Enfants à l'école primaire publique du village Amoronimania, à Madagascar. © Mohamad Al-Arief / Banque mondiale
Enfants à l'école primaire publique du village Amoronimania, à Madagascar. © Mohamad Al-Arief / Banque mondiale
Dans la commune d’Ambohimidasy Itaosy, à 5 km à peine de la capitale Antananarivo, Sitraka, six ans, attend que ses amis rentrent de l’école. Rapidement, un groupe de garçons de son âge forment un cercle pour jouer au ballon. Sitraka est nettement plus petit et semble beaucoup plus jeune que ses camarades.
Sitraka souffre d’un retard de croissance, un problème dû à une malnutrition chronique pendant les premiers jours du développement de l’enfant. C’est pourquoi il n’est pas rare de voir dans ce pays des enfants dont la taille est nettement inférieure à la moyenne pour leur âge.
Mais le retard de croissance n’est pas qu’une question de taille. C’est l’expression visible d’un possible ralentissement du développement dont les conséquences peuvent suivre un enfant durant toute sa vie. Sitraka, par exemple, est en retard sur ses camarades à l’école et présente d’autres problèmes de développement.
Les retards de croissance peuvent avoir des conséquences désastreuses : aux troubles physiques s’ajoute un retard de développement ou un sous-développement du cerveau. Ces dommages cognitifs potentiellement irréversibles risquent d’empêcher ces enfants d’apprendre au même rythme que les autres et d’atteindre leur plein potentiel à l’âge adulte.
C’est pourquoi D’après les travaux de recherche menés par la Banque mondiale, les pays se privent en moyenne de 7 % de leur PIB par habitant (a) parce qu’ils n’ont pas réglé le problème des retards de croissance au moment où leurs travailleurs actuels étaient enfants. À Madagascar, ce manque à gagner représenterait même entre 7 et 12 % du PIB par an.
À l’échelle mondiale, le taux de retard de croissance chez les enfants de moins de cinq ans a chuté de 32 % en 2000 à un peu plus de 22 % en 2017. Le Sénégal, par exemple, a ramené son taux de 30 % en 2000 à 19 % aujourd’hui, tandis que le Pérou l’a divisé par plus de deux en moins de dix ans, passant de 28 % en 2008 à 13 % en 2016 (a). De profondes différences demeurent toutefois d’une région et d’un pays à l’autre. À Madagascar, les chiffres restent plus de deux fois supérieurs à la moyenne mondiale.
En 2012, alors que Madagascar traversait une période d’instabilité, la Banque a lancé le projet d’appui d’urgence aux services essentiels d’éducation, de nutrition et de santé afin d’aider les autorités à poursuivre et à élargir leur Programme national de nutrition communautaire (PNNC). Ce programme, qui existe de longue date, a créé des centres de nutrition communautaires, chacun géré par un spécialiste et choisi par la population locale. Ces centres proposent de nombreux services : ils fournissent notamment des informations destinées à améliorer la nutrition et contribuent à accroître la qualité et la quantité de visites à domicile systématiques effectuées par les spécialistes de la nutrition. Ce programme a permis à plus de 425 000 enfants de moins de deux ans de bénéficier d’une nutrition améliorée et à plus de 515 000 enfants de deux à cinq ans de bénéficier d’un suivi régulier.
À peu près à la même époque, une évaluation d’impact à long terme (a) menée par la Banque mondiale sur le PNNC, ainsi qu’un faisceau de nouvelles données mondiales, ont montré qu’il ne fallait plus uniquement se concentrer sur la cachexie (rapport poids-âge), mais prêter davantage attention au problème très répandu des retards de croissance chez l’enfant (rapport taille-âge). Le programme financé par la Banque mondiale a mis en œuvre des initiatives pilotes et des innovations visant à remédier à ce fléau afin d’évaluer l’efficacité de différentes interventions. Au vu des résultats positifs de certaines initiatives et d’autres données montrant qu’il était capital d’axer les programmes sur les 1 000 premiers jours de la vie, les autorités malgaches et la Banque mondiale ont défini la voie à suivre par le pays.
La complexité du problème des retards de croissance exige des efforts soutenus sur plusieurs années si l’on veut réduire substantiellement le nombre d’enfants concernés. Mais il faut également trouver un moyen efficace pour introduire graduellement les interventions requises, en particulier dans un environnement aussi difficile.
La Banque mondiale est toujours en quête de solutions nouvelles aux problèmes critiques du développement. Récemment, elle a activement testé et déployé des propositions destinées à améliorer son efficacité et renforcer ses opérations afin d’offrir de meilleurs résultats à ses clients. C’est ainsi qu’une nouvelle structure d’appui opérationnel à long terme a vu le jour : l’approche-programme à phases multiples (a).
