MAMBOUE, Burkina Faso, le 16 septembre 2019 — Waimbabie Gnoumou n’est pas un mari comme les autres ! Ce cultivateur de 38 ans, au physique d’athlète, polygame et père de huit enfants, participe pleinement aux tâches ménagères aux côté de ses deux épouses. Du jamais vu. Une scène impossible à observer il y a encore quelques années, dans une région emprunte de tradition où la répartition des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes demeure très inégale. Nous sommes à Mamboué, dans la commune de Houndé à l’ouest du Burkina Faso. Et cette petite révolution tient en trois mots : l’école des maris.
Financée par l’Association internationale de développement à travers le Projet pour l’autonomisation des femmes et le dividende démographique au Sahel (SWEED) et mise en œuvre avec l’appui technique du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), l’école, ou le club des maris, réunit une fois par semaine, une quinzaine d’hommes mariés comme Waimbadie. Dans ce local en briques, ils discutent de la vie de famille, sous l’encadrement d’un facilitateur.
Droits des femmes, santé de la reproduction, santé maternelle, planification familiale, hygiène, tous les thèmes y sont abordés et expliqués afin d’impulser un changement de comportement chez les hommes du village. Le Club des maris permet aux hommes de partager leurs expériences, poser des questions et apprendre afin qu’ils ne soient plus de simples spectateurs mais contribuent pleinement à la promotion du bien-être de la mère et de l'enfant, dans une région où on a dénombré 747 cas de décès néonatals en 2018 et 95 femmes sont décédées en donnant naissance à leur enfant.
Une approche novatrice, source d’apaisement au sein des couples et du village
« L’école des maris crée un environnement dans lequel les hommes sont en confiance pour partager et apprendre les uns des autres », explique Ouanibaouiè Bondé, une facilitatrice du village voisin de Boni. « Ici, ils peuvent parler sans crainte du qu’en-dira-t-on, de sujets traditionnellement laissés aux femmes, comme la planification familiale, les consultations prénatales, la nécessité d'accoucher dans un centre de santé et les consultations postnatales. Convaincre les maris qu’ils ont leur rôle à jouer sur ces questions contribue à l’harmonie au sein des couples et des familles », ajoute-t-elle.
À en croire Waimbabie Gnoumou, cette approche porte ses fruits. « Avant l’arrivée de l’École des maris dans le village, il y avait beaucoup de tension entre les membres de ma famille. Et lorsqu’il m’arrivait de consommer trop de bière de mil, je me disputais avec mes épouses », raconte-t-il, la voix pleine de regrets. « Mais tout cela fait désormais partie du passé ! »
Waimbabie Gnoumou n’est pas le seul à sentir l’impact de l’École des maris. « Maintenant, mon mari m’apporte souvent des condiments du marché pour la cuisine » constate, ravie et fière, Martine, son épouse. « Quand je veux faire la lessive, son fils aîné et lui vont chercher de l’eau au marigot. Quand je suis enceinte, il m’accompagne au centre de santé pour les pesées. Le jour de mon accouchement, c’est lui qui m’a conduite à l’hôpital et a voulu rester à mes côtés pendant mon accouchement. Ce jour-là, j’étais tellement contente que j’ai oublié la douleur des contractions ! »
Le projet s’adresse également aux futurs époux. Il les prépare à assumer les responsabilités de la vie de couple. « J’ai beaucoup appris sur la vie familiale et sur la santé reproductive. Quand je me marierai, je parlerai beaucoup avec mon épouse des méthodes contraceptives et de la planification familiale », promet Sienimi Gnoumou, jeune cultivateur de 22 ans à Mamboué et membre du Club des futurs époux.
Un investissement de long terme dans le capital humain
Pour Dofinta Gnoumou, le chef du village de Mamboué et fréquent arbitre des querelles de couples, « l’arrivée de l’École des maris a tout d’une bénédiction, tous les membres du club des maris ont changé positivement de comportement envers leurs femmes et la sensibilisation se poursuit dans les lieux de culte et les cabarets du village. » Son souhait est que d’autres villages puisent tirer profit de cette initiative.
Ce que les hommes du village de Mamboué ne réalisent pas encore, c’est qu’en accompagnant leurs épouses aux visites prénatales et en les aidant dans les tâches ménagères du foyer, ils contribuent aussi au renforcement du capital humain de leur famille et de la communauté. Car une femme en bonne santé et qui se sent rassurée et soutenue par son mari donnera naissance à des enfants en meilleure santé, dont le développement cognitif harmonieux leur donnera plus de chances de réussir à l’école.
En attendant, les statistiques du Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Bonni, dans le district sanitaire de Houndé, sont encourageantes. Le nombre de femmes utilisant de nouvelles méthodes contraceptives s’est accru durant le premier trimestre de l’année 2019 et une dizaine de maris ont assisté aux consultations prénatales au cours du 2e trimestre de grossesse ainsi qu’aux accouchements.