Les clichés « avant » et « après » ci-dessus résument tout : des boues noircies qui affluent vers la Méditerranée et, cinq ans plus tard, une plage de sable propre qui donne sur une mer claire et turquoise. Au nord de Tunis, la plage de Raoued était interdite à la baignade depuis des années. Elle a pu rouvrir en 2020 après le feu vert des autorités sanitaires tunisiennes, avec des retombées notables pour l’économie locale, et des pêcheurs satisfaits des changements constatés dans la qualité du milieu marin.
Ce qui s’apparente à un miracle est en réalité l’œuvre d’ingénieurs et de scientifiques, ainsi que d’un travail d’assainissement minutieux. Le lot d’échantillons d’eau de mer prélevés à Raoued en 2020 s’est révélé sûr à 96 % en ce qui concerne la teneur en bactéries, et à 97 % pour la concentration en détergents. Les eaux usées traitées sont désormais évacuées par des canalisations souterraines jusqu’à un exutoire sous-marin (terme technique désignant un conduit sous la mer) d’une longueur de 6 km rejetant les effluents à 20 m sous la surface. À cette profondeur et à cette distance, les eaux usées, issues des activités humaines et traitées, ainsi que d’autres déchets liquides, se dispersent dans le golfe de Tunis, diluant la pollution engendrée par la vie domestique moderne et les pratiques agricoles.
L’épuration des eaux grises en vue de leur réemploi sur les terres agricoles accroît également la capacité du pays à s’adapter à la pénurie d’eau qui s’intensifie en raison des changements climatiques. L’investissement dans un nouveau système d’évacuation des eaux usées traitées ne présentant aucun risque environnemental préserve le magnifique littoral méditerranéen du pays et profite aux populations qui y résident, y travaillent et s’y divertissent.
La Tunisie est l’un des pays du monde les plus dépourvus en eau. En 2017, l’eau disponible par habitant s’élevait à 367 mètres cubes (m3) pour un pays qui abrite un peu moins de 12 millions de personnes, alors que la moyenne régionale est de 526 m3 et la moyenne mondiale de 5 700 m3. Une ressource d’autant plus sollicitée par l’essor urbain, la hausse de la demande et la nécessité d’irriguer pour soutenir l’emploi dans les zones rurales.