Cette solution, qui s’appuie sur les instruments financiers existants de la Banque, permet aux pays de décomposer un engagement de long terme, important ou complexe en plusieurs opérations connexes de moindre envergure, chapeautées par un même programme. Cette approche de long terme et sur mesure permet d’évaluer plus facilement les réussites et les lacunes d’un programme, et de procéder rapidement à des ajustements pour que les opérations soient plus adaptées au contexte et à l’évolution d’un pays. Les leçons et les expériences tirées des premières phases seront ainsi intégrées plus vite dans les phases ultérieures, qui donnent lieu à des opérations distinctes au fil du déroulement du programme. Sa souplesse et sa durée confèrent à cette solution un atout majeur pour résoudre des problèmes de développement particulièrement complexes ou mener des opérations dans des environnements difficiles.
« La nouvelle approche [-programme à phases multiples] nous permet de nous adapter, d’apprendre, d’agir rapidement, de dépenser moins, d’utiliser nos ressources de manière intelligente et d’offrir les meilleures solutions possibles à nos clients », affirme Otaviano Canuto, l’un des Administrateurs de la Banque mondiale. « C’est ce que nos clients attendent de nous et c’est ce à quoi la Banque mondiale s’est engagée. »
L’approche-programme à phases multiples, avec sa démarche systématique, tout en étant flexible et évolutive, s’est imposée comme la bonne méthode pour lutter contre les retards de croissance à Madagascar.
« Les interventions ponctuelles peuvent être efficaces dans certains contextes, mais face à une question aussi complexe que le retard de croissance dans un pays comme Madagascar, l’approche-programme à phases multiples est idéale puisqu’elle permet d’atténuer les risques d’une approche au coup par coup, qui fait perdre beaucoup d’argent et retarde, voire anéantit, les progrès obtenus », affirme Jumana Qamruddin, spécialiste senior en santé et chef d’équipe du programme à la Banque mondiale.
La direction de la Banque mondiale et le gouvernement malgache se sont pleinement approprié cette approche : les travaux de l’équipe ont abouti en décembre 2017 à l’approbation de la première opération de ce type. Le programme d’amélioration des résultats en matière de nutrition à Madagascar, qui consiste en un financement de 200 millions de dollars sur dix ans, témoigne de l’engagement de long terme de la Banque mondiale à fournir des ressources durables à ce pays. La structure programmatique de ce projet veille également à ce que les interventions visant la malnutrition chronique soient déployées de façon efficace et systématique dans tout le pays.
La première phase du programme, mise en œuvre sur cinq ans, est financée par un don de 80 millions de dollars de l’Association internationale de développement (IDA), le fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres, et cofinancée par une subvention de 10 millions de dollars du fonds fiduciaire Power of Nutrition. Elle consistera à généraliser le recours à des interventions à fort impact et éprouvées contre les retards de croissance (comme la supplémentation en micronutriments et la promotion de l’allaitement maternel), dans le cadre d’un ensemble intégré de mesures nutritionnelles et sanitaires, et s’attachera à introduire des changements de comportement qui ont eux aussi fait leurs preuves.
Conçu pour atteindre près de 75 % des enfants de moins de cinq ans, ce programme sera tout d’abord mis en œuvre dans les huit régions du pays qui affichent les taux de retard de croissance les plus élevés et s’étendra progressivement à 15 régions. Il privilégiera les interventions axées sur les 1 000 premiers jours de la vie (de la conception au deuxième anniversaire). L’objectif est de réduire de 30 % à l’horizon 2028 le nombre d’enfants souffrant d’un retard de croissance dans les régions ciblées et d’offrir ainsi un avenir meilleur à quelque 600 000 enfants malgaches.
© Ramatoulaye George-Alleyne
« Il est aujourd’hui largement admis que la malnutrition chronique constitue le principal obstacle à la croissance du pays. Je me réjouis que la Banque aide les enfants sur le long terme et qu’elle contribue à faire prendre conscience de l’importance du capital humain pour le développement », observe Coralie Gevers, responsable des opérations de la Banque mondiale pour Madagascar
Une bonne nutrition a des effets positifs sur la capacité d’un enfant à grandir, à apprendre et à s’épanouir, et le corpus de données factuelles en attestant ne cesse de s’étoffer. La lutte contre les retards de croissance chez les enfants de moins de cinq ans figure parmi les principaux objectifs poursuivis par Madagascar. La collaboration avec la Banque mondiale aidera le pays à promouvoir la nutrition et le développement dès les premiers jours de la vie, et à développer ainsi les bases de son capital humain.
À terme, ce socle que constitue le capital humain ne permettra pas seulement à la population malgache de tirer parti des opportunités économiques et de réaliser pleinement son potentiel. Le combat de Madagascar contre les retards de croissance marque en réalité le début d’un avenir meilleur pour des centaines de milliers d’enfants dans tout le pays.