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ARTICLE20 décembre 2023

Les agriculteurs marocains en quête de solutions face au changement climatique

Fatima Zahrae Lamnassra, agricultrice marocaine - Maroc

Au Maroc, les agriculteurs doivent adopter des techniques de production de plus en plus résilientes pour s’adapter et préserver leurs pratiques agricoles. © Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS

  • Au Maroc, les impacts du changement climatique deviennent de plus en plus manifestes, et les agriculteurs en sont les premiers affectés.
  • La sécheresse est devenue un défi structurel pour les agriculteurs de la région Fès-Meknès et au-delà.
  • Pour sécuriser leur avenir, les agriculteurs marocains adoptent des méthodes de production plus résilientes.

OUED ROUMANE, Maroc – Pour Fatima Zahrae Lamnassra, l’agriculture est une vocation familiale. Depuis dix ans, elle travaille aux côtés de son frère et de ses parents, cultivant du blé, des légumineuses, des oléagineux et des tournesols sur des terres qui appartiennent à sa famille depuis trois générations. Leur ferme, située à Oued Roumane dans la région de Fès-Meknès, est depuis longtemps considérée comme le grenier du Maroc. La famille y emploie 14 employés à temps plein et 80 travailleurs saisonniers journaliers pendant la période des récoltes.  

Cependant, ces dernières années, les impacts du changement climatique compliquent le travail de Lamnassra, avec le dessèchement de la rivière à proximité de la ferme. La sécheresse constitue le principal défi pour les agriculteurs de Fès-Meknès et du Maroc, l’un des pays les plus touchés par le stress hydrique au monde. 

ADAPTER L’AGRICULTURE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE 

« La sécheresse dans la région est désormais un problème structurel. Au cours des deux dernières années, nous sommes passés d’une année de sécheresse tous les cinq ans à une tous les trois ans », a déclaré Lamnassra.  

Cette année a été particulièrement difficile pour les agriculteurs d’Oued Roumane, qui ont souffert d’aléas climatiques à la chaîne. Ils ont été confrontés à une fin d’hiver aride, à un sirocco et des rafales de vents chauds (plus de 70 km/h) qui ont empêché la floraison de certaines cultures et en ont dessséché d’autres. Puis, en mars, une canicule dévastatrice avec des températures anormalement élevées pouvant atteindre 40° Celsius, de violentes pluies et de la grêle fin mai ont interrompu les récoltes.  

« Le changement climatique entraîne son lot d’incertitudes pour notre futur. Nous perdons le fil des saisons. Habituellement, les récoltes débutent fin juin, mais cette année, nous avons été contraints de les achever en mai », a-t-elle déclaré. 

DES SOLUTIONS POUR UNE AGRICULTURE PLUS RÉSILIENTE ET DURABLE 

« L’impact du changement climatique sur la sécurité alimentaire du Maroc et sur le système alimentaire mondial est indéniable. En tant qu’agriculteurs, nous reconnaissons cette réalité et nous adoptons de plus en plus des techniques de production résilientes pour adapter et sauvegarder nos pratiques agricoles », a ajouté Lamnassra. 

Face à ces aléas, les agriculteurs recherchent des variétés moins exigeantes en eau et plus résilientes face aux futures pénuries d’eau exacerbées par le changement climatique. 

Certains agriculteurs locaux collaborent avec des équipes de recherche de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) et du Centre international de recherche agricole dans les zones arides (ICARDA) pour avoir accès à des semences résistantes à la sécheresse à des fins de test. 

De nouvelles techniques sont également adoptées pour faire plus avec moins, par exemple, les applications d’azote à libération lente, l’adoption de l’irrigation au goutte-à-goutte lorsque l’accès à l’eau est disponible, et le développement de techniques de culture novatrices, comme le système sans labour, favorisant ainsi une conservation accrue des sols et de l’eau. 

