Q1 : Pourquoi y a-t-il des pénuries d’eau au Liban, alors que l’eau s’y trouve en abondance ?
La disponibilité de l’eau est tributaire de variations considérables, dues au climat et à la géographie du Liban : l’hiver, les inondations sont fréquentes ; l’été, la sécheresse sévit. Ces caractéristiques naturelles font que depuis longtemps l’eau est stockée pendant la période hivernale pour être utilisée en été. Jusqu’au début des années 1970, l’approvisionnement et le stockage de l’eau reposaient principalement sur les vastes nappes phréatiques du pays, qui parvenait à assurer une alimentation hydraulique régulière aux usagers.
Après la guerre civile, la situation s’est peu à peu dégradée, principalement sous l’effet d’une urbanisation rapide, d’infrastructures caduques et inefficaces et de retards pris dans les investissements et les réformes.
Plus de 20 000 puits illégaux ont ainsi été forés dans la seule région du Grand Beyrouth et du mont Liban. Les eaux souterraines étaient surexploitées, les nappes phréatiques ne pouvaient pas se reconstituer et la qualité de l’eau se détériorait. On ne stockait plus les eaux souterraines pour la saison sèche et on ne construisait plus d’infrastructures de stockage supplémentaires. La capacité de stockage des eaux de retenue au Liban (6 % du total de ses ressources en eau) est la plus basse de toute la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Outre la baisse des réserves hydriques, la vétusté du réseau d’adduction provoque des fuites qui s’élèvent à près de la moitié des volumes d’eau transportés et engendrent des pertes d’efficacité considérables. Les habitants doivent alors s’en remettre aux camions-citernes, aux puits illégaux et à l’eau en bouteille pour compléter leur approvisionnement en eau, à un coût souvent très onéreux.
Voilà pourquoi, en dépit de ressources relativement abondantes, les réserves d’eau sont largement gaspillées et le stress hydrique important. Pour réduire son déficit hydrique et limiter les pénuries, le Liban doit mieux gérer la demande, accroître sa capacité de stockage et mettre en œuvre des réformes institutionnelles pour que le secteur de l’eau soit plus robuste et plus efficace. Une stratégie à laquelle le nouveau Projet d’augmentation de l’alimentation en eau potable contribuera de manière capitale, puisqu’il va consister à accroître la capacité de stockage de l’eau, à apporter une assistance technique aux institutions du secteur et à compléter d’autres interventions déjà en cours sur le front de la gestion de la demande et de l’accroissement de l’offre.
Q2 : N’existe-t-il pas des approches plus simples et moins coûteuses pour augmenter l’alimentation en eau ?
Depuis le début des années 1960, les autorités du Liban ont réfléchi à la façon d’améliorer l’alimentation en eau dans le Grand Beyrouth et ont passé en revue de nombreuses options. En 2012, elles ont validé la Stratégie nationale pour le secteur de l’eau, un plan exhaustif et intégré visant à l’élargir l’accès à l’eau et à l’irrigation et prévoyant des mesures clés en matière de gestion de la demande : i) la réhabilitation et le remplacement du réseau d’adduction ; ii) le contrôle de la consommation de l’eau par l’installation de compteurs et ; iii) une meilleure sensibilisation à la préservation des ressources en eau. La plupart de ces mesures sont déjà en cours de mise en œuvre dans le cadre du Projet d’approvisionnement en eau du Grand Beyrouth (également appelé projet Awali), qui finance notamment le remplacement de 400 kilomètres de canalisations défectueuses.
Le gouvernement libanais a demandé une analyse détaillée des solutions possibles, qui a donné lieu à l’examen des aspects techniques, économiques, environnementaux et sociaux de quatre projets de barrages et de plusieurs autres options portant plutôt sur l’amélioration de la gestion des nappes phréatiques, le dessalement, la gestion de la demande ou le recyclage des eaux usées après traitement. Finalement, c’est la construction d’un barrage à Bisri et de ses infrastructures connexes qui a été retenue comme étant la meilleure solution à mettre en œuvre pour poursuivre le programme d’investissements et de réformes destinés à améliorer les services d’adduction d’eau dans l’ensemble du pays.
Q3 : Pourquoi privilégier la région du Grand Beyrouth ?
La Stratégie nationale pour le secteur de l’eau prévoit d’améliorer les services dans toutes les régions du Liban. La plupart de ces projets sont en cours.
La région du Grand Beyrouth et du mont Liban abrite la moitié de la population libanaise (environ 2,2 millions de personnes), une population majoritairement pauvre qui vit avec moins de 4 dollars par jour. Dans cette seule région, on dénombre plus de 20 000 puits illégaux. L’eau ainsi prélevée est utilisée à des fins de consommation alors qu’elle est souvent de mauvaise qualité. La région est également le centre économique du pays et a connu une forte augmentation démographique ces dernières décennies.
