Accroître à grande échelle la capacité de stockage : une priorité essentielle
L’objectif est d’avoir un barrage opérationnel en 2024. D’ici là, la gestion de l’alimentation en eau à Beyrouth demeure un réel défi, que l’afflux non prévu de plus d’un million de réfugiés syriens au Liban rend d’autant plus difficile à relever. Le déficit en eau, qui est déjà alarmant, se creuse davantage, tandis que les ressources hydriques du Liban sont sollicitées à l’excès, à l’instar des autres services publics.
« La crise des réfugiés nous a donné l’occasion de remédier à certaines difficultés structurelles du pays, notamment dans les secteurs de l’eau, de l’énergie, du transport et de l’éducation », explique Amal Talbi, responsable du programme de la Banque mondiale pour le secteur de l’eau au Liban. « Sous l’effet de l’accroissement soudain de la demande en eau, un cap a été franchi, tant sur le plan de l’innovation technologique que de l’approche intellectuelle. La régie publique de l’eau a maintenant recours à des technologies de suivi, à une gestion en temps réel et à un contrôle des fuites du réseau pour garantir aux habitants de Beyrouth une alimentation en eau 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Elle a aujourd’hui les moyens de prendre le contrôle du système et de réagir en temps réel ; elle gagne ainsi en agilité. »
Une des difficultés, pour l’EBML, était notamment de choisir une zone pilote pour tester de nouvelles méthodes. S’appuyant sur l’avis d’experts de la régie publique de l’eau maltaise, l’une des meilleures de la région, l’opérateur libanais a sélectionné une petite zone densément peuplée de Beyrouth. Cette zone expérimentale a été isolée, et alimentée en eau de manière continue, sans que les quartiers alentour soient privés de leur ration habituelle.
Il est plus efficace de détecter les fuites que de rationner l’eau
Les résultats ont dépassé toutes les attentes. Un suivi étroit a permis d’identifier l’origine des fuites d’eau, qui ont ensuite été dûment colmatées. Grâce à cette opération, le volume total nécessaire à une alimentation continue en eau était inférieur au volume d’eau quotidien correspondant à un rationnement de huit d’heures d’approvisionnement.
Joseph Nseir se dit optimiste. « Le résultat de ce projet pilote m’a convaincu d’élargir l’expérimentation. La zone couverte à présent couvre une superficie dix fois plus importante que la zone pilote et bientôt elle sera multipliée par cent », annonce-t-il. « Cette initiative montre que, lorsque nous disposerons d’un approvisionnement supplémentaire en eau grâce au barrage de Bisri, le Grand Beyrouth bénéficiera d’une alimentation continue, pendant toute l’année. » La population du Grand Beyrouth est estimée à un voire deux millions d’habitants.
Lors d’un récent déplacement dans la capitale libanaise, Guangzhe Chen, directeur principal du pôle Eau de la Banque mondiale, s’est rendu dans la zone pilote en compagnie de plusieurs bénéficiaires.
« Les progrès réalisés au Liban illustrent ce qui peut être accompli même dans des contextes fragiles », a-t-il déclaré. « L’eau est souvent source de tensions ou elle les exacerbe. C’est pourquoi garantir l’alimentation en eau est une étape essentielle pour lutter contre la pauvreté et restaurer la confiance des citoyens dans la capacité de l’État à assurer des services publics de base. »
Des Beyrouthins convaincus par la fiabilité de l’approvisionnement en eau
Déambulant dans les ruelles, Guangzhe Chen a demandé aux habitants ce qu’ils pensaient de l’approvisionnement en eau. Ceux-ci ont reconnu qu’ils avaient accueilli le projet avec scepticisme.
« J’ai pensé que c’était une erreur, que l’Établissement des eaux avait oublié de fermer le robinet !», témoigne une habitante. Et puis, elle a compris : « Ça m’a étonnée de voir que j’avais de l’eau, mais en y réfléchissant bien, je me suis dit que ça n’avait rien de surprenant, parce qu’on a de l’eau au Liban. Aujourd’hui, je peux dire “bonjour” avec insouciance, parce qu’une journée avec de l’eau, c’est effectivement une bonne journée. »
Avant ce programme pilote, les habitants devaient, en plus de la redevance annuelle versée à l’État, s’approvisionner auprès d’opérateurs de camions-citernes privés qui leur facturaient 20 dollars le mètre cube d’eau. Aujourd’hui, les usagers réalisent des économies qui sont à la mesure des sommes auparavant englouties dans l’achat d’eau en bouteille ou livrée par camion.