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ARTICLE07 novembre 2024

L’espoir d’un nouveau départ : en Éthiopie, les réfugiés ont désormais le droit de travailler

The World Bank

Lula Maygag Guray, réfugiée somalienne en Éthiopie. Photo : Banque mondiale.

Dans un marché animé de la périphérie d’Addis-Abeba, l’étal de Lula Maygag Guray bourdonne d’activité et ses effluves attirent une clientèle nombreuse. Depuis son arrivée ici, la commerçante travaillait dans l'irrégularité.

« J’ai trouvé refuge en Éthiopie en 2018. Dès l'année suivante, j’ai commencé à confectionner des sambusas et des galettes d’injera pour les vendre dans mon quartier et subvenir aux besoins de ma famille. Mais c'était une activité non déclarée, car les réfugiés n’avaient pas le droit de travailler. Je salue la décision récente de l’Éthiopie de nous accorder la possibilité de travailler », confie Lula Maygag Guray, venue de Somalie il y a six ans. 

Pour elle comme pour les autres réfugiés dans le pays, l’initiative du gouvernement éthiopien n'est pas qu’une simple avancée politique, c’est une véritable planche de salut. Pendant des années, Lula Maygag Guray a dû gérer son petit commerce dans l’incertitude et l'appréhension, ne sachant que trop bien ce à quoi elle s’exposait. Face à la peur constante de devoir fermer boutique ou d'être poursuivie, elle ne pouvait guère faire de projets ni développer son activité. Ses craintes se dissipent désormais, grâce à la décision historique du gouvernement éthiopien.

The World Bank

Ebtesam Khalid Mohammed (Yémen). Photo : Banque mondiale.

L’Éthiopie ouvre la voie dans l’accueil des réfugiés

Après avoir travaillé pendant des années dans la précarité de l’économie informelle, les réfugiés vont pouvoir sortir de l’ombre, entreprendre et participer librement au marché du travail, et se forger une vie plus stable et un avenir plus sûr. Cette initiative est appelée à transformer la vie des plus de 800 000 réfugiés vivant en Éthiopie, un pays salué de longue date pour sa politique d’ouverture et qui franchit aujourd’hui une nouvelle étape décisive vers l’inclusion économique.

Fruit d’une collaboration avec la Banque mondiale dans le cadre du Programme pour les opportunités économiques, la décision du gouvernement éthiopien va non seulement permettre de sécuriser des moyens de subsistance, mais aussi de libérer des potentiels inexploités. Elle donne aux petites entreprises lancées par des réfugiés la possibilité d'opérer et grandir dans la légalité, pour le bien des familles et de l’économie locale. Et elle ouvre aussi, pour l’Éthiopie, un nouveau chapitre dans la façon de considérer les réfugiés, à savoir non pas comme des assistés, mais comme de précieux contributeurs à la croissance nationale.

Le Programme pour les opportunités économiques : un catalyseur de changement

Consciente de la nécessité de soutenir les réfugiés de manière plus pérenne, la Banque mondiale s’est associée au gouvernement éthiopien afin de lancer en 2018 le Programme pour les opportunités économiques. Cette initiative novatrice, soutenue par un financement de l’IDA de 202 millions de dollars, avait pour objectif de soutenir à la fois les nationaux et les réfugiés, avec le souci d’un développement économique, environnemental et social durable.

Le programme EOP a permis à l’Éthiopie de mettre en application ses engagements mondiaux en faveur de l’insertion économique des réfugiés. Centré principalement sur l’adoption de réformes politiques et juridiques visant à créer une situation mutuellement bénéfique pour les réfugiés et les communautés d’accueil, il a en outre aidé la Banque mondiale à mettre en œuvre de nombreux projets axés sur cet enjeu dans l’ensemble du pays.

La Banque facilite par ailleurs la coordination entre les différentes parties prenantes et s’attache à diffuser ses connaissances auprès d’autres pays, afin qu’ils puissent s’en inspirer pour améliorer leurs propres politiques en matière de réfugiés. Grâce aux collaborations tissées avec des institutions clés — Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), Agence allemande de coopération internationale (GIZ) et ministère britannique des Affaires étrangères, du Commonwealth et du Développement (FCDO), notamment — la Banque mondiale met à profit son expertise et ses ressources pour accroître l’impact de ses interventions.

The World Bank

Michaele Haile (Érythrée).

