même région. C’est dire qu’il est d’autant plus important pour la communauté internationale de mobiliser des ressources pour aider ces femmes et ces hommes qui ont risqué leur vie en revendiquant leur droit à la dignité humaine fondamentale.
Cela signifie également qu’il est important aujourd’hui de voler au secours de la Jordanie et du Liban. La Banque mondiale a fourni une aide d’urgence de 150 millions de dollars à la Jordanie il y a quelques mois, et nous venons d’achever une évaluation globale des effets économiques et sociaux pour le Liban. Il en ressort que le pays a perdu des milliards de dollars à cause du conflit syrien.
Le Liban accueille actuellement plus de 760 000 réfugiés syriens, ce qui équivaut à l’entrée aux États-Unis de 56 millions de réfugiés, dont 45 millions seraient arrivés dans le pays depuis seulement janvier dernier. Pensez au bouleversement que cela causerait. La semaine dernière, j’ai participé à la réunion du Groupe international de soutien au Liban organisée en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. S’il est vrai que les bailleurs de fonds ont fait la promesse de verser des fonds à ce pays, il reste que nous devons faire beaucoup plus pour éviter la catastrophe au Liban.
Nos deux objectifs
Il y a à peine six mois, notre conseil a adopté les deux objectifs du Groupe de la Banque mondiale : le premier est de mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici à 2030 ; le second est de stimuler une prospérité partagée en promouvant la croissance du revenu réel des 40 % les plus pauvres de la population.
Comment cela est-il lié à la situation qui se présente sur le terrain au Moyen-Orient et dans d’autres pays pauvres ? L’objectif de mettre fin à l’extrême pauvreté constitue en soi l’assise morale de tout ce que nous entreprenons. Le fait que plus d’un milliard d’individus vivent avec moins de 1,25 dollar par jour en 2013 est une réalité qui entache notre conscience morale. Nous devons aider les gens à sortir de la pauvreté sans retard et sans préjugé, quelle que soit la situation, quel que soit le lieu.
Quoique plus complexe, notre second objectif qui a trait à la promotion d’une prospérité partagée présente un intérêt pour la planète entière. Les manifestations du Printemps arabe et celles qui se sont déroulées plus récemment en Turquie, au Brésil et en Afrique du Sud trouvent leur cause profonde dans l’aspiration universelle à participer à l’émergence d’une classe moyenne mondiale.
Aujourd’hui, les dirigeants du monde se rendent compte que promouvoir une prospérité partagée pour les 40 % les plus pauvres devient un objectif de plus en plus fondamental pour assurer la stabilité. Par le passé, une grande partie de ce malaise n’était pas perceptible à première vue. Mais les médias sociaux ont créé ce que Thomas Friedman appelle une vaste « classe moyenne virtuelle » qui continuera de frapper à la porte des opportunités et finira par la fracasser.
La leçon à retenir, c’est que nous devons veiller davantage à ce que l’ensemble de la population bénéficie de la croissance, pas seulement l’élite. Une démarche possible consiste à ne pas se focaliser sur la croissance du PIB global, mais à surveiller directement les gains de revenu parmi les 40 % les plus pauvres. Le progrès économique doit s’inscrire dans la durée au plan environnemental et financier également sur plusieurs générations.
Comment donc contribuer à la croissance durable des revenus des plus pauvres ? Plus d’une voie s’offre à nous pour accéder à une prospérité partagée. L’une d’elles passe par l’accroissement des opportunités sous l’effet d’une croissance économique plus forte. Une autre voie possible consiste à établir un contrat social stable ayant pour objectif de relever le niveau de vie des pauvres et des défavorisés. Ces deux voies peuvent mener à l’accroissement des opportunités offertes aux citoyens, à condition que les sociétés deviennent plus dynamiques, plus productives et plus ouvertes à la mobilité sociale.
Atteindre notre premier objectif consistant à mettre fin à l’extrême pauvreté d’ici à 2030 ne sera pas qu’un haut fait historique. Ce sera aussi une action extraordinairement difficile. Aujourd’hui, nos économistes estiment le nombre de pauvres à un peu plus d’un milliard d’âmes, soit 150 millions de personnes de moins qu’en 2010.