Aujourd’hui, les habitants de cette région ne sont alimentés en eau que trois heures par jour en saison sèche, ce qui nuit à l’économie, à l’environnement et aux dépenses des ménages. Ces facteurs ont beaucoup pesé dans la décision du gouvernement de mettre en œuvre ce projet de transformation, en parallèle avec les projets et réformes figurant dans la Stratégie nationale pour le secteur de l’eau.
Q4. Quelle hauteur fait le barrage ? Quelle est sa capacité et où est-il situé ?
Le barrage fait 73 mètres de haut et peut stocker 125 millions de mètres cubes d’eau. Il deviendra le deuxième ouvrage hydraulique le plus important au Liban, après celui de Karoun. Il se remplira lors des mois d’hiver et sera exploité pendant l’été et l’automne. L’axe du barrage est situé directement en amont du village de Bisri.
Q5 : Combien de temps prendra la construction du barrage ?
La construction du barrage prendra cinq ans. Le projet s’étendra sur neuf ans afin de couvrir les travaux préalables à la construction et les deux premières années de fonctionnement et d’entretien.
Q6 : L’eau stockée sera-t-elle propre ?
Les réserves en eau du barrage de Bisri seront traitées dans la station d’épuration d’Ouardaniyeh, en cours de construction dans le cadre du projet Awali mentionné précédemment. Le réservoir de Bisri fera également l’objet d’un suivi régulier et la construction de nouveaux égouts en amont du barrage permettra d’acheminer les eaux usées directement vers les stations d’épuration, dans des bassins d’alimentation situés en amont du barrage.
Q7 : Comment l’eau sera-t-elle acheminée jusqu’à Beyrouth ? En quoi ces interventions sont-elles liées au projet Awali ?
La conduite souterraine qui permettra d’acheminer l’eau du barrage de Bisri, ainsi que la station d’épuration qui permettra de la traiter et les citernes qui permettront de la stocker sont actuellement en cours de construction dans le cadre du projet Awali. L’eau s’écoulera par gravité et n’entraînera aucun coût de pompage.
Le projet Awali, en partie financé par la Banque mondiale, est essentiel : il permettra de satisfaire à court terme les besoins en eau potable de la région du Grand Beyrouth et du mont Liban.
Plusieurs études indépendantes reconnaissent le statut autonome du projet Awali qui ne nécessite pas l’ajout d’un barrage pour assurer sa faisabilité sur le plan économique et technique. Cependant, la demande ne sera satisfaite qu’à court terme. Avec le barrage de Bisri, le gouvernement libanais complète en amont les infrastructures prévues par le projet Awali et garantit ainsi aux habitants de la région un accès plus durable (moyen et long termes) aux services de l’eau.
Q8 : Le barrage est-il sûr ? On dit que le site choisi se trouve dans une zone à fort risque sismique.
Pour des barrages importants, la Banque mondiale exige la constitution d’un panel international d’experts spécialisés dans la sécurité des ouvrages hydrauliques. Ce panel est chargé d’examiner la conception du barrage du point de vue technique et de la sécurité. La Banque mondiale ne finance la construction d’un barrage qu’en cas d’avis positif du panel.
Le Conseil de développement et de reconstruction (CDR), qui est l’organisme d’exécution du projet, a recruté quatre experts de renom dans les domaines de l’ingénierie, la géologie, l’hydrologie et la sismologie. Ces spécialistes internationaux ont travaillé sur des projets de barrage partout dans le monde. Après évaluation des études liées à la sûreté du barrage de Bisri (notamment pour les risques sismiques), le panel a confirmé que toutes les précautions nécessaires avaient été prises, dans le respect des meilleures pratiques internationales.
Q9 : À qui bénéficiera cet approvisionnement d’eau plus abondant et de meilleure qualité ?
Le projet profitera à 1,6 million d’habitants de la région du Grand Beyrouth et du mont Liban, et tout particulièrement aux 460 000 personnes vivant avec moins de 4 dollars par jour (ce qui correspond au seuil de pauvreté national). Les bénéficiaires du projet observeront une hausse des volumes d’eau potable mis à leur disposition par les opérateurs publics, à un coût réduit.
