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ARTICLE

Révolutionner la chaîne de production avicole en Afrique de l’Ouest et Centrale grâce aux centres d’excellence

15 mai 2017



LES POINTS MARQUANTS
  • Alors qu’elle abrite 13% de la population mondiale, l’Afrique ne fournit que 4 % des produits aviaires dans le monde.
  • Le déficit de financements appropriés, le manque de compétences techniques de haut niveau et les problèmes d’intrants, expliquent ce phénomène.
  • Le Centre d’excellence régional sur les sciences aviaires (CERSA), entend combler ces lacunes et révolutionner la filière avicole

LOMÉ, le 15 mai 2017-Alors qu’elle abrite 13% de la population mondiale, l’Afrique ne fournit que 4 % des produits aviaires dans le monde. Un africain ne consomme en moyenne qu’un œuf toutes les 5 ou 6 semaines, tandis qu’un japonais en consomme presque quotidiennement. Même constat pour la viande de volaille. En une année, un Africain ne consomme en moyenne que 3,3 kg de viande de volaille, contre 28 kg pour un français et une moyenne mondiale de 14 kg. Dans de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, la consommation de produits aviaires reste toujours un luxe, alors que les besoins en protéines animales sont importants.

Le Centre d’excellence régional sur les sciences aviaires (CERSA) de l’Université de Lomé au Togo veut renverser cette tendance. Créé en 2014 dans le cadre du Projet des centres d’excellence africains financé par la Banque mondiale, le CERSA vise à révolutionner la filière avicole en Afrique de l’Ouest et Centrale. « Au lieu de prendre ces déficits comme un problème, il faut plutôt considérer que c’est une opportunité, parce que cela nous montre qu’il y a assez de marge pour faire avancer la filière », explique, enthousiaste, le professeur Kokou Tona, directeur du centre.

Selon lui, les trois facteurs qui entravent le développement du secteur avicole en Afrique sont le déficit de financements appropriés, le manque de compétences techniques de haut niveau et les problèmes d’intrants, en notant que l’alimentation des volailles représente 70% des dépenses de production avicole : « Même les poussins sont importés parce qu’on ne maîtrise pas, pour le moment, la technique de production en grande échelle de ces poussins alors que coût du transport de l’œuf est élevé, presque le double du coût de l’œuf même », explique le professeur Tona.

Pour limiter cette dépendance vis-à-vis de l’extérieur et relever ces défis, le CERSA offre trois niveaux de formation pour produire :

  • des experts en sciences aviaires au niveau doctorat,
  • des spécialistes qui maîtrisent les contours de la filière au niveau master, et
  • des techniciens avicoles qui, au niveau pratique, seront capables d’identifier des problèmes et faire appel à des spécialistes et experts pour les résoudre. 


De plus, l’établissement développe des activités de recherche autour des grandes thématiques qui préoccupent les acteurs de la filière, notamment : les techniques de production, les procédés de transformation, la sécurité alimentaire, la biosécurité, la génétique, les aspects socio-économiques, etc.

Ces formations universitaires et post universitaires –uniques en Afrique de l’Ouest et Centrale— attirent déjà des étudiants de nombreux pays. Après seulement une année d’existence, le CERSA compte 12 doctorants et 50 étudiants en Master. Ils viennent du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de la Gambie, du Tchad et du Togo. Ces jeunes sont conscients du potentiel du secteur avicole dans leurs pays respectifs et ont choisi de s’engager dans la recherche pour le révolutionner.

Pour Dassidi Nideou, doctorant tchadien, dont le thème de recherche porte sur « l’impact de l’alimentation des parentaux sur les performances des poussins de chair », l’insuffisance des produits à base de volaille dans son pays a clairement orienté son choix de venir étudier au CERSA : « Au Tchad, nous produisons beaucoup de viande rouge que nous exportons vers d’autres pays. Par contre, nous dépendons fortement de l’extérieur pour les produits avicoles, et l’élevage moderne des volailles est encore à l’état embryonnaire ». D’après lui, est crucial de développer la filière au Tchad pour permettre à la majorité de la population de varier son alimentation et répondre aux besoins en protéines animales : « J’ai choisi de venir au CERSA parce que c’est le seul centre de la sous-région qui offre ce genre de formation, et aussi pour la qualité de la formation qui associe la pratique à la théorie ».

Pour ses collègues Kolani Ali et Voemesse Kokou, dont les recherches, qui portent respectivement sur l’intégration de l’huile de palme et du moringa dans l’alimentation des volailles, sont prometteuses : « L’énergie qu’apporte l’huile rouge est deux fois supérieure à celle du maïs. Après mes premières expérimentations, j’ai pu noter une augmentation du poids moyen des œufs, une amélioration de la coloration du jaune d’œuf et une efficacité nutritive chez les animaux », explique Ali.  

« Les volailles qui consomment le moringa sont plus lourdes et c’est une bonne chose lorsqu’on sait que le taux de ponte dépend aussi du poids de l’animal. Les poules sur lesquelles je travaille ont commencé à pondre plus tôt et beaucoup plus que les autres ; de plus, leurs œufs sont plus lourds et le jaune est plus coloré », a constaté Voemesse.

Le CERSA compte sur ces travaux de recherche pour obtenir des résultats pratiques que les éleveurs et producteurs pourront appliquer au quotidien : « Réduire la part dédiée à l’alimentation des volailles dans les dépenses rendrait les exploitations avicoles de nos pays plus productives et compétitives », indique le Professeur Tona.

De l’avis de tous, le secteur est prometteur, mais il faut s’armer des compétences nécessaires pour s’y engager avec succès. De plus, ceux qui travaillent déjà dans ce secteur, doivent se professionnaliser, et le CERSA offre des formations pratiques de courtes durées dans ce sens : « Nous avons déjà formé plus de 300 techniciens qui interviennent dans la chaîne de production avicole : provenderie ; production de poussin ; production d’œufs de table ; production de poulet de chair ; etc. », ajoute-t-il.

Mais il faut aller au-delà pour moderniser et industrialiser les exploitations avicoles en Afrique de l’Ouest et Centrale afin de garantir la sécurité alimentaire. Le CERSA a décidé de se donner les moyens de ses ambitions, en développant (et continuant de développer) de solides partenariats avec d’autres universités d’Afrique et d’ailleurs pour promouvoir la recherche et le partage des connaissances. Il a également noué des partenariats stratégiques avec des acteurs importants du secteur privé et de grands industriels pour promouvoir l’industrialisation de la filière.

Cette démarche séduit la Banque mondiale. En visite à l’Université de Lomé en Avril 2017. « Je suis très impressionné de voir le travail en cours au CERSA. Cela correspond vraiment aux besoins de la population africaine. Un centre de recherche comme le CERSA va augmenter la productivité et la disponibilité de poulets dans nos pays et permettra aussi aux populations d’avoir accès à ces produits considérés comme un produit de luxe en Afrique » a souligné Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique, lors de sa visite du centre.

Le CERSA est l’un des 22 centres d’excellence financés par la Banque mondiale en Afrique de l’Ouest et Centrale pour promouvoir les sciences et technologies : « Il n’y a pas, à mes yeux, de meilleure façon de doper l’économie des pays africains, créer des emplois et soutenir la recherche, que de former de jeunes diplômés dans des filières très recherchées comme le génie chimique, l’agronomie, les sciences, la technologie, etc. », a ajouté Makhtar Diop.



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