Principaux messages :
- Entre 2001 et 2014, la pauvreté a régressé de manière substantielle au Maroc. Le taux de consommation par habitant a progressé au rythme annuel de 3,3 % (et 3,9 % pour le quintile le plus pauvre), tandis que la pauvreté monétaire et la vulnérabilité ont respectivement diminué de 4,8 et 12,5 %.
- L’amélioration des niveaux de vie se traduit également par une évolution des modes de consommation, avec une diminution de la part de l’alimentation et une diversification en faveur d’aliments à plus forte valeur nutritionnelle.
- La croissance a profité aux pauvres mais les écarts de taux de pauvreté entre les villes et les campagnes restent importants. Entre 2007 et 2014, la hausse de la consommation des ménages dans les quintiles inférieurs a été positive et supérieure à la moyenne. Cette hausse a par ailleurs été plus marquée dans les zones urbaines que dans les zones rurales. Le taux de pauvreté urbain a diminué plus vite que la moyenne nationale, puisqu’il ne représentait plus qu’un tiers du taux national en 2014, contre la moitié en 2001.
- À l’échelle infranationale, l’évolution des niveaux de vie entre 2001 et 2014 atteste d’une convergence entre les douze régions administratives du royaume, même si le rythme d’atténuation des écarts régionaux n’a pas été identique partout. Le coefficient de convergence révèle que les niveaux de vie dans les régions les moins riches se sont améliorés plus rapidement que dans les régions les plus riches. Ainsi à Fès-Meknès et dans la région de l’Oriental, cette convergence a été marquée, contrairement à Drâa-Tafilalet et Beni Mellal-Khénifra, où le processus a été plus lent. Il est d’ailleurs loin d’être achevé : au rythme annuel de 4 %, la réduction de moitié des disparités régionales initiales pourrait prendre encore 24 ans.
- Globalement, les inégalités se sont légèrement atténuées mais pas dans toutes les régions. Le coefficient de Gini s’est quelque peu amélioré entre 2001 et 2014, de 40,6 à 39,5, sous l’effet de deux tendances qui se sont contrebalancées : convergence entre les régions en termes de développement et aggravation des inégalités régionales dans certaines régions. Les inégalités se sont de fait creusées dans certains cas (comme dans les régions de Rabat-Salé-Kénitra, de 39,9 à 44,2, et du Sud, de 35 à 40,2) tandis qu’elles ont reculé dans d’autres (Casablanca, Marrakech-Safi et Souss-Massa).
- Si la croissance a contribué à faire reculer la pauvreté dans toutes les régions, son impact sur les inégalités a varié d’une région à l’autre. La réduction de la pauvreté est à imputer principalement à la hausse de la consommation des ménages : selon certaines simulations, 90 % environ de ce recul s’expliquent par la croissance, contre seulement 10 % par une légère diminution des inégalités.
- Malgré des résultats positifs sur le front de la réduction de la pauvreté, le Maroc reste confronté à un niveau élevé de pauvreté subjective, surtout dans les zones rurales. Le clivage prononcé entre pauvreté subjective et pauvreté monétaire est un phénomène fréquent dans les pays en développement, qui révèle la complexité même du concept de pauvreté. À l’échelon du pays, le taux de pauvreté ressentie (la part des ménages se considérant comme pauvres) a augmenté entre 2007 et 2014, de 41,8 à 45,1. La hausse la plus forte, de 15 %, concerne les zones rurales, où ce taux ressort à 54,3 % — ce qui signifie que plus de la moitié des ruraux se considèrent comme pauvres. Les proportions sont identiques chez les femmes (55,3 %) et chez les jeunes de moins de 25 ans (57,6 %). Globalement, 39,3 % des ménages considèrent que la pauvreté a augmenté tandis que 63,9 % estiment que les inégalités se sont creusées. Cette perception contraste avec le recul de la pauvreté monétaire et les bonnes performances du PIB agricole.