Grâce au Projet régional d'extension du système de transport électrique de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) –qui regroupe la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal--, financé à hauteur de 91,5 millions de dollars par la Banque mondiale à travers l’Association internationale de développement (IDA), un réseau de transport de l’électricité de 225 kV a été construit, reliant la station de Kayes au Mali à celle de Tambacounda au Sénégal, avec pour but de renforcer l’échange d’électricité entre le Sénégal, le Mali et la Mauritanie. L’opérationnalisation de ce réseau de 285,3 kilomètres (2/3 au Sénégal et 1/3 au Mali) a déclenché la transformation dans la région.
Le soleil s'est couché à Tambacounda ce 20 octobre 2023 à 18h35 GMT, mais cette capitale régionale dans l’Est du Sénégal n'est pas plongée dans l'obscurité. Mieux encore, les groupes électrogènes des entreprises, hôtels et commerces sont restés silencieux. Il y a à peine quatre ans, ce n’était pas le cas dans cette région frontalière du Mali, de la Mauritanie et de la Gambie.
« C’était le calvaire, pour tout le Sénégal ! », se rappelle Thiédel Diallo, le maire de Goudiry, en poste depuis environ trois décennies.
La situation était également pénible pour les entreprises. « En 2018, la Sodefitex [Société de développement des fibres textiles] a fait fonctionner l’ensemble de ses usines à l'aide de générateurs pendant 704 heures, ce qui entraînait des coûts considérables pour l'entreprise », se souvient Sadio Sèye, son directeur d'exploitation. « Quand nous avions de la chance, nous n'avions que 3 ou 4 heures de coupure par jour. Sinon, nous pouvions passer toute une journée à ne rien faire », indique Abdoul Aziz Makharera, 29 ans, propriétaire de la Menuiserie DABA.
En 2022, sur les 5 usines de la Sodefitex, nous avons utilisé des groupes électrogènes pendant seulement 70 heures. En 2023, nous n'avons pas encore eu besoin d'allumer un seul groupe électrogène. C'est un sentiment de fierté et de soulagement, car nous nous apprêtions à demander un gros investissement au conseil d'administration pour l'acquisition de nouveaux groupes électrogènes.
Sadio Seye
Directeur d’exploitation, Sodefitex, Tambacounda.
Plus qu'un souvenir lointain.
Le « calvaire » n’est plus qu’un souvenir lointain, qui a pris fin avec la mise en place d’un système de réseaux électriques qui assurent désormais une fourniture continue de l’électricité.
À l'image du restaurant flambant neuf Djolof Chicken, qui ne désemplit pas, de nouveaux commerces ont vu le jour de part et d’autre de la route traversant Tambacounda jusqu'à Kidira à la frontière malienne. Pour ces entreprises, l'approvisionnement en énergie électrique est désormais disponible et fiable pour soutenir l'activité économique, ainsi que pour alimenter les ménages.
« En 2022, sur les 5 usines de la Sodefitex, nous avons utilisé des groupes électrogènes pendant seulement 70 heures. En 2023, nous n'avons pas encore eu besoin d'allumer un seul groupe électrogène », se réjouit Sadio Seye. « C'est un sentiment de fierté et de soulagement, car nous nous apprêtions à demander un gros investissement au conseil d'administration pour l'acquisition de nouveaux groupes électrogènes. »
À la Menuiserie Daba, Abdoul-Aziz Makhanera dirige les opérations et donne des instructions à ses employés. Disposant de l’électricité en continu, il se retire dans son bureau, alternant son regard entre les écrans de surveillance des ateliers et un autre grand écran connecté à YouTube, où défilent des tutoriels sur le travail du bois. « Tous ces modèles de meubles que vous voyez ici, je les ai appris en suivant ces tutoriels sur internet. Parfois, je reste ici jusqu'à 1 heure du matin pour apprendre de nouvelles techniques sur YouTube. » Le jeune autodidacte emploie désormais 19 personnes supplémentaires et travaille de longues heures pour répondre à la demande venant du Sénégal profond, mais aussi du Mali voisin.
