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Préserver les réserves d’eau du Liban avant que les puits ne se tarissent

30 septembre 2014


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Réservoir "Joune"

Claire Kfouri l Banque mondiale

« Ça y est, on a de l’eau ! », s’est écriée Umm Majd alors qu’elle vérifiait, depuis son balcon, que le bruit qu’elle venait d’entendre était bien celui de l’eau coulant dans les canalisations. Elle s’est alors précipitée dehors, comme ses voisines, avec tous les récipients possibles et inimaginables pour faire des réserves avant la prochaine coupure. Cela faisait huit jours qu’Umm Majd n’avait pas vu une goutte d’eau.

S’il est un sujet sur lequel tous les Libanais sont d’accord, c’est bien l’état catastrophique de leur approvisionnement en eau. Même l’électricité, qui connaît aussi son lot de pannes, n’est en général évoquée que pour savoir si le courant sera rétabli en même temps que l’eau — pour faire tourner une machine ou permettre à des opérateurs privés de remplir les réservoirs sur les toits.

Ahmad Sbeity tient une épicerie à Beyrouth. Pour lui, c’est un mystère qu’un pays comme le sien, réputé pour ses sources et ses rivières, puisse connaître des pénuries d’eau. Il dit dépenser chaque année environ 1 200 dollars pour se faire livrer de l’eau par camions-citernes, sans oublier les quelque 600 dollars qu’il paie pour l’eau en bouteilles. S’ajoute à cela le forfait annuel de 170 dollars que chaque ménage doit acquitter pour le réseau d’eau municipal. Et c’est comme cela qu’Ahmad consacre une part non négligeable de ses revenus à satisfaire un besoin essentiel : fournir de l’eau à sa famille.

Le Liban connaît depuis des années des pénuries d’eau récurrentes pendant l’été et l’automne mais, en 2014, la conjonction d’une sécheresse particulièrement grave et de l’arrivée de plus d’un million de réfugiés syriens (un choc pour les infrastructures du pays) a rendu le problème encore plus aigu. Le pays ne stocke que 6 % de ses ressources d’eau douce, un chiffre très en deçà de la moyenne des autres pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Résultat, une grande partie de cette précieuse ressource se perd dans la nature.

Les forages et les puits illégaux creusés par les habitants de la région du Grand Beyrouth, surtout pour alimenter leurs réservoirs privés, vont à terme exacerber la situation en épuisant les nappes phréatiques. On estime leur nombre à 20 000. Nabil conduit un camion-citerne. Il hésite à nous dire d’où provient l’eau avec laquelle il remplit les réservoirs d’un appartement de la capitale libanaise. Ceux qui en ont les moyens boivent de l’eau en bouteilles. Mais pour les 500 000 personnes ou presque qui vivent avec moins de 4 dollars par jour, la solution consiste à faire bouillir l’eau impure pour diminuer les risques.

Soucieuse d’aider le pays à lutter contre les pénuries d’eau, la Banque mondiale vient d’approuver un prêt de 474 millions de dollars au pays — le plus important à ce jour — afin de renforcer le réseau municipal. La Banque islamique de développement et le gouvernement du Liban fournissent un financement parallèle, à hauteur respective de 128 et 15 millions de dollars, portant ainsi l’enveloppe totale à 617 millions.

Le Projet d’augmentation de l’alimentation en eau potable bénéficiera à la région du Grand Beyrouth et du mont Liban, où vivent la moitié des 4 millions de Libanais. Il prévoit la construction du barrage du Bisri, dans le Sud du pays, d’une capacité de 125 millions de mètres cubes. Les réserves naturelles d’eau ainsi constituées pendant l’hiver et le printemps permettront d’alimenter les habitants durant l’été et l’automne. L’eau sera acheminée jusqu’à Beyrouth par simple gravité grâce à une conduite souterraine de 26 kilomètres de long, ce qui évitera les coûts de pompage. Elle sera traitée en cours de route.

Le Conseil du développement et de la reconstruction, l’organisme chargé de mettre en œuvre le projet, a réuni un panel international d’experts en sécurité des ouvrages hydrauliques — parmi lesquels certains des plus grands noms de l’hydrologie, de la sismologie et de la géologie —, qui a examiné toutes les dimensions du projet, de la conception au fonctionnement du barrage en passant par sa construction.

Conscient de l’acuité des facteurs environnementaux et sociaux, le gouvernement libanais empruntera des fonds afin de mettre sur pied un programme de partage des avantages pour les communautés impactées.




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