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ARTICLE04 novembre 2022

Côte d’Ivoire : une revanche au féminin sur la malnutrition

The World Bank

Soro Mariam, membre de la coopérative Tcheregnime, présente son petit-fils guéri de la malnutrition.

Enoh Ndri / Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS

  • Le Projet d’Appui à l’Agriculture Sensible à la Nutrition et au Développement des Capacités des Petits Agriculteurs (ASNAP) permet aux populations rurales vulnérables d’avoir accès à une alimentation riche, diversifiée et équilibrée.
  • Plus de 3 000 femmes ont reçu des formations sur les techniques de bonnes pratiques de culture, ainsi qu’en comptabilité simplifiée pour la commercialisation et la gestion des revenus générés par la production maraichère.
  • Pour soutenir la production et améliorer l’accès à l’eau, le projet installe des systèmes d’irrigation simples, à coût réduit, faciles à entretenir dans des parcelles communautaires gérées par des groupements de femmes.

« Si la malnutrition est signe de pauvreté, alors nos femmes l’ont vaincu en partie à Kpafonon » lance visiblement heureux Laga Solo, l’instituteur à la retraite. Dans ce village, Solo a vu des générations d’enfants nourris au Mimintchin « la sauce du pauvre » en Senoufo, la langue locale.  Anémiés, déformés, ou souffrant d’autres maladies liées à la malnutrition, beaucoup d’enfants n’ont pas survécu.

La « sauce du pauvre », un lointain souvenir !

Dans les régions du Poro et de la Bagoué dans le nord de la Côte d’Ivoire, le régime alimentaire est peu varié, composé essentiellement de maïs et d’igname. « Jusqu’à un passé récent, on évacuait au moins trois enfants par semaine à l’hôpital pour des problèmes de sang, mais depuis qu’on a commencé à cultiver le jardin, tout le monde est en bonne santé », se réjouit Awa Koné, présidente de la coopérative Bêtikana de Kpafanon.

Depuis 2019, les habitudes alimentaires ont changé : les ménages consomment régulièrement carottes, courgettes, oignons, tomates, choux, aubergines, patates douces, et des œufs produits par les 56 membres de la coopérative.

Financé par la Banque mondiale grâce au Fonds Japonais pour le développement social, le Projet d’Appui à l’Agriculture Sensible à la Nutrition et au Développement des Capacités des Petits Agriculteurs (ASNAP), permet aux populations rurales vulnérables d’avoir accès à une alimentation riche et équilibrée, ainsi qu’aux femmes de s’autonomiser par la culture et la commercialisation de légumes bios. 

Le projet a réhabilité une pompe hydraulique abandonnée pour alimenter une ferme villageoise -où se côtoient les femmes du groupement Bêtikana et les techniciens agricoles de l’Agence Nationale de l’Agriculture et du Développement Rural (ANADER) - et produire des légumes bios en qualité et quantité suffisantes pour la consommation locale et les marchés environnants. Mieux, la coopérative fournit des légumes gratuitement à la cantine scolaire du village, afin que les écoliers bénéficient de repas équilibrés et riches en vitamines.  

Au sein de notre groupement, il y avait 11 enfants malnutris, dont cinq cas graves ! Aujourd’hui grâce aux bienfaits d’ASNAP, nous sommes à zéro enfant malade
Soro Dorcas,
Porte-parole de la coopérative Tcheregnime
The World Bank

Désormais les femmes parviennent à nourrir leurs enfants avec des aliments tirés de leurs jardins.

Banque mondiale

Formées et équipées pour vaincre la malnutrition et créer des revenus

Sur la place publique de Komborodoudou, des femmes chantent et dansent. Loin du folklore habituel, les paroles du chant sont révélatrices : « Femme, cultive ton jardin, source de ton autonomie et de la santé de ta famille, ne compte pas entièrement sur ton mari ».

Cet après-midi-là, les femmes de la coopérative Tcheregnime célèbrent un projet qui leur permet de s’épanouir et d’améliorer la santé de leurs enfants dans une région où quatre enfants sur dix souffrent de malnutrition selon les statistiques officielles.

