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ARTICLE18 mars 2022

De l’Inde au Sénégal, en passant par l’Équateur, les défis liés à l’eau suscitent l’innovation et une économie circulaire

The World Bank

Un groupe de femmes remplissent leurs bidons d’eau dans la région de Saint-Louis, au Sénégal.

Photo: Vincent Tremeau / Banque mondiale

LES POINTS MARQUANTS

  • Comme de nombreuses villes confrontées à un fort dynamisme démographique et au changement climatique, Dakar, au Sénégal, risque de devoir faire face à un avenir sans ressources suffisantes en eau.
  • Pour y remédier et assurer la sécurité de l'eau, Dakar transforme et recycle les eaux usées et les déchets liquides issus de l'assainissement avec l'aide du secteur privé.
  • Guayaquil, en Équateur, et Chennai, en Inde, font partie d'un nombre croissant de villes qui adoptent des pratiques plus durables afin de créer un cycle vertueux d'utilisation et de réutilisation de l'eau.

Nichée à la pointe de la presqu’île de Cabo Verde, le long de la côte atlantique du Sénégal, Dakar est l’une des plus belles villes d’Afrique, débordante d’énergie. Cependant, comme de nombreuses villes confrontées à une rapide croissance démographique et aux effets du changement climatique, Dakar pourrait bien se trouver dans l’incapacité de répondre aux besoins en eau de sa population.  Un nouveau rapport de la Banque mondiale alerte sur la nécessité de faire de la sécurité hydrique une priorité pour le Sénégal, sans quoi la croissance économique du pays risque d’être sérieusement affectée, particulièrement dans la région du Grand Dakar.

Ces conclusions ne sont pas inattendues – Dakar connaît en effet un stress hydrique et des pénuries d’eau depuis la dernière décennie. Pour y répondre, la ville a su faire preuve d’innovation. Aidée par ses partenaires, Dakar a mis en œuvre un modèle d’exploitation qui délègue la fourniture d’eau et l’assainissement au secteur privé, pour suivre le rythme de la croissance. La ville est récemment passée à une approche plus holistique de sa gestion des ressources en eau et de l’assainissement. Dans le même temps, elle encourage une meilleure gestion du côté de la demande, par la réduction des déperditions d’eau. Ainsi, les eaux usées traitées irriguent désormais des terres agricoles parmi les plus fertiles du pays, dans la banlieue de la capitale. Les produits dérivés du système d’assainissement connaissent une seconde vie en tant qu’engrais pour les agriculteurs, tandis que le biogaz fournit l’énergie nécessaire à une station de traitement des eaux usées, économisant ainsi des ressources et de l’argent.

Dakar est récemment passé à une approche plus holistique de sa gestion des ressources en eau et de l’assainissement. Dans le même temps, elle encourage une meilleure gestion du côté de la demande, par la réduction des déperditions d’eau.

À l’image de Dakar, de plus en plus de villes des pays en développement adoptent des pratiques plus durables, créant un cycle vertueux d’usage et de réutilisation. De telles pratiques sont les fondements d’une économie circulaire (a), dans laquelle l’eau, l’énergie et les autres ressources sont gérées de manière durable, les déchets et la pollution réduits, et l’environnement préservé. Pour contrer les effets du changement climatique, qui viennent exacerber les difficultés rencontrées par les villes en matière d’approvisionnement en eau, une nouvelle initiative (a) de la Banque mondiale accompagne les pays pour les aider à adopter des pratiques d’économie circulaire et développer leur résilience. 

En Équateur, par exemple, la ville de Guayaquil (a) a décidé de passer à une approche intégrant tous les éléments d’un assainissement sûr, afin de répondre à un problème persistant de pollution par les eaux usées. Cette refonte du système implique aussi bien d’améliorer l’infrastructure et le réseau d’égouts, que de garantir la couverture des plus pauvres ou le raccordement effectif des clients au réseau. La qualité de l’eau est suivie en amont de la ville et la planification des bassins hydrographiques permet de mieux identifier les facteurs de stress en matière de qualité de l’eau. Deux nouvelles stations permettront de traiter les eaux usées et de transformer en électricité le biogaz issu de la dégradation des boues d’épuration pour satisfaire près de 35-40 % des besoins énergétiques de la station.