Quant au maire de Goudiry, désormais satisfait, il mentionne que la mise en service des nouvelles infrastructures a fait passer le nombre d'abonnés à la Société nationale d'électricité du Sénégal (Senelec) dans sa commune de plus de 10 mille habitants « du simple au triple ». Il en va de même pour les recettes de la mairie, qui perçoit une taxe de 2,5% sur le montant de chaque facture d’électricité.
De la ville oubliée à un hub énergétique envié
Grâce au Projet régional d'extension du système de transport électrique de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) –qui regroupe la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal--, financé à hauteur de 91,5 millions de dollars par la Banque mondiale à travers l’Association internationale de développement (IDA), un réseau de transport de l’électricité de 225 kV été construit, reliant la station de Kayes au Mali à celle de Tambacounda au Sénégal, avec pour but de renforcer l’échange d’électricité entre le Sénégal, le Mali et la Mauritanie. L’opérationnalisation de ce réseau de 285,3 kilomètres (2/3 au Sénégal et 1/3 au Mali) a déclenché la transformation dans la région.
« C’est toute la région qui se transforme ! », estime Oumar Mamadou Baldé, gouverneur de la région de Tambacounda. « La stabilisation de l'approvisionnement en électricité a permis à notre économie locale de se développer correctement au cours des quatre dernières années, faisant de Tambacounda un hub énergétique de la sous-région. Cela nous donne aujourd'hui une position très enviée à cet égard ».
Le Projet régional a également financé d’autres infrastructures afin d'étendre le réseau dans diverses autres régions. Le poste stratégique de Bakel en est un exemple.
« Il y a cinq postes sur le réseau sénégalais, et Bakel est le premier en venant du Mali. Il comporte des lignes qui transportent l'électricité vers d’autres villes du Sénégal et qui assurent également le transport vers des villes mauritaniennes, notamment Nouakchott, Sélibabi et les villages du fleuve Gouré », explique Ousmane Diouf, chef de poste adjoint de Bakel. « C’est un poste stratégique qui assure la stabilité du réseau. En cas de problème sur cette ligne, le Sénégal et la Mauritanie, en particulier la capitale Nouakchott, seraient directement affectés. »
« Le charme de ce Projet réside principalement dans l'interconnexion entre les États, en particulier les économies réalisées par les États en obtenant de l'électricité de la SOGEM [Société de gestion de Manantali, l’entité de mise en œuvre de l’OMVS] », se réjouit Tamsir Ndiaye, directeur général de la SOGEM pendant la mise en œuvre du projet, et actuellement directeur général de l’Agence nationale des énergies renouvelables. « Aujourd'hui, le prix du kilowattheure vendu aux différentes entreprises nationales dans les trois pays est au tiers du prix de production thermique locale. »
Le projet a aussi apporté une plus-value de taille : l’exploitation de la fibre optique. « Lorsque les réseaux interconnectés ont été construits, les câbles de garde étaient dotés en fibre optique. Mais l'OMVS ne voyait pas l'importance de la fibre optique au-delà de l’exploitation et de la protection des réseaux de transport, parce que le but était de produire de l'énergie », se rappelle Tamsir Ndiaye. « Aujourd'hui, un opérateur gère le surplus de fibre optique pour les télécommunications afin de stimuler la connectivité dans la région ».
Un succès du point de vue régional qui offre des opportunités pour un marché régional de l’électricité en Afrique de l’Ouest
« Le réseau interconnecté de l'OMVS est le pool énergétique sous-régional le plus avancé en Afrique de l'ouest. Il a non seulement amélioré les échanges d'électricité entre le Mali, la Mauritanie et le Sénégal, mais il présente également une base essentielle pour développer des projets de production d’électricité plus importants au sein du marché régional de l’électricité », souligne Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’ouest et du centre. « C’est un succès d'un point de vue régional, où le développement et le partage des énergies renouvelables sont essentiels pour réduire les coûts de production, contribuer à la création d’emplois, et soutenir la transformation économique et sociale de la région. »
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