WASHINGTON, le 28 juillet 2015 ‒ Selon un nouveau rapport du Groupe Banque mondiale, les pays d’Afrique de l’Ouest restent très dépendants des importations alimentaires, dont les prix ont triplé durant les dix dernières années. 60 % de la population de ces pays travaille pourtant dans le secteur de l’agriculture. Une meilleure collaboration entre les gouvernements et les institutions telles que la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) pourrait stimuler le développement de la production agricole dans la région et nourrir ainsi une vaste population en croissance rapide.
D’après les auteurs du rapport intitulé Connecting Food Staples and Input Markets in West Africa: A Regional Trade Agenda for ECOWAS Countries (Relier les marchés des produits alimentaires de base et les marchés des intrants en Afrique de l'Ouest : Un programme pour le commerce régional des pays de la CEDEAO), la production de cultures alimentaires de base telles que le riz pourrait doubler en Afrique de l’Ouest, et la production de maïs pourrait quasiment tripler si les gouvernements repensaient leurs politiques et favorisaient l’agriculture et l’agroalimentaire en ouvrant les échanges commerciaux dans la région.
Le rapport développe les conclusions de l’ouvrage L'Afrique peut contribuer à se nourrir elle-même, publié par la Banque mondiale en 2012, et examine le contexte particulier de l’Afrique de l’Ouest ; une région abritant un tiers de la population africaine et plusieurs des pays les plus vulnérables du continent. Il propose une nouvelle analyse du commerce des produits alimentaires de base, des nombreuses politiques régionales en place et de leur mise en œuvre du point de vue des institutions.
Pour Jean-Christophe Maur, économiste principal à la Banque mondiale et auteur du rapport, « la crise alimentaire en Afrique de l’Ouest a démontré l’urgence du développement agricole et a indéniablement renforcé la dimension régionale des politiques sur les aliments de base. En revanche, l'intégration du commerce régional demeure quelque peu ignorée dans cet agenda. Le rapport montre qu'en facilitant les échanges et en créant une infrastructure régionale pour encourager les flux transfrontaliers, la région sera en mesure de tirer parti des économies d'échelle, d'améliorer l'accès aux technologies de production, de développer l'accès aux intrants et à la recherche et d'améliorer les rendements agricoles pour protéger les populations d'Afrique de l'Ouest de chocs futurs susceptibles de déboucher sur des crises alimentaires. »
Des opportunités de forte croissance
La conjugaison de la crise alimentaire africaine de 2007-2008, de la hausse des prix alimentaires mondiaux, des faibles rendements agricoles et de la forte dépendance aux importations, a entravé les efforts des gouvernements d'Afrique de l'Ouest pour nourrir leurs citoyens, compte tenu des budgets publics. Bien que la crise alimentaire rappelle l’importance des programmes agricoles, les gouvernements concernés ont négligé les politiques de promotion de l'intégration du commerce régional. Pour satisfaire les besoins alimentaires à court terme, des politiques agricoles nationales ont été adoptées, qui interdisent les importations de riz, de maïs, de manioc et autres produits de base constituant l'essentiel des apports caloriques des populations d'Afrique de l'Ouest.
Les pays d'Afrique possèdent plus de la moitié des terres fertiles et non exploitées de la planète, détenant ainsi un potentiel agricole considérable. En Afrique de l'Ouest, la production céréalière est très faible en dépit de son potentiel. Son accroissement pourrait radicalement modifier l'équilibre des échanges dans la région. Le rapport distingue les zones où la production de cultures alimentaires de base est abondante et pourrait encore se développer, et celles où la productivité est faible. Il montre également qu'un marché plus ouvert connectant la demande alimentaire des centres urbains en pleine expansion et des zones rurales où la nourriture est insuffisante avec les régions caractérisées par des excédents de production, permettrait aux agriculteurs de développer leurs marchés.
Les agriculteurs d’Afrique de l'Ouest peinent à produire davantage, faute d'accès aux intrants tels que les engrais et les semences de qualité, aux machines agricoles et au financement. Selon le rapport, la focalisation des règles d'intégration régionale sur les produits de base peut favoriser la prise de conscience des objectifs régionaux à tous les niveaux des chaînes d'approvisionnement. L'adoption des mesures nécessaires pour mettre en place un système offrant aux agriculteurs des intrants de qualité à des prix abordables pourrait permettre de développer leurs rendements.
« La problématique des approvisionnements alimentaires est particulièrement aiguë en Afrique de l'Ouest où l'expansion démographique compte parmi les plus rapides du monde, surtout en zone urbaine. Parallèlement, l'Afrique est de plus en plus dépendante de ses importations et du reste du monde pour satisfaire ses besoins de consommation, » souligne Ben Shepherd, co-auteur. « Ce rapport montre comment les États membres de la CEDEAO pourraient s'ouvrir au commerce régional pour stabiliser les approvisionnements et développer leur production de produits alimentaires de base. »
La CEDEAO à la tête de l'intégration du commerce régional
Le rapport décrit un agenda régional très dynamique en Afrique de l’Ouest. Les institutions de la CEDEAO ont fait preuve d’initiative en adoptant des règles sur la qualité des engrais et des semences en 2008 et en 2012. Des difficultés persistent en raison des capacités très disparates des États membres de la Communauté et de leur volonté inégale de donner suite à ces engagements. La CEDEAO est particulièrement bien placée pour faciliter, coordonner et faire appliquer la transition majeure qui permettra de créer un marché intégré des échanges agricoles en Afrique de l'Ouest. La CEDEAO pourrait accompagner l'intégration du commerce régional, grâce aux mesures suivantes :
- Les États membres doivent considérer le commerce régional comme l’occasion d'atteindre leurs objectifs de développement des cultures alimentaires de base, et se doter d'une politique globale et cohérente qui promeut davantage d'ouverture dans les flux commerciaux régionaux, plutôt que de s'enfermer dans des positions nationales fragmentées et souvent intéressées.
- Les nouvelles politiques régionales devraient compléter les politiques intérieures. Pour autant, les actions régionales ne doivent pas se substituer aux mesures nationales, éviter les risques de dispersion dans des initiatives trop nombreuses et être conçues pour répondre à des besoins spécifiques.
- Les gouvernements doivent impérativement mettre l'accent sur l'accès aux intrants dans la région, un aspect essentiel pour générer des gains de productivité dans l’Afrique de l’Ouest tout entière et stimuler l'intégration régionale. Les efforts résolus actuellement engagés pour créer des marchés régionaux d'intrants devraient livrer des enseignements importants pour l'élaboration des futures politiques agricoles et commerciales de la région.
- Enfin, les membres de la CEDEAO doivent davantage tenir compte du secteur privé et des chaînes de valeur. Les entrepreneurs privés sont mieux armés pour identifier les opportunités commerciales et peuvent contribuer à apporter des solutions fondées sur le jeu des marchés. Cela permettrait de créer de nouveaux débouchés pour les fournisseurs de produits alimentaires de base et d’offrir aux consommateurs des produits de qualité à un coût réduit. Les autorités et les arrangements régionaux ont un rôle à jouer pour mettre en place un climat propice à ces évolutions sectorielles.