Selon le philosophe chinois Lao Tseu, si vous ne changez pas de direction, vous pourriez bien vous retrouver exactement là où vous vous dirigez... La région du Moyen-Orient Afrique du Nord (MENA) a amorcé le difficile processus du changement de direction, sous la pression de ses habitants qui entendent peser davantage sur leur propre avenir. La destination finale de la région est encore loin d’être certaine, mais les réformes en cours dans le domaine de la « hakama » (« gouvernance » en arabe) seront essentielles pour fixer le nouveau cap.
Le vent de changement émanant du Printemps arabe a aussi soufflé jusqu’à Washington, où le Groupe de la Banque mondiale a admis l’importance cruciale d’une gouvernance ouverte et inclusive pour répondre aux attentes de la population et réaliser les deux objectifs que sont le recul de la pauvreté et la prospérité partagée. En faisant de la gouvernance l’un des piliers stratégiques d’un nouveau cadre de participation, la Banque soutient activement les transitions et les réformes actuelles qui visent à accroître la transparence, la responsabilité et la participation citoyenne.
Dans les pays de la région MENA, la faiblesse de la gouvernance a nui à l’efficacité des politiques publiques et des réformes parfois bien intentionnées. C’est en partie pour cette raison que l’intervention massive de l’État et les investissements publics substantiels n’y ont pas produit les résultats socioéconomiques escomptés. Les lacunes de la gouvernance locale ont exposé les institutions et les services publics clés à une mainmise par certains intérêts et à la corruption, sapant les règles de jure, au profit de règles de facto qui sont fondées sur des relations et des privilèges.
Néanmoins, les transitions actuelles offrent une opportunité unique de mettre en place les politiques et les transformations structurelles nécessaires pour favoriser une gouvernance plus ouverte et inclusive, centrée sur le citoyen et dans laquelle celui-ci pourra jouer un rôle vital. Des pays comme le Maroc, la Tunisie et le Yémen ont lancé des réformes destinées à améliorer leur cadre de gouvernance via des contre-pouvoirs plus puissants et des institutions reposant sur des règles. Le Maroc a largement amendé sa Constitution, la Tunisie a organisé ses premières élections libres et équitables, et le Yémen a adopté une importante loi sur la liberté d’information.
Pour autant, la refonte de la gouvernance ne se concrétisera pas du jour au lendemain. La tâche est immense, imposant à la fois à la population et aux pouvoirs publics de s’adapter et de se conformer à un ensemble entièrement nouveau de droits et de responsabilités. Il ne suffit pas d’élaborer des lois et des politiques nouvelles, il faut aussi les appliquer. Afin d’accompagner ces transitions et ces réformes, la Banque mondiale a lancé une série de programmes novateurs et s’appuie sur de multiples ressources pour aider la région à relever le défi.
Au Maroc, le prêt à l'appui des politiques de développement pour la transparence et la responsabilité, baptisé « Hakama » et approuvé par le Conseil des Administrateurs de la Banque le 29 octobre 2013, appuie des mesures nouvelles qui jettent les bases d’une gouvernance plus ouverte. Il s’agit de promouvoir la transparence budgétaire, l’accès à l’information, la concertation publique et le droit de pétition. Les citoyens disposeront ainsi des instruments leur permettant d’exercer leurs nouveaux droits et de contribuer activement à la prise de décisions. De même, ce programme encourage l’instauration de la budgétisation à la performance, de façon à ce que le Parlement et la population puissent demander des comptes à l’État sur l’allocation et l’utilisation des ressources publiques. Cette réforme structurelle a également pour finalité d’améliorer la reddition de comptes interne au sein de l’administration publique, tout au long de la chaîne des services. Le Fonds pour la transition dans la région MENA consacre des moyens essentiels au soutien de la mise en œuvre de ces changements, grâce au transfert du savoir, au renforcement des capacités et à la formation.
En Tunisie, la Banque apporte une aide effective en faveur d’une gouvernance ouverte, qui vise à rompre avec la tradition du secret et du pouvoir discrétionnaire en proposant des prêts à l’appui des politiques de développement, ainsi qu’une assistance technique. Ce programme soutient tout particulièrement les dimensions législatives, institutionnelles et opérationnelles de l’accès à l’information. Le cas de la Tunisie montre clairement qu’une refonte du cadre juridique qui ne s’accompagne pas de changements institutionnels et d’une formation adéquate ne saurait garantir la réussite. Les réformes structurelles appellent une participation large et durable, qui tire parti des efforts de la société civile comme de ceux des autres partenaires au développement. Le premier projet financé par le Partenariat mondial pour la responsabilité sociale (GPSA) s’attache précisément au renforcement des capacités du côté de la demande. Il est axé sur le développement des moyens dont disposent les organisations de la société civile, dans l’optique d’accroître l’interaction avec le gouvernement ainsi que la responsabilité sociale. On espère que cette expérience positive pourra être reproduite au Maroc, qui vient d’adhérer au GPSA.
Une nouvelle direction a été définie, et la Banque déploie tout l’éventail de ses ressources et de son savoir-faire pour éviter que la région n’opère un retour en arrière.