La résistance aux antimicrobiens est devenue l’une des principales menaces pour la santé humaine dans le monde, à tel point que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a pour la première fois tiré la sonnette d’alarme en novembre 2021. Les antimicrobiens comprennent les antiseptiques, les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques, ainsi que les antiparasitaires courants, tels que les désinfectants utilisés dans le nettoyage.
L'OMS estime que la mauvaise utilisation et la surutilisation de ces produits favorisent la résistance des agents pathogènes — dont les virus et les bactéries — aux traitements médicamenteux. Elle appelle à mener une action urgente et multisectorielle contre cette menace, en particulier si l’on souhaite atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies en matière de sécurité alimentaire d'ici à 2030. Ces objectifs comprennent l'éradication de la faim, l'amélioration de la nutrition et le développement de l'agriculture durable.
Du fait de son ampleur, le secteur laitier kenyan est bien placé pour lutter de manière significative contre la résistance aux antimicrobiens, mais il existe des risques importants que les opportunités d’agir ne soient pas détectées. Selon le Dairy Board, l’autorité laitière du pays, le secteur produit en moyenne 652,4 millions de litres de lait par an et génère des revenus estimés à 22,6 milliards de shillings kenyans (soit environ 151 millions de dollars) pour les producteurs. Le secteur souffre toutefois de problématiques qui se renforcent mutuellement, à savoir la prédominance des petits producteurs qui échappent souvent à la réglementation, et la propagation de résidus d'antibiotiques dans le lait du fait de certaines pratiques d'élevage.
Directrice de la production animale dans le comté de Nyandarua, et doctorante à l’université d’Egerton, Teresia Ndung'u fait partie des citoyens kenyans qui s'attaquent de front à ce problème en concevant des solutions qui, selon elle, devraient contribuer à renforcer la sécurité alimentaire au Kenya et dans l'ensemble de l'Afrique de l'Est.
« J'ai participé à un projet appelé Systèmes de paiement du lait fondés sur la qualité (Quality Based Milk Payment Systems) au cours duquel les résidus d'antibiotiques sont apparus comme un problème important, tant pour les transformateurs que pour les consommateurs, explique-t-elle. J'ai identifié un réactif capable de détecter si les micro-organismes présents dans le lait étaient résistants. » Grâce à son poste en laboratoire, Teresia Ndung’u a pu demander à tester des échantillons de lait provenant de différentes vaches. Elle a constaté que le réactif parvenait bel et bien à détecter la résistance aux antibiotiques.
Selon elle, si les solutions capables de tester la résistance aux antimicrobiens existent sur le marché, leur coût les rend largement inaccessibles pour les petits exploitants agricoles, lesquels représentent environ 80 % des producteurs de lait au Kenya.
« Dans notre système de collecte du lait, explique-t-elle, un certain nombre d'agriculteurs se regroupent, et le coût des tests est très élevé, un seul test coûtant plus de 300 shillings kenyans (2 dollars). J’ai pensé qu'il serait utile de trouver une solution relativement moins coûteuse pour nos agriculteurs, sous la forme d’un test simple à utiliser, afin que les producteurs et les transformateurs puissent identifier les résidus d'antibiotiques à l’échelle de l’exploitation. »