Une autre stratégie adoptée par les agriculteurs pour faire face à l’insécurité alimentaire consiste à stocker une plus grande partie de leurs récoltes et à échelonner leurs ventes dans le temps. 

LES INITIATIVES MAROCAINES POUR SOUTENIR ET PRESERVER LES RESSOURCES EN TERRE ET EN EAU 

La Banque mondiale soutient les efforts du Maroc visant à développer un secteur agricole plus résilient et durable à travers des initiatives telles que le Projet pour une gestion de l’eau résiliente et durable dans l’agriculture (RESWAG). Ce projet vise la modernisation de l’irrigation et du drainage sur plus de 50 000 ha, tout en soutenant la gouvernance de l’eau et en prodiguant des conseils agricoles à plus de 20 000 agriculteurs confrontés à des conditions climatiques plus chaudes et plus sèches, mettant une pression supplémentaire sur des ressources en eau déjà limitées. 

« Actuellement, les agriculteurs marocains doivent réussir à produire dans des conditions difficiles et sont confrontés aux diverses manifestations du changement climatique. Il est nécessaire de développer des solutions créatives pour une agriculture plus résiliente. Cela peut passer par l’utilisation d’outils numériques, la modernisation de l’irrigation, une gestion améliorée des sols et de l’eau, notamment dans le contexte de l’agriculture pluviale, ou encore par la sensibilisation des nouvelles générations d’agriculteurs », explique Rémi Trier, spécialiste principal de l’agriculture et de l’eau à la Banque mondiale pour le Maroc.  

Un autre programme notable, le « Programme axé sur les résultats – Génération Green du Maroc », soutient la stratégie agricole du pays à travers plusieurs activités, notamment la création de centres régionaux pour promouvoir l’emploi des jeunes dans le secteur agroalimentaire (avec un objectif de 13 000 jeunes ayant créé des entreprises liées à l’agriculture et opérationnelles depuis au moins six mois), la modernisation de quatre marchés de gros (avec un objectif de 865 000 tonnes de produits locaux) et le développement d’outils numériques et climatointelligents (ciblant 12 000 producteurs) pour améliorer les emplois et rendre les chaînes de valeur plus efficientes. 

Concrètement, près de 20 000 jeunes ont profité du programme d’appui à l’entrepreneuriat agricole proposé par le programme Génération Green. 44 jeunes ont été formés et leurs projets innovants ont été récompensés et soutenus (via un concours national). Le programme a également soutenu 220 jeunes (dont 55 femmes) impliqués dans des coopératives de services agricoles. Environ 120 coopératives féminines ont également été formées aux technologies numériques développées dans le cadre du programme. Enfin, 8 800 entreprises et organismes agroalimentaires certifiés par l’ONSSA (Office National de Sécurité Sanitaire des Produits Alimentaires) ont bénéficié d’une amélioration de l’accès au marché et renforcé leur sécurité alimentaire. 

En outre, la Banque mondiale accompagne le gouvernement dans le déploiement de nouvelles techniques, notamment les systèmes de labour zéro, afin de s’adapter aux précipitations irrégulières et de préserver les sols. Cette mise en œuvre s’inscrit également dans le cadre du programme Génération Green et visant à convertir 1 million d’hectares de céréales à ce nouveau système d’ici 2030, tout en renforçant les outils financiers pour une meilleure gestion des risques climatiques, notamment l’assurance agricole. 

« Les agriculteurs marocains ont longtemps tenté de gérer les risques climatiques en diversifiant leurs activités ou en investissant dans l’élevage, mais avec la récurrence des sécheresses et des canicules, ces méthodes ancestrales doivent être complétées par des instruments innovants de gestion des risques pour une meilleure adaptation (pratiques agricoles climato-intelligentes) ou un transfert de risques (assurance récolte ou indicielle) », explique Nabila Gourroum, spécialiste principale de l’agriculture à la Banque mondiale pour le Maroc