Nous accomplissons des progrès, mais rien n’est gagné d’avance dans ce combat ; plus nous nous rapprocherons de notre objectif, plus la tâche sera ardue. Le rythme de la croissance mondiale pourrait s’avérer plus lent que la tendance historique. Les catastrophes causées par les changements climatiques pourraient réduire à néant des années d’acquis dans le domaine du développement. Les investisseurs pourraient devenir plus frileux. Déjà insuffisantes, les ressources nécessaires au financement à long terme d’infrastructures, dont le besoin n’est que trop criant, pourraient tarir.
Les deux objectifs visés par le Groupe de la Banque mondiale exigent de notre institution qu’elle obtienne des résultats pour les populations. Comme l’a dit Martin Luther King Jr., nos objectifs doivent se traduire dans la réalité en passant du discours à l’action concrète. Qu’allons-nous faire — tous autant que nous sommes — pour traduire nos plans en action efficace et mettre fin à la pauvreté ?
La stratégie du Groupe de la Banque mondiale
Notre réponse c’est que pour la première fois, nous disposons d’une stratégie qui mobilisera l’ensemble du Groupe de la Banque mondiale — la BIRD qui coopère avec les États, l’IFC dont l’action est axée sur le secteur privé, et l’Agence multilatérale de garantie des investissements ou MIGA qui fournit des services d’assurance contre les risques politiques. Cette stratégie a été publiée il y a seulement quelques jours. Nous n’avons jamais auparavant défini une stratégie qui nous permette de disposer d’une feuille de route globale pour orienter l’action de toutes les composantes de notre institution suivant des objectifs et des principes communs.
Pourquoi cela est-il important ? Les institutions fonctionnent parfois de manière telle que les gens sont isolés les uns des autres. Ils ont alors tendance à créer des zones d’influence refermées sur elles-mêmes. Ces zones se transforment en bunkers bien gardés, des silos en quelque sorte. Et les silos, j’en sais quelque chose. J’ai grandi dans l’Iowa où nous en avions beaucoup. Ces silos de maïs paraissaient bien isolés, en particulier durant les hivers longs et froids. S’il est vrai que les silos jouent un rôle fondamental dans les champs de maïs de l’Iowa, ils n’ont pas leur place au sein du Groupe de la Banque mondiale.
Comment pouvons-nous — ou n’importe quelle autre organisation — réaliser notre plus grande aspiration, à savoir servir les pauvres, si nous travaillons dans des silos ? Il est de notre devoir de mettre en rapport les brillants esprits que renferme notre institution pour que leurs savoirs circulent librement.
La stratégie du Groupe de la Banque mondiale repose sur la conviction que toute l’organisation fonctionne comme un ensemble homogène pour atteindre les objectifs qui nous inspirent. Et nous sommes conscients que pour avoir la moindre chance de réussir, nous devons être sélectifs : nous devons d’abord choisir nos priorités, puis nous défaire des activités qui ne passent pas le test des priorités.
Qu’allons-nous arrêter de faire ? Nous ne continuerons pas à travailler dans des domaines où d’autres sont meilleurs que nous. Nous ne participerons pas à des projets dans l’unique but de réaliser nos chiffres annuels. Nous n’entreprendrons pas de projets simplement parce que nous voulons marquer notre territoire. Et nous ne tolérerons pas de comportements susceptibles de promouvoir des intérêts individuels au détriment du bien commun.
Quels sont donc nos principes ?
Nous veillerons à ce que toutes nos activités soient fermement axées sur nos deux objectifs.
Nous deviendrons un meilleur partenaire pour ceux avec qui nous collaborerons pour atteindre ces objectifs.
Nous ferons preuve d’audace.
Nous prendrons des risques — des risques intelligents. Autrement dit, nous investirons dans des projets susceptibles d’aider à transformer le développement d’un pays ou d’une région — même si cela signifie que nous pourrions échouer.
Nous nous distinguerons par les solutions locales que notre savoir mondial nous permettra de mettre à la portée des pays et des entreprises qui en ont besoin.
Nous tirerons parti de notre grande expérience pour guider la mise en œuvre de pratiques mondiales d’avant-garde sur des sujets tels que la finance, l’éducation, la santé, l’infrastructure, l’énergie et l’eau.
Nous chercherons toujours à aider les pays à investir dans leur population. Nous devons les aider à être plus compétitifs : pour eux, un moyen efficace d’y parvenir consiste à investir dans l’éducation, la santé et la formation professionnelle de leurs citoyens.
