Aux premières lueurs du jour, sur le Port d’Alger, les grues s’animent au-dessus des piles de conteneurs. « Il y a dix ans, 90 % de ces navires transportaient du pétrole et du gaz, fait remarquer un agent portuaire, désignant les bateaux en cours de chargement d’engrais, de bobines d’acier et de caisses de dattes. Aujourd’hui, l’évolution de nos exportations est visible : ce n’est plus seulement du pétrole et du gaz. C’est notre avenir qui se dessine. »
Longtemps dépendante des hydrocarbures, l’Algérie trace désormais une voie audacieuse vers la diversification économique. Alors que plus de 90 % de ses recettes d’exportation étaient historiquement liées à l’industrie pétrolière, le pays opère une transformation profonde pour réduire cette dépendance et attirer les investissements étrangers. Les mesures récentes, soutenues par la Banque mondiale, commencent à porter leurs fruits, comme le souligne la mise à jour économique de l’Algérie pour le second semestre 2024.
Les exportations hors hydrocarbures ont triplé depuis 2017, atteignant 5,1 milliards de dollars en 2023, soit 2 % du PIB. Les engrais, les produits sidérurgiques et le ciment figurent parmi les principales exportations, témoignant des premiers résultats positifs dans l’élargissement de la base économique algérienne. Néanmoins, ce portefeuille reste limité et souligne l’importance de poursuivre les efforts d’expansion et de diversification.
Au cœur de cette transformation se trouve le Système communautaire portuaire algérien (APCS), lancé en juillet 2021 et développé avec l’expertise de la Banque mondiale. Cette plateforme numérique connecte l’ensemble des acteurs portuaires et réduit les délais de dédouanement en reliant les douanes, les compagnies maritimes et les exportateurs sur une interface unique. L’assistance technique de la Banque mondiale a également inclus l’établissement d’un cadre juridique, la promotion du dialogue entre les parties prenantes, et l’organisation de visites d’étude dans des ports mondiaux tel que celui de Barcelone. « L’APCS marque un tournant pour le secteur commercial algérien, souligne Meriem Ait Ali Slimane, économiste principale à la Banque mondiale. Il démontre comment des réformes ciblées peuvent avoir un impact économique transformateur. »
La loi sur l’investissement de 2022 est un élément clé de ces efforts, conçue pour attirer les investisseurs nationaux et étrangers. La loi offre des incitations telles que des exonérations fiscales, des dispenses de droits de douane et des procédures administratives simplifiées par le biais de l’Agence Algérienne de Promotion de l’Investissement (AAPI) nouvellement créée. L’AAPI a déployé une plateforme en ligne pour simplifier le parcours des investisseurs, facilitant l’accès au foncier, à l’information et aux incitations de manière numérique. La Banque mondiale a appuyé l’AAPI à travers des formations et des recommandations stratégiques, en particulier sur les moyens d’attirer les investissements directs étrangers (IDE) et de développer des secteurs tournés vers l’exportation.
Le secteur agricole algérien a également enregistré des avancées, particulièrement en matière d’exportation de produits alimentaires frais. L’assistance technique de la Banque mondiale a soutenu la réalisation d’études de marché, l’évaluation des chaînes de valeur et le renforcement du dialogue public privé. En 2018, une campagne soutenue par la Banque mondiale a permis de collecter plus de 800 000 peaux de mouton, ouvrant de nouvelles perspectives pour l’industrie du cuir. Cette initiative a marqué le début d’une série de réponses aux enjeux environnementaux. Dans le secteur industriel, des efforts similaires ont ciblé des chaînes de valeur comme le liège et la mécanique de précision. Des initiatives de renforcement des capacités, incluant des voyages d’étude et des programmes de formation, ont contribué à améliorer les compétences et la coordination entre les acteurs du secteur.
Pour garantir la conformité des produits algériens aux normes internationales, l’Organisme Algérien d’Accréditation (ALGERAC) a élargi son champ d’action. La Banque mondiale a accompagné ALGERAC dans l’élaboration d’un plan stratégique quinquennal et le renforcement des compétences de son personnel. En juillet 2024, le nombre de laboratoires accrédités s’élevait à 135, contre 77 en 2021, soit une augmentation de 75 % en trois ans. L’accréditation est essentielle pour adapter les produits algériens aux normes mondiales, offrant ainsi un avantage stratégique pour accéder à de nouveaux marchés.
Malgré ces avancées, l’Algérie continue de faire face à des défis en matière de productivité et de bureaucratie. La transition mondiale vers la décarbonisation pose des risques, particulièrement pour les exportations à forte intensité carbone tels que les engrais et le ciment, dans le cadre du Mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’Union Européenne (CBAM). Afin de maintenir la croissance des exportations, l’Algérie devra augmenter sa productivité, attirer davantage d’Investissements directs étrangers et verdir ses processus industriels. Les recommandations de la Banque mondiale préconisent l’adoption d’une tarification du carbone, la diversification des marchés d’exportation et le renforcement des chaînes de valeur dans des secteurs à fort potentiel, tels que les énergies renouvelables et les technologies de l’information.
« L’Algérie dispose d’un potentiel considérable pour diversifier ses exportations et s’intégrer dans les chaînes de valeur mondiales, souligne Kamel Braham, Représentant résident de la Banque mondiale en Algérie. Le défi actuel est de capitaliser sur cet élan, notamment en s’attaquant aux barrières structurelles et en renforçant la compétitivité. »
La collaboration de l’Algérie avec la Banque mondiale continuera d’informer et d’orienter sa transformation économique. En numérisant les processus commerciaux, en renforçant les capacités institutionnelles et en diversifiant ses portefeuilles d’exportation, le pays pose les bases d’une croissance durable. Alors que le soleil se lève sur le Port d’Alger, la vue des conteneurs remplis d’acier, de ciment et de produits agricoles — plutôt que de pétrole et de gaz uniquement — symbolise un nouveau chapitre de l’histoire économique algérienne.