La nouvelle directive : faire sauter les verrous de l’inclusion économique

Cette directive est l’aboutissement de plusieurs années de travail et de collaboration intenses consacrées à la mise en œuvre pratique de la politique gouvernementale sur les réfugiés, telle qu’énoncée dans une proclamation adoptée en 2019. Elle détaille les modalités grâce auxquelles les réfugiés peuvent occuper un emploi formel, créer leur propre entreprise, bénéficier de projets de développement et contribuer à l’économie locale. Avec la promulgation de cette directive, il s’agit de faire tomber les dernières barrières à l’inclusion économique complète des réfugiés en Éthiopie.

« [Cette directive] n'est pas qu’un simple document d’orientation. C'est un manifeste de valeurs, un engagement en faveur de la dignité humaine et une reconnaissance du potentiel que recèlent les communautés de réfugiés », explique Senidu Fanuel, spécialiste senior du secteur privé à la Banque mondiale. « Au fur et à mesure de sa mise en œuvre, elle pourrait permettre non seulement d’améliorer la vie de centaines de milliers de réfugiés en Éthiopie, mais aussi de repenser la question de l’accueil et de l’intégration des réfugiés dans le monde entier. »

Impact et opportunités

De fait, la nouvelle directive aura d’immenses retombées. En autorisant les réfugiés à travailler légalement et entreprendre librement, l’Éthiopie valorisera un riche capital humain. L’économie locale a tout à gagner de leurs compétences, leur expérience et leur esprit d’entreprise.

Un grand nombre des Érythréens réfugiés en Éthiopie possèdent un niveau élevé d’instruction et une expérience professionnelle dans l’économie formelle. Leur intégration sur le marché du travail pourrait par conséquent contribuer à remédier à la pénurie de qualifications. De même, les réfugiés somaliens disposent souvent de solides réseaux commerciaux susceptibles de stimuler les échanges transfrontaliers.

En outre, alors que le pays développe son secteur manufacturier et ses parcs industriels, les réfugiés pourraient constituer une main-d’œuvre précieuse — selon un modèle similaire à celui à l'œuvre en Jordanie, où les réfugiés syriens font désormais partie intégrante du secteur de la confection.

Retombées mondiales

Les avancées de l’Éthiopie dans l’inclusion économique des réfugiés rayonnent bien au-delà de ses frontières. Et sa démarche est riche d’enseignements dans un monde où l'exil des réfugiés s’inscrit de plus en plus dans la durée. En adoptant les bonnes politiques et en apportant un soutien adapté, le pays prouve que les réfugiés ne sont pas un fardeau, mais qu’ils peuvent au contraire contribuer à l’économie et à la société. Son approche est parfaitement en phase avec le Pacte mondial sur les réfugiés et le Cadre d’action global pour les réfugiés, que l’Éthiopie a été l’un des premiers pays à adopter.

Perspectives

Après ce pas de géant, c’est le début d’un nouveau chapitre pour l’Éthiopie. 

Nul doute que le chemin à parcourir encore sera semé d’embûches, mais il pourrait déboucher sur un modèle d’inclusion des réfugiés qui profite à tous. Et ce chemin passe par la poursuite de la collaboration de l’ensemble des parties prenantes — gouvernement, Banque mondiale, autres partenaires de développement, mais aussi réfugiés et communautés d’accueil.

L’heure est à la célébration des progrès accomplis, mais c’est aussi le moment de passer à l’action. Il faut à présent transformer des dispositions juridiques en opportunités économiques et faire en sorte qu’elles améliorent effectivement les moyens de subsistance des populations. La Banque mondiale est prête à accompagner l’Éthiopie dans cette évolution cruciale et à partager les enseignements tirés de cette expérience.

Principales dispositions de la directive

1. Droit au travail : Les réfugiés peuvent désormais exercer légalement une activité salariée ou indépendante, sous réserve des lois et règlements du travail en vigueur.

2. Création d’entreprise : Les réfugiés ont le droit de constituer et d’immatriculer une entreprise, ce qui élargit les possibilités d’entrepreneuriat et d’emploi.

3. Accès aux services financiers : Les réfugiés peuvent ouvrir des comptes bancaires et accéder à d’autres services financiers essentiels à la participation économique.

4. Liberté de circulation : Les réfugiés continueront d'être soumis à un système d’enregistrement, mais ils bénéficieront d’une plus grande mobilité, ce qui leur permettra de rechercher des possibilités d’emploi en dehors des camps où ils résident.

5. Services sociaux : Les réfugiés bénéficieront d’un meilleur accès à l’éducation, aux soins de santé et à d’autres services sociaux, ce qui contribuera à leur bien-être général et renforcera leur capacité à participer à la vie économique.

Un article de Senidu Fanuel, spécialiste senior du secteur privé, et Alejandro Espinosa-Wang, économiste senior à la Banque mondiale.

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