BRAZZAVILLE, le 20 septembre 2018 – Pays tropical d’Afrique centrale dont l’économie repose essentiellement sur l’exploitation pétrolière malgré une grande diversité de ressources naturelles et minières, la République du Congo traverse une période difficile. « Le modèle économique du Congo est insoutenable. La stratégie procyclique qui a consisté à dépenser immédiatement la manne pétrolière sans mécanismes de priorisation et de contrôle crédibles des dépenses n’a pas permis de faire face à la volatilité des prix du pétrole. » explique Samba Ba, économiste principal à la Banque mondiale et auteur du dernier Rapport sur la situation économique en République du Congo.
Une conjoncture marquée par la faible performance du secteur non pétrolier
Intitulé « Changer de cap et prendre son destin en main », le rapport constate que la croissance économique continue à se contracter pour la deuxième année consécutive et devrait atteindre le taux négatif de -3,1 % en 2017 contre -2,8 % en 2016. Cette contre-performance s’explique par la persistance des effets de la crise économique sur le secteur hors pétrole qui s’est contracté de nouveau à -7,9 %, contrairement au secteur pétrolier qui, lui, a bénéficié de la hausse de 15,3 % de la production nationale et de la remontée des cours.
La combinaison de facteurs socio-économiques importants a aussi contribué à fragiliser le tissu économique. Les violences dans le département du Pool, entre 2016 et 2017, ont profondément affecté le fonctionnement de la Société des chemins de fer Congo-Océan (CFCO) en interrompant le transport ferroviaire entre Pointe-Noire et Brazzaville.
Le rapport s’inquiète aussi du niveau élevé de la dette publique congolaise estimée aujourd’hui à 117,9 % du PIB. En dépit des réformes en cours pour réduire les dépenses publiques, les engagements de l’État demeurent importants, accroissant les arriérés de paiement vis-à-vis du secteur privé et le surendettement.
Par ailleurs, le pays n’est toujours pas parvenu à reconstituer ses réserves en devises qui avaient vu leur niveau baisser pour ne couvrir que moins d’un mois d’importations.
Des perspectives assez favorables mais un modèle économique insoutenable
Sur une note plus positive, le rapport relève que les déficits budgétaires ont sensiblement reculé, de presque 12 points de pourcentage du PIB entre 2016 et 2017, à la suite du resserrement de la dépense publique qui a diminué de près de 27 % entre 2016 et 2017 alors que les recettes n’ont baissé que de 8 % sur la même période. Cette embellie tient aux mesures de politique économique qui ont commencé à porter leurs fruits, avec le recul de l’inflation et la réduction de l’ampleur des déficits jumeaux (finances publiques et comptes extérieurs).
La production pétrolière devrait croître en moyenne de 8,4 % sur la période 2018-2020, malgré le déclin attendu en 2020. Par ailleurs, la perspective d’un programme soutenu par le Fonds monétaire international (FMI) permettrait à la République du Congo de bénéficier aussi des appuis budgétaires de la Banque mondiale, de la BAD et de la Coopération française afin de mettre en œuvre des mesures correctrices.
La situation économique reste néanmoins fragile selon le rapport qui préconise un ensemble cohérent et coordonné de réformes au cours des trois prochaines années. « La réussite de ces réformes apporterait une complémentarité et une synergie à la bonne tenue de la production pétrolière pour ramener la confiance parmi les investisseurs, relancer la production hors pétrole et rétablir les équilibres macroéconomiques rompus depuis 2014 », commente Etaki Wa Dzon, économiste et co-auteur du rapport.
Comment transformer l’économie ?
Le rapport formule enfin quelques recommandations pour changer de cap et s’éloigner d’un modèle économique jugé insoutenable. Il suggère entre autres de lancer des réformes sectorielles de fond en se concentrant sur l’amélioration du cadre réglementaire et institutionnel en faveur du secteur privé non-pétrolier ; la diversification de l’économie, notamment dans l’industrie légère ; la réorientation des travailleurs des secteurs peu productifs vers ceux ayant une productivité élevée. Cela passera par un meilleur accès à une éducation de meilleure qualité, susceptible de transmettre les compétences recherchées sur le marché de l’emploi.
Ainsi, « la combinaison d’un programme économique et financier rigoureux et d’appuis budgétaires qui mettent l’accent sur les réformes sectorielles pour relancer la croissance et préserver les secteurs sociaux, devrait contribuer à rétablir les équilibres internes et externes », conclut Korotoumou Ouattara, représentante résidente de la Banque mondiale en République du Congo.