La ville de Chennai, en Inde (a), a choisi de répondre au besoin croissant d’eau en pleine période de croissance industrielle et démographique, en adoptant un modèle circulaire et résilient. La récupération des eaux de pluie est devenue obligatoire et la ville est la première en Inde à réutiliser 10 % de ses eaux usées, avec un programme visant à atteindre un taux de réutilisation de 75 %. Dans le cadre de cet effort, le Conseil métropolitain de Chennai pour la fourniture d’eau et l’assainissement (ou, sous son acronyme anglais, CMWSSB) revend des eaux traitées à des acteurs industriels. Ces revenus additionnels couvrent l’ensemble de ses coûts opérationnels et d’entretien. Le CMWSSB est la seule compagnie de service public du pays à disposer de deux usines de désalinisation de l’eau de grande envergure. La compagnie récupère également de l’énergie issue des eaux usées dans plus de la moitié de ces centres de traitement et compte bientôt vendre les biosolides issus du traitement comme engrais pour les terres agricoles.

The World Bank

Vue de la ville de Dakar, au Sénégal. 

Photo: Sarah Farhat / Banque mondiale

Le Sénégal s’impose comme centre d’expertise en matière de réutilisation de l’eau et des déchets

Voilà déjà 20 ans que le Sénégal a jeté les bases d’une économie circulaire. Les politiques et réglementations avaient anticipé le besoin d’une meilleure utilisation et d’un meilleur recyclage de l’eau et des déchets. Aujourd’hui, l’Office National de l’Assainissement du Sénégal (ONAS) transforme les eaux usées et les sous-produits de l’assainissement en actifs avec l’aide du secteur privé. Cette approche innovante a fait du Sénégal un centre d’expertise, accueillant des représentants de quelque 15 pays, qui viennent à Dakar pour apprendre de son expérience en matière de gestion des services publics.

L’Office national a commencé à piloter de nouvelles stratégies en vue de gérer les déficits en matière de fourniture d’eau, qui affectent les particuliers ainsi que les horticulteurs et agriculteurs de la région. Afin d’atténuer les pénuries pour les horticulteurs, la compagnie de service public a commencé par vendre des eaux usées traitées aux agriculteurs alentours, avant d’étendre le système afin d’irriguer les cultures de centaines de maraîchers proches de sa station d’épuration de Cambérène. L’Office prévoit d’accroître sa capacité de traitement des eaux usées de 19 000 mètres cubes par jour à 92 000 mètres cubes par jour.

« Jusqu'ici, les expériences que nous avons menées sur les différentes formes de réutilisation des eaux épurées issues du processus de traitement de la station d'épuration de Cambérène nous ont prouvé la valeur inestimable de ce produit dérivé », a expliqué Ababacar Mbaye, directeur général de l'ONAS. « En effet, en plus d'être une matière première précieuse, l'eau épurée représente une véritable alternative et constitue une aubaine, notamment pour la relance du développement agricole, les travaux publics, l'arrosage des espaces verts. »

Pour améliorer l’efficience et réduire les coûts opérationnels, la station d’épuration de Cambérène a également commencé à récupérer le biogaz généré durant le processus de traitement des eaux usées. Ce biogaz est utilisé pour créer de la chaleur et de l’énergie grâce à un système de cogénération, pour alimenter la station, entraînant une économie d’énergie de 28 % pour le site.

La compagnie vend également des boues séchées et stabilisées comme engrais pour les agriculteurs et les cultivateurs de fleurs. Les boues sont traitées par la station d’épuration opérée par l’ONAS et une usine de traitement des boues d’épuration gérée par une société privée, toutes deux se trouvant dans le complexe de Cambérène. La proximité et la collaboration entre les deux usines permet de réaliser des économies d’échelle et de profiter de la proximité des lieux où leurs produits peuvent être réutilisés de façon efficiente.

De telles approches innovantes s’avéreront essentielles dans les années à venir, alors que le Sénégal innove pour répondre aux défis liés à l’eau.

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