Nous nous emploierons à créer des instruments financiers novateurs susceptibles d’offrir de nouvelles possibilités pour le financement à long terme qui fait si cruellement défaut aux pays.
Faire de la stratégie une réalité
Notre stratégie nous engage à devenir une Banque de solutions dont le principal repère est l’obtention de résultats au profit des pauvres. Trois composantes de cette stratégie méritent d’être mises en relief.
Tout d’abord, nous nous associerons au secteur privé pour mettre à profit son savoir-faire et ses ressources financières dans la lutte contre la pauvreté — une démarche particulièrement importante du point de vue de la création d’emplois de qualité pour les plus défavorisés.
Ensuite, nous renforcerons notre engagement en faveur des États fragiles et touchés par un conflit. Pour cela, nous devrons redoubler d’audace, prendre plus de risques et engager davantage de ressources.
Enfin, nous nous montrerons aussi ambitieux que possible sur les questions de portée mondiale, telles que l’investissement dans la promotion des femmes et des filles et la lutte contre le changement climatique. Dans le domaine du climat, par exemple, notre action doit être assez audacieuse pour être à la mesure du problème.
Créer des emplois de qualité
S’agissant de la première composante, une des grandes priorités du Groupe de la Banque mondiale sera de faciliter la création d’emplois. Comment pouvons-nous aider plus efficacement les régions et les pays à se positionner de manière à promouvoir une croissance de l’emploi tirée par le secteur privé ? Le défi est redoutable : le monde doit créer 600 millions de nouveaux emplois au cours des dix prochaines années.
Une façon essentielle d’aider les populations pauvres à échapper à la pauvreté consiste à leur assurer un accès aisé et transparent aux marchés locaux et mondiaux — un accès susceptible de libérer le potentiel entrepreneurial de millions de personnes.
Une société cliente d’IFC, Ecom, permet ainsi aux producteurs de cacao, de café et de coton d’une trentaine de pays d’accéder aux marchés mondiaux. L’année dernière, Ecom a aidé plus de 134 000 agriculteurs et des milliers d’autres exploitants par le biais d’organisations agricoles.
Par ailleurs, nous élargissons notre réseau de partenaires afin d’inclure les acteurs qui utilisent des modèles de fonctionnement novateurs. Il y a deux semaines, j’ai rencontré Jack Ma, fondateur d’Alibaba, une société chinoise qui, entre autres, a été à l’origine de 60 % des 8,8 milliards de colis postés en Chine l’année dernière. Il m’a montré ses chaussures en toile fabriquées par une habitante d’un petit village chinois. Alibaba est parvenu à abaisser les frais logistiques au point de permettre à cette femme de commercialiser ses produits dans n’importe quelle région de Chine à un meilleur prix que dans la boutique de chaussures locale. En quelques années, Alibaba a facilité la création ou la croissance de plus de six millions de petites et moyennes entreprises en Chine.
Voilà donc un exemple de modèle de gestion porteur de transformations, mais Alibaba et d’autres entreprises restent à l’écart de nombreux autres environnements. Le Groupe de la Banque mondiale joue le rôle de conseiller de confiance auprès du secteur privé. Bien souvent, cela nous amène à nous engager les premiers dans des contextes risqués afin d’inciter d’autres intervenants à surmonter leur réticence à investir dans de telles conditions. Nous savons que les fonds souverains et les investisseurs institutionnels gèrent des milliers de milliards de dollars dont une grande partie végète dans des fonds peu performants. Nous chercherons donc activement de nouvelles façons d’attirer ces ressources privées vers les projets des pays en développement. C’est ainsi que nous avons lancé récemment un programme de portefeuille de prêts conjoints en Chine. Le Gouvernement chinois a accepté d’investir trois milliards de dollars aux côtés d’IFC, tandis que d’autres pays ont exprimé leur désir de participer au programme.
Les États fragiles, une priorité
La deuxième composante de notre stratégie concerne notre engagement à prendre des risques dans certains des endroits les plus risqués de la planète, à savoir les États fragiles et touchés par un conflit.