Au cours de la phase d’élaboration du projet, une enquête, qui a concerné 1 200 foyers bénéficiaires, a confirmé que les ménages consacraient jusqu’à 15 % de leur budget à l’alimentation en eau de leur foyer, soit une proportion fortement supérieure aux normes mondiales en la matière. Pour les familles à faible revenu et les populations pauvres, il est d’ailleurs plus difficile et plus coûteux d’accéder à ces services, parce qu’elles limitent souvent leurs achats en eau auprès des vendeurs privés et ont recours aux puits publics et à une eau de moindre qualité. Avec ce projet, l’eau sera disponible en plus grande qualité et à moindre coût.
Q10 : En quoi la construction du barrage de Bisri sera-t-elle profitable aux habitants alentour ?
Les pouvoirs publics se sont conformés aux meilleures pratiques internationales afin que le projet bénéficie aux riverains du barrage. Le Projet d’augmentation de l’alimentation en eau potable prévoit donc trois mesures destinées à limiter ses répercussions sur la population locale :
1. les entrepreneurs seront tenus d’employer en priorité une main-d’œuvre locale issue des communautés affectées, afin d’accroître les opportunités d’emploi tout au long de la phase de construction (5 ans) ;
2. un fonds spécial sera mis en place pour financer les activités, les équipements et les matériaux voulus ou nécessaires aux communautés (ce fonds, qui sera exclusivement réservé aux villages et communautés affectés par le chantier, est financé par le projet) ;
3. l’expropriation et la réinstallation des populations s’effectueront conformément au Plan de réinstallation des populations, ce document venant optimiser les procédures libanaises d’expropriation des terres.
Q11. Les bénéficiaires paieront-ils plus cher leur eau du fait de ce nouveau projet ?
Les Libanais consacrent jusqu’à 15 % de leurs revenus à l’achat d’eau (camions-citernes, puits et bouteilles), un taux beaucoup plus élevé que la moyenne internationale. Avec ce nouveau projet, les ménages bénéficieront d’un réseau d’adduction public pour une eau de meilleure qualité. Ils ne seront plus tributaires d’autres sources d’eau et la part des dépenses imputables à l’eau s’en trouvera considérablement réduite.
Q12 : Les populations auront-elles à attendre la fin des travaux pour bénéficier d’une alimentation en eau améliorée ?
Le Liban a entrepris une série d’investissements prioritaires dans le secteur de l’eau, dont la plupart sont en cours de réalisation. À court terme, le projet Awali répondra aux besoins en eau potable de la région du Grand Beyrouth et du mont Liban, en acheminant l’eau du réservoir de Joun jusqu’à la capitale libanaise au moyen de conduites souterraines, d’une station d’épuration et d’un réseau de canalisations qui desservira toute la ville.
Mais le projet Awali ne pourra satisfaire à la demande en eau sur le long terme. L’ajout du barrage de Bisri en amont des infrastructures prévues par le projet Awali permettra donc de garantir l’approvisionnement en eau de la région à moyen et long termes.
Q13 : Combien de personnes seront concernées par les expropriations ? Comment évaluer le montant de leur indemnisation ?
Le nombre total des parcelles concernées par les expropriations s’élève à 869. Plus de 80 % des propriétaires fonciers vivent hors de ces terres et résident pour beaucoup à l’étranger.
Conformément aux règles en vigueur en Liban, des comités d’expropriation indépendants évalueront le prix des parcelles. Les propriétaires seront ensuite invités à se manifester afin de percevoir les indemnités qui leur reviennent (celles-ci sont détenues sur un compte à vocation spéciale). Le Plan de réinstallation des populations fournit tous les détails des procédures d’expropriation et d’indemnisation.
Q14 : Comment atténuer les incidences environnementales et sociales du barrage ?
La Banque mondiale, de même que ses partenaires, attache une importance primordiale à l’atténuation des risques sociaux et environnementaux liés à la construction et au fonctionnement des grands ouvrages hydrauliques. Ce projet a fait l’objet d’une évaluation d’impact environnemental et social, qui a été effectuée en concertation avec les organismes publics, la société civile, le secteur privé et la population locale, et approuvée par le ministère de l’Environnement. Un Plan de réinstallation des populations a également été élaboré qui détaille les modalités d’expropriation foncière et de réinstallation. Ces deux documents sont accessibles au grand public à l’adresse www.cdr.gov.lb.
Le projet comprend en outre un plan détaillé de gestion environnementale et sociale qui préconise des actions spécifiques pour atténuer les effets identifiés du projet sur l’environnement et la société ; ce plan est disponible dans l’évaluation d’impact environnemental et social.
Conformément aux politiques de sauvegarde de la Banque mondiale, les autorités libanaises procéderont au recrutement d’un panel indépendant d’experts en environnement et société pour contrôler la mise en œuvre de ce plan. Dans le cadre de la supervision du projet, la Banque mondiale accordera une attention toute particulière aux travaux et aux conclusions du panel.