« J’ai mis ma tête, mon cœur et mes tripes dans cette formation parce que ma vie en dépendait », affirme-t-il. Né dans une famille recomposée de 10 enfants dont il est l’avant-dernier, Madzou Moukassa perd son père à trois ans. Sa mère le confie à sa grand-mère mais l’enfant est maltraité dans sa famille. Il navigue alors entre plusieurs orphelinats, tombe gravement malade, abandonne ses études au collège à 16 ans et échoue dans la rue. « J’ai vécu des choses qui me font encore pleurer aujourd’hui lorsque j’y pense », résume-t-il pudiquement. Pour échapper à la dure loi de la rue, il tente de s’engager dans l’armée, sans succès. Il travaille ensuite trois années dans une société de gardiennage avant de tomber sur l’annonce du PDCE qui changera sa vie.
À 23 ans, démontrant un réel talent pour l’art culinaire il présente aussi une instabilité caractérielle et une agressivité qui préoccupent ses formateurs. Le PDCE lui adjoint une psychologue pour l’aider à mieux gérer ses problèmes émotionnels. Pendant les six mois que dure sa formation, il économise sur la prime de transport et de restauration offerte par le projet pour investir dans l’achat de son propre matériel. Après un stage de perfectionnement, il travaille dans plusieurs grands restaurants de Brazzaville avant de lancer en 2017 sa propre enseigne, 2M Service. Mais l’initiative tourne court. « Je manquais de capacité managériale », avoue-t-il. Pendant une année, il va renforcer ses notions de gestion entrepreneuriale grâce aux formations offertes par le PDCE et par d’autres structures. En 2018, il fait évoluer 2M Service en institut de formation professionnelle en hôtellerie.
Courage et rêve de grandeur
Cambriolé à plusieurs reprises, Madzou Moukassa a toujours su rebondir. Grâce à son talent et à sa détermination, il gagne des marchés et attire de plus en plus de jeunes vers les métiers de l’hôtellerie. L’arrivée de la pandémie de Covid-19 et le confinement qui s’en suit lui donnent paradoxalement une nouvelle opportunité de s’illustrer. « Avec l’arrêt des activités », explique-t-il, « je me suis dit que je devais trouver quelque chose qui me permettrait de me relancer au moment de la reprise ». Madzou Moukassa se met alors en tête de créer du vin à partir de l’oseille de Guinée couramment appelée « bissap ». « J’ai fait onze tentatives infructueuses avant de trouver la bonne formule. » Ainsi naît Le Chevalier Madzou Moukassa, un vin de table dégusté jusque dans les palais officiels à Brazzaville. Les 200 premières bouteilles produites se vendent comme des petits pains à raison de 2 500 francs CFA ($4,16) la bouteille au prix de gros et 3 000 francs CFA ($4 ,99) la bouteille au prix de détail.
2M Service est aujourd’hui une startup reconnue qui emploie cinq personnes dont un comptable. Chef Madzou Moukassa a informatisé tout son système de gestion pour pouvoir suivre les mouvements financiers en temps réel à partir de son téléphone portable. La startup revendique la formation de plus de 350 jeunes dans le domaine de l’hôtellerie. La formation coûte 100 000 francs CFA ($166,55) par personne pour une durée de six mois. Avec ses autres prestations hôtelières, 2M Service fait un chiffre d’affaires mensuel de près d’un million de francs CFA ($1 665) qui doit augmenter avec le démarrage imminent de la section pâtisserie et la production d’un nouveau cru de son vin. « C’est encore modeste certes, mais j’arrive à nourrir ma famille et à rémunérer mon équipe », précise chef Madzou Moukassa.
Chef Madzou Moukassa voit grand. « J’aime rêver parce que le rêve est gratuit mais réaliser son rêve peut rapporter gros », justifie-t-il. Le jeune génie de l’art culinaire ne veut ni plus ni moins faire de 2M Service le temple de la gastronomie congolaise et une référence dans le pays, en Afrique et dans le monde. Un nouveau défi qu’il se donne et qu’il compte bien relever à en croire ces quelques mots inscrits sur le profil de sa page Facebook : « Je n’abandonne jamais. »