Cette année, le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, et moi-même avons effectué un voyage dans la région des Grands Lacs d’Afrique pour apporter notre soutien au Pacte sur la paix, la sécurité et la coopération signé par 11 pays. La guerre sévit dans la région depuis une vingtaine d’années. Dans l’est du Congo, les groupes rebelles ont déclenché une nouvelle bataille quelques jours avant notre mission, puis ont déclaré un cessez-le-feu quelques heures avant notre arrivée à Goma. En dépit de la tension, une foule nombreuse, composée surtout de femmes, s’était massée le long de la route allant de la base de l’ONU à un hôpital local. Cette foule applaudissait sur notre passage, mais agitait aussi des pancartes évoquant les profonds traumatismes dont elle a souffert. Jamais je n’oublierai le message brandi par l’une de ces femmes. Il disait simplement : « Arrêtez les viols ! » Assurément.
Nous devons agir beaucoup plus vite, sans délai, pour permettre aux pays sortant d’années de conflit de toucher les dividendes de la paix. Nous savons que le développement est impossible sans la paix, mais nous oublions trop souvent que la paix ne dure pas sans le développement. Dans la région des Grands Lacs, nous avons agi rapidement pour mobiliser un milliard de dollars d’aide supplémentaire au profit de la région. Peu après notre visite, le conseil des administrateurs de la Banque a approuvé une enveloppe de 340 millions de dollars à l’appui du financement du projet de centrale hydroélectrique au fil de l’eau des chutes de Rusumo qui permettra d’alimenter des millions d’habitants en électricité.
Aujourd’hui, je m’engage à intensifier sensiblement notre soutien aux États fragiles et touchés par un conflit. J’espère accroître de 50 % la part des financements essentiels de l’IDA — le fonds de la Banque destiné aux plus pauvres — consacrée aux États fragiles au cours des trois prochaines années. L’IFC, l’institution du Groupe de la Banque mondiale axée sur le secteur privé, s’engagera aussi à augmenter de 50 % son appui aux États fragiles durant les trois prochaines années.
Le défi du changement climatique
La troisième et dernière composante de notre stratégie est directement liée à notre objectif consistant à promouvoir la prospérité partagée. Ce concept consiste à faire en sorte que les plus défavorisés participent au processus de croissance, mais aussi à veiller à ce que cette croissance ne se fasse pas au détriment des générations futures. Nous devons partager la planète et ses ressources avec nos enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, un devoir qui nécessite un plan audacieux de lutte contre le changement climatique.
Le changement climatique menace fondamentalement le développement à notre époque. Il risque de mettre la prospérité hors de portée de millions d’êtres humains. Toutes les régions de la planète seront touchées et les populations les moins à même de s’adapter — c’est-à-dire les plus pauvres et les plus vulnérables — le seront encore plus que les autres. Si nous voulons mettre fin à l’extrême pauvreté, nous devons renforcer la résilience des populations et atténuer les chocs, tels que les catastrophes climatiques, de sorte que les pauvres puissent améliorer leur existence et préserver durablement leurs acquis.
Les gouvernements ne peuvent pas lutter seuls contre le réchauffement climatique. La riposte doit associer à la fois les pouvoirs publics, le secteur privé, la société civile et les individus dans le cadre d’un plan coordonné et ambitieux. Nous pouvons contribuer de nombreuses manières à cet effort, mais la façon la plus fructueuse consiste peut-être à attirer l’attention sur l’alourdissement du coût du changement climatique et à mobiliser des financements climatiques auprès des secteurs public et privé.
Le coût économique des phénomènes météorologiques extrêmes est stupéfiant. Les inondations de villes côtières coûtent six milliards de dollars par an à l’heure actuelle, mais leur coût annuel pourrait passer à mille milliards de dollars à l’horizon 2050. En investissant 50 milliards de dollars par an dans la protection, il serait possible d’éviter ces coûts et de dégager 950 milliards de dollars par an au profit d’investissements dans l’amélioration des écoles, des hôpitaux et des filets de protection sociale.
Aujourd’hui, je m’engage à ce que le Groupe de la Banque mondiale consacre une part accrue de ses propres financements à cette bataille et collabore avec tous les partenaires qui souhaitent travailler sérieusement à cette question.
