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ARTICLE09 février 2024

Lutter contre les résidus antimicrobiens dans la chaîne de valeur des produits laitiers au Kenya

LES POINTS MARQUANTS

  • Grâce à son importante industrie laitière, le Kenya produit 652,4 millions de litres de lait par an
  • Le secteur laitier, qui est surtout composé de petits producteurs, constitue malheureusement un facteur de diffusion de résidus d'antibiotiques dans les produits alimentaires
  • L'université d'Egerton développe des méthodes innovantes et rentables qui permettent d’aider à détecter et à endiguer la propagation des résidus d'antibiotiques dans le lait à l’échelle des exploitations

La résistance aux antimicrobiens est devenue l’une des principales menaces pour la santé humaine dans le monde, à tel point que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a pour la première fois tiré la sonnette d’alarme en novembre 2021. Les antimicrobiens comprennent les antiseptiques, les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques, ainsi que les antiparasitaires courants, tels que les désinfectants utilisés dans le nettoyage.

L'OMS estime que la mauvaise utilisation et la surutilisation de ces produits favorisent la résistance des agents pathogènes — dont les virus et les bactéries — aux traitements médicamenteux. Elle appelle à mener une action urgente et multisectorielle contre cette menace, en particulier si l’on souhaite atteindre les Objectifs de développement durable des Nations unies en matière de sécurité alimentaire d'ici à 2030. Ces objectifs comprennent l'éradication de la faim, l'amélioration de la nutrition et le développement de l'agriculture durable.

Du fait de son ampleur, le secteur laitier kenyan est bien placé pour lutter de manière significative contre la résistance aux antimicrobiens, mais il existe des risques importants que les opportunités d’agir ne soient pas détectées. Selon le Dairy Board, l’autorité laitière du pays, le secteur produit en moyenne 652,4 millions de litres de lait par an et génère des revenus estimés à 22,6 milliards de shillings kenyans (soit environ 151 millions de dollars) pour les producteurs. Le secteur souffre toutefois de problématiques qui se renforcent mutuellement, à savoir la prédominance des petits producteurs qui échappent souvent à la réglementation, et la propagation de résidus d'antibiotiques dans le lait du fait de certaines pratiques d'élevage.

Directrice de la production animale dans le comté de Nyandarua, et doctorante à l’université d’Egerton, Teresia Ndung'u fait partie des citoyens kenyans qui s'attaquent de front à ce problème en concevant des solutions qui, selon elle, devraient contribuer à renforcer la sécurité alimentaire au Kenya et dans l'ensemble de l'Afrique de l'Est.

« J'ai participé à un projet appelé Systèmes de paiement du lait fondés sur la qualité (Quality Based Milk Payment Systems) au cours duquel les résidus d'antibiotiques sont apparus comme un problème important, tant pour les transformateurs que pour les consommateurs, explique-t-elle. J'ai identifié un réactif capable de détecter si les micro-organismes présents dans le lait étaient résistants. » Grâce à son poste en laboratoire, Teresia Ndung’u a pu demander à tester des échantillons de lait provenant de différentes vaches. Elle a constaté que le réactif parvenait bel et bien à détecter la résistance aux antibiotiques.

Selon elle, si les solutions capables de tester la résistance aux antimicrobiens existent sur le marché, leur coût les rend largement inaccessibles pour les  petits exploitants agricoles, lesquels représentent environ 80 % des producteurs de lait au Kenya.

« Dans notre système de collecte du lait, explique-t-elle, un certain nombre d'agriculteurs se regroupent, et le coût des tests est très élevé, un seul test coûtant plus de 300 shillings kenyans (2 dollars). J’ai pensé qu'il serait utile de trouver une solution relativement moins coûteuse pour nos agriculteurs, sous la forme d’un test simple à utiliser, afin que les producteurs et les transformateurs puissent identifier les résidus d'antibiotiques à l’échelle de l’exploitation. »

The World Bank

Dr. John Nduko’s research into a starter culture for traditional fermented milk could make it safer and more commercial. The center he works in at Kenya’s Edgerton University has received IDA and other donor funds as part of the regional Africa Center for Excellence program for academics. 

Photo: Abdi Yusuf/World Bank

« Une fois que les résidus d'antibiotiques sont entrés dans la chaîne de valeur des produits d’origine animale, poursuit-elle, qu'il s'agisse de lait, d'œufs ou de viande, aucun processus ne peut plus les éliminer. Il faut donc les identifier au niveau de l'exploitation. » Teresia affirme que toute intervention qui n'intègre pas les fermiers n'aura que très peu d'impact, compte tenu de la nature complexe des micro-organismes.

Ses travaux novateurs ont été rendus possibles grâce à une bourse d'études financée par l'Association internationale de développement (IDA) de la Banque mondiale et versée au Centre d'excellence en agriculture durable et en gestion agroalimentaire hébergé par l'université d'Egerton. « J’ai reçu des fonds pour financer ma recherche ainsi qu’une allocation pour mon propre usage. Je n'ai donc plus besoin de m’inquiéter de comment financer mes transports jusqu’à Egerton et payer mon loyer : mes besoins fondamentaux sont pris en charge », explique Teresia.

Elle cherche à présent à développer sa solution auprès des petits exploitants pour atteindre la commercialisation de masse et s'inscrire dans une démarche globale d'amélioration de la sécurité alimentaire. « Je l'ai enregistrée auprès de l'Institut kenyan de la propriété industrielle, et je détiens à présent un certificat de propriétaire d’un modèle d'utilité. J'espère que je pourrai la breveter après l'obtention de mon diplôme », déclare-t-elle.

Le Programme pour des centres d'excellence dans l'enseignement supérieur en Afrique orientale et australe (Eastern and Southern Africa Higher Education Centers of Excellence Project, ACE II) (2016-2025) a renforcé la capacité des établissements du supérieur à promouvoir un enseignement post-universitaire de qualité et des pratiques de recherches collaboratives. Le programme ACE II a été financé par un crédit de 148 millions de dollars accordé par l'IDA. Le Kenya est l'un des huit pays de la région à accueillir des centres ACE : il en existe 24 au total, et tous mènent des travaux dans des domaines liés au développement économique, à l'industrie, à l'agriculture, à la santé, à l'éducation et à la statistique appliquée.

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