YAOUNDÉ, le 26 septembre 2013— Le Cameroun, pays d’Afrique centrale qui ambitionne de devenir une économie émergente d’ici 2035, devra favoriser l’accès des populations les plus démunies aux services de santé s’il veut s’engager sur la voie d’une croissance durable. Tel est le diagnostic établi par les « Cahiers économiques du Cameroun », publication semestrielle de la Banque mondiale destinée à susciter un dialogue sur les perspectives du pays, dans cette sixième édition consacrée à la santé.
Car si le pays recense deux fois plus de médecins (1,9 pour 1000 habitants) que le minimum recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ses indicateurs de santé sont paradoxalement à la traîne. L’espérance de vie des Camerounais a baissé d’environ deux ans depuis 1990 alors qu’elle a augmenté de cinq ans en moyenne dans le reste de l’Afrique subsaharienne. Et le Cameroun est également l’un des pays au monde où le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans (122 décès pour 1000 naissances vivantes) a le moins diminué.
Pourtant, le Cameroun consacre paradoxalement plus d’argent aux dépenses de santé que le reste de l’Afrique subsaharienne (hors Afrique du Sud) : 61 dollars par habitant contre 51 dollars en moyenne. Mais ce sont les Camerounais eux-mêmes qui assument la plus grande partie de ce fardeau financier. « Sur ces 61 dollars, l’État ne finance que 17 dollars (dont 8 proviennent des bailleurs de fond). En conséquence, la somme que les ménages doivent débourser pour financer leurs dépenses de santé est extrêmement élevée», explique Raju Jan Singh, économiste en chef pour l’Afrique centrale à la Banque mondiale et auteur principal de ce rapport. «Il existe donc une forte corrélation entre les indicateurs de santé et les indicateurs de revenus, les ménages les plus aisés ou les régions les plus riches ayant un meilleur accès aux services de santé», ajoute-t-il.
Un système peu équitable
Ainsi, constate le rapport, plus une femme est riche, plus elle a de chances d’accoucher avec l’assistance d’un professionnel qualifié, alors qu’au sein des communautés pauvres et rurales, les femmes et les nouveau-nés sont au contraire exposés à un risque de décès beaucoup plus élevé. Les disparités géographiques sont criantes : 40% des médecins du pays exercent dans la région du centre (qui comprend Yaoundé, la capitale) où ne vit pourtant que 18% de la population. En revanche, l’extrême nord qui représente également 18% de la population du pays n’emploie que 8% des médecins.
Pourquoi constate-t-on des écarts aussi marqués selon l’emplacement géographique et le statut économique ? Parce que l’achat direct de services de santé à la demande est un facteur d’inégalité dans la mesure où il dépend des moyens financiers de l’intéressé, souligne la dernière édition des « Cahiers économiques du Cameroun ». « Le personnel de santé a donc tout intérêt à travailler en milieu urbain où les gens ont des salaires plus élevés et où les chances de promotion sont de surcroît plus grandes que dans les zones rurales », précise Gaston Sorgho, spécialiste de la santé à la Banque mondiale et co-auteur de ce rapport. « Quelle que soit leur condition sociale, les Camerounais paient le prix fort pour des soins souvent inadéquats et le pays ne dispose pas de mécanismes de partage des risques de type assurance-maladie ce qui perpétue la pauvreté», ajoute-t-il.