WASHINGTON, 10 décembre 2015 – Les villes représentent l’avenir. Elles concentrent les populations et les activités, et peuvent constituer des creusets de la croissance et de l’innovation. Mais les villes sont également des foyers de pauvreté et, bien trop souvent, de chômage. La clé pour libérer leur potentiel réside en partie dans l’amélioration de leur compétitivité, et l’enjeu est donc de transformer les villes aux performances moyennes en des centres urbains prospères qui favorisent la croissance des entreprises et des industries, et font grimper la productivité et les revenus.
Cet enjeu est au cœur d’un nouveau rapport intitulé Competitive Cities for Jobs and Growth: What, Who, and How et dont le principal message est que l’amélioration de la compétitivité des villes peut contribuer à éliminer l’extrême pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée pour tous les citoyens. La nouvelle publication est le fruit des travaux menés depuis janvier 2014 par une équipe du Groupe de la Banque mondiale et axés sur deux questions fondamentales : comprendre ce qui rend une ville compétitive et comment aider davantage de villes à le devenir.
« Nous avions la sensation que tout le monde a un avis sur les villes et le développement économique — il s’agit, de fait, de sujets excitants, pressants et complexes », explique Stefano Negri, spécialiste principal du développement du secteur privé. « Toutefois, rares sont les personnes capables de fournir des données probantes ou, mieux encore, des données pratiques qui soient exploitables à l’avenir par les décideurs. C’est l’objectif que nous nous sommes fixé. »
Sur les 750 villes du monde entier qui ont été analysées dans le cadre du rapport, les trois quarts ont connu une croissance supérieure à leur économie nationale depuis le début des années 2000.
Si plus de villes réussissaient le pari de la compétitivité, plusieurs millions d’