« Nous sommes heureuses, car avant il y avait beaucoup d’enfants à grosses têtes, petits pieds, et des fesses plates comme si on les repassait à longueur de journée », lance d’un air amusé Soro Dorcas, porte-parole des femmes. « Au sein de notre groupement, il y avait 11 enfants malnutris, dont cinq cas graves ! Aujourd’hui grâce aux bienfaits d’ASNAP, nous sommes à zéro enfant malade », ajoute-t-elle. 

The World Bank

Les membres de coopérative Bêtikana de Kpafanon (nord), en préparation des planches (parcelles) en début de saison des cultures.

Fondation Helen Keller

Le travail des femmes est encadré par des techniciens de l’ANADER, et des ONG montrent aux mères de famille comment composer des repas riches et équilibrés à base de légumes bios issus de leurs propres jardins. « Notre peau a changé, on se sent bien dans notre corps. Les autres femmes ayant remarqué ce changement, ont commencé à adhérer à notre groupement, on est passé de 18 membres à plus de 50 en moins d’un an », raconte Dorcas, sous le regard attentionné de Soro Mariam, une quinquagénaire portant fièrement son petit-fils. « Je l’ai fait venir du village de ma fille parce qu’il était tout le temps malade, mais depuis que je le nourris avec la patate douce et les produits de notre jardin, il se porte très bien ».

Par ailleurs, plus de 3 000 femmes ont reçu des formations en gestion de stocks, ainsi qu’en comptabilité simplifiée pour la commercialisation et la gestion des revenus générés par la production maraichère. À Komborodougou, la cinquantaine de membres de Tcheregnime ne comptent pas s’arrêter à la fin d’ASNAP. Elles ont déjà épargné plus de deux millions de francs CFA, et « nous allons épargner plus encore, pour continuer à cultiver notre jardin avec nos propres moyens », rassure Soro Dorcas.

The World Bank

Le projet ASNAP installe des systèmes d’irrigation simples et à coûts réduits.

Enoh Ndri / Banque mondiale

Des systèmes d’irrigation pour la production en permanence et la sécurité nutritionnelle

Outre les défis de nutrition, les 3 000 ménages ciblés par ASNAP vivant dans le nord de la Côte d’Ivoire sont confrontés aux effets du changement climatique. Ainsi, le manque d’eau en saison sèche, devenue de plus en plus longue, freine les activités agricoles, provoque des conflits entre agriculteurs et éleveurs et menace la sécurité alimentaire. Ce déficit d’eau a poussé des milliers de femmes à abandonner la culture maraîchère, pourtant source de revenus pour elles, au profit du coton, du riz pluvial ou du maïs.

« Avec ASNAP, nous avons garanti la disponibilité de l’eau pour les femmes dans les villages ciblés, elles en ont désormais tous les jours et pendant toutes les saisons pour arroser leurs jardins et produire beaucoup plus », explique Dr Ibrahim Bamba, Directeur pays de la Fondation Helen Keller International, chargée de la mise en œuvre du projet ASNAP.

Pour soutenir la production toute l’année et améliorer l’accès à l’eau, le projet installe des systèmes d’irrigation simples, à coût réduit, faciles à entretenir dans des parcelles communautaires gérées par des groupements de femmes. Ainsi, 20 forages surmontés de systèmes modernes d’irrigation ont-ils été installés pour couvrir une superficie totale de 250 hectares.

De façon plus large, le projet a fourni à 3 000 femmes des formations sur les techniques de bonnes pratiques de culture telles la gestion de l’espace, la production, l’entretien, et la récolte ; mais également des formations en nutrition et hygiène ; sur l’autonomisation des femmes et le respect de l’environnement ainsi que sur la gestion des stocks et la comptabilité simplifiée.

Le projet a aussi apporté à 35 groupements des régions du Poro et de la Bagoué du matériel post-récoltes dont des tricycles, des cageots, et des balances de pesée pour faciliter la commercialisation des productions.

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