Varsovie, 6 décembre 2016 – Le développement du secteur financier ne doit pas se limiter à améliorer l’accès au crédit bancaire mais donner lieu au contraire à une expansion équilibrée des segments bancaire et non bancaire (marchés des capitaux, secteur de l’assurance, etc.). Tel est le message clé d’un nouveau rapport de la Banque mondiale consacré aux conditions d’une croissance inclusive en Europe de l’Est et en Asie centrale.
Le rapport Risks and Returns: Managing Financial Trade-Offs for Inclusive Growth in Europe and Central Asia (a), dont la parution a été officialisée aujourd’hui au siège de la Banque nationale de Pologne, à Varsovie, souligne que les systèmes financiers des pays émergents d’Europe de l’Est et d’Asie centrale sont nettement moins développés et diversifiés que ceux de l’Europe de l’Ouest, et de nombre des pays à revenu intermédiaire comparables.
Par exemple, seulement 38 % des adultes environ utilisent des produits d’épargne, contre une moyenne de 54 % pour le monde en développement, et très rares sont ceux qui recourent à des produits d’assurance. La méfiance à l’égard des banques y est également plus grande que dans toutes les autres régions du globe.
« Pour que la croissance soit durable, il faut absolument vaincre cette méfiance et diversifier le système financier. Les politiques publiques doivent s’attacher à créer des incitations commerciales et à lever les obstacles afin qu’un maximum de personnes et d’entreprises puissent profiter du système financier », affirme David Gould, économiste principal à la Banque mondiale pour la Région Europe et Asie centrale et co-auteur du rapport. « Ce rapport analyse des dimensions essentielles du développement financier et propose aux décideurs politiques un cadre robuste pour fixer les priorités et gérer les arbitrages à opérer. »
D’après ce rapport, s’ils veulent parvenir à une croissance durable et inclusive, les pays de la région doivent s’intéresser à quatre aspects primordiaux du développement financier :
- La stabilité (il faut remédier au problème des prêts improductifs et réduire la volatilité du crédit privé)
- L’efficience (il faut réduire les frais généraux et les marges d’intérêt nettes sur les actifs)
- L’inclusion (il faut accroître l’utilisation des paiements électroniques et des solutions d’assurance)
- La profondeur (il faut développer les marchés des capitaux et diversifier le système financier au niveau national)
Durant les années 90, note le rapport, les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale ont opté pour un modèle de développement financier rapide, axé sur la croissance du crédit bancaire, souvent financé par des capitaux étrangers. Ce modèle a renforcé l’inclusion financière des entreprises et des ménages, mais il s’est aussi accompagné d’une moindre efficience financière et d’une vulnérabilité accrue. En conséquence, cette région a subi deux grandes crises bancaires, la première à la fin des années 90 et une autre après 2008.
« Nous observons certes une certaine reprise, mais nous constatons aussi que les banques ne pourront pas à elles seules soutenir la croissance inclusive dont la région a impérativement besoin sur le long terme », explique Martin Melecky, co-auteur du rapport et économiste principal à la Banque mondiale pour la Région Asie du Sud.
« La faible croissance des revenus, qui touche en particulier les personnes moins favorisées, suscite un mécontentement grandissant à l’égard du statu quo et une plus grande méfiance vis-à-vis du secteur financier, ce qui rend la réforme de ce secteur d’autant plus urgente et nécessaire. »
Le rapport préconise l’adoption d’un certain nombre de politiques publiques : les pays d’Europe de l’Est et d’Asie centrale pourraient en particulier s’attacher à réduire le nombre de prêts improductifs, à améliorer la mise en œuvre des politiques macroprudentielles, à renforcer le cadre de gouvernance des banques publiques et à encourager le recours aux paiements électroniques et à l’assurance contre les risques croissants induits par le changement climatique.