L’énergie propre est notre point de départ. Nous mettrons le savoir, les meilleures pratiques et les ressources financières à la disposition des pays pour les aider à surmonter les obstacles financiers et administratifs à l’adoption de solutions énergétiques propres. Nous sommes en voie d’achever la cartographie des ressources énergétiques renouvelables d’au moins dix pays dans les trois prochaines années. Nous faciliterons la réforme des subventions énergétiques dans une douzaine de pays et nous œuvrerons avec nos partenaires à l’élaboration de nouveaux modèles énergétiques pour la cuisson et l’éclairage tirant parti de l’amélioration rapide de la technologie des microréseaux. J’aimerais aussi que soit installée avec notre aide directe une capacité électrique supplémentaire d’au moins 10 000 mégawatts (équivalant à la totalité de la capacité installée du Pérou) dans le monde en l’espace de trois ans.
Conclusion
Nous pouvons atteindre nos objectifs, à savoir mettre fin à la pauvreté, promouvoir une prospérité partagée et la partager avec les générations futures, mais seulement si nous travaillons ensemble avec un sentiment d’urgence très différent. Comme je l’ai dit précédemment, nous devons créer un mouvement social en faveur de l’élimination de la pauvreté. Pour cela, nous avons besoin de l’aide de vous tous — vous qui êtes présents dans cette salle aujourd’hui, ou qui regardez notre webcast ou qui nous suivez sur Facebook ou Twitter.
Le conseil des gouverneurs du Groupe de la Banque mondiale a établi, il y a six mois, les fondements d’un mouvement social en approuvant nos deux objectifs et en affirmant qu’il était possible de mettre fin à l’extrême pauvreté à l’horizon 2030. Cette démarche suscite de l’intérêt dans tous les milieux. Les dirigeants politiques, notamment le président Obama et le premier ministre britannique David Cameron, appellent à éliminer la pauvreté. Des organisations confessionnelles telles que World Vision font de même, ainsi que d’autres organisations comme One, Oxfam, Save the Children, RESULTS et de nombreux autres groupes de la société civile. Les jeunes aussi appellent à mettre un terme à la pauvreté.
Le week-end dernier, 60 000 personnes se sont rassemblées sur la grande pelouse de Central Park pour assister au Global Citizens Festival organisé pour rallier le public à l’objectif de pauvreté zéro à l’horizon 2030. Je vous invite tous à vous joindre au mouvement et à l’amplifier. Vous pouvez faire beaucoup. Vous pouvez par exemple vous connecter dès maintenant avec votre téléphone au site Internet du Global Poverty Project — www.zeropoverty2030.org, that’s www.zeropoverty2030.org — et signer la pétition en faveur de l’élimination de la pauvreté en l’espace d’une génération. Faites savoir aux dirigeants de la planète que vous accordez une importance fondamentale à cette question.
Les objectifs du Groupe de la Banque mondiale sont clairs : mettre fin à l’extrême pauvreté à l’horizon 2030 ; promouvoir la prospérité et veiller à ce qu’elle soit partagée avec les 40 % les plus pauvres et avec les générations futures. Nous avons la possibilité d’infléchir l’arc de l’histoire et de nous engager à réaliser ce qui n’était qu’un rêve pour les générations précédentes. Au concert de Central Park, j’ai invité mon fils Nico, âgé de quatre ans, à me rejoindre sur la scène. C’était une façon de rendre cet objectif tangible. Lorsque Nico aura ma taille et sera en dernière année d’université comme certains d’entre vous aujourd’hui, nous pourrions lui léguer, ainsi qu’à ses camarades, un monde délivré de l’extrême pauvreté.
Il s’agit du principal enjeu moral de notre époque. Nous ne pouvons laisser plus d’un milliard d’êtres humains souffrir de l’extrême pauvreté alors que nous disposons des outils et des ressources nécessaires pour améliorer leur existence. Nous ne pouvons pas accepter que les 40 % les plus pauvres de la population soient privés d’opportunités en matière d’emploi, de santé et d’éducation. Nous pouvons faire mieux. Nous devons faire mieux, pour Nico, pour tous les enfants de son âge dans le monde entier et pour toutes les générations futures. En ce qui concerne certains problèmes comme le changement climatique, le temps presse, mais, à nouveau selon Martin Luther King, c’est toujours le bon moment de faire ce qui est juste. C’est maintenant qu’il faut agir. Nous sommes le peuple. Mettons-nous à l’œuvre !
Merci beaucoup.