WASHINGTON, le 5 août 2013 - De nombreux pays en développement importent des pesticides pour augmenter leur production agricole et lutter contre les maladies vectorielles telles que le paludisme. Mais après un certain temps, ces produits deviennent inutilisables et dangereux. Aujourd’hui en Afrique subsaharienne, plus de 50 000 tonnes de pesticides périmés dégradent l’environnement. Ces produits polluants peuvent causer des cancers, des allergies, des troubles de la reproduction, des dérèglements immunitaires et des lésions du système nerveux.
En 2005, le Fonds pour l’environnement mondial (FEM) a débloqué 25 millions de dollars pour éliminer ces stocks en Afrique du Sud, en Éthiopie, au Mali, en Tanzanie, et en Tunisie . À ce jour, 3 310 tonnes de produits dangereux ont été évacuées de 897 sites dans le cadre du Programme d’élimination des stocks de pesticides périmés en Afrique (ASP).
Un poison lent pour les populations
« En Éthiopie, les stocks de pesticides périmés sont un gros problème en zone urbaine», affirme Asferachew Abate, responsable du programme ASP de la Banque mondiale en Éthiopie. « L’un des sites de stockage se trouve juste à côté du lycée de Tesfa à Addis-Abeba, ce qui a eu des conséquences graves pour les enseignants et les lycéens ».
Les élèves scolarisés ici se souviennent des nuages de produits chimiques toxiques qui se formaient lorsqu’il pleuvait sur les stocks de pesticides entassés sous le toit de tôle percé de l’entrepôt délabré. De vieux sacs de malathion empilés jusqu’au plafond laissaient échapper leur contenu qui s’infiltrait dans le sol.
Le personnel du lycée a signalé des troubles respiratoires, des malaises et diverses maladies, et par conséquent, un absentéisme important. L’odeur dégagée par ces produits chimiques toxiques était tellement forte que les amis et parents des habitants du quartier refusaient de venir leur rendre visite, de peur de tomber malade.
« A présent, tout va bien ! L’odeur a disparu et nous pouvons poursuivre nos études sans risquer de tomber malade », témoigne Mekdese Hailu, élève en classe de 5ème au Lycée de Tesfa.
Grâce au programme ASP, des dizaines d’entrepôts comme celui-ci ont été vidés. Au total, l’Éthiopie a pu se débarrasser de 450 tonnes de pesticides dans le cadre de l’ASP tandis que grâce à une initiative multi-donateurs, 2 500 tonnes de pesticides périmés et 1 000 tonnes de sol contaminé provenant de plus de 1 100 sites ont été éliminés au cours des 15 dernières années.
Ces stocks de produits chimiques périmés sont une grave menace pour l’environnement et les populations des pays en développement. La plupart d’entre eux, comme le DDT, sont des polluants organiques persistants (POP) qui s’accumulent dans les tissus adipeux des organismes et entraînent de nombreux problèmes de santé. Depuis l’adoption de la Convention de Stockholm sur les POP, en 2001, l’utilisation de certains de ces produits a été soit interdite soit strictement limitée. Dans la plupart des cas, ces stocks s’étaient accumulés lorsque le pays s’était approvisionné en pesticides pour lutter contre les invasions de criquets pèlerins dans la région. Puis plusieurs facteurs ont contribué au problème actuel : stocks de pesticides mal entreposés et mal gérés, produits inefficaces, mauvaise coordination des dons ou achats de pesticides et pratiques abusives de certains fournisseurs poussant à l’achat.
L’élimination des stocks, un véritable parcours du combattant
Au cours des 15 dernières années, plusieurs donateurs ont financé des projets destinés à éliminer méthodiquement ces produits chimiques toxiques en Afrique. En Éthiopie, le programme ASP a contribué à liquider des stocks de pesticides supplémentaires et, en concertation avec les autorités, à mettre en place des mesures de prévention pour que le problème ne se reproduise pas. Dorénavant, une directive nationale permet d’estimer les besoins annuels du pays en matière de pesticides. En outre, le Ministère de l’Agriculture est en train de terminer la construction d’un laboratoire ultramoderne qui permettra de tester les pesticides pour évaluer leur efficacité et l’effet de leurs résidus sur les produits alimentaires et dans le sol et l’eau.
La sensibilisation des populations aux problèmes de santé causés par les pesticides est l’un des volets clés du programme ASP. Celui-ci a financé une campagne d’information multimédia pour conseiller aux populations comment acheter et utiliser les pesticides et prévenir les risques de maladies.
Un espoir pour l’avenir
« Le Programme d’élimination des stocks de pesticides périmés en Afrique est un bon exemple de projet ayant un impact positif dans toute une région. » selon Magda Lovei, Directrice sectorielle pour l’environnement, les ressources naturelles, l’eau et la gestion des risques de catastrophe à la Banque mondiale. « Les leçons tirées de cette expérience serviront à d’autres pays sortant de conflits, tels que le Mali et la Côte d’Ivoire, et qui sont prioritaires dans le programme de travail de la Banque mondiale en Afrique».
L’élimination de ces stocks dangereux est une priorité pour le développement. Les communautés rurales ne peuvent prospérer si le sol et l’eau, dont leurs activités et leur santé dépendent, sont contaminés par des pesticides. Il en est de même pour les habitants des villes qui ne peuvent prétendre à une vie meilleure s’ils souffrent de maladies graves provoquées par des pesticides toxiques.
En partenariat avec le FEM et d’autres donateurs, la Banque mondiale poursuit ses efforts pour assainir et protéger l’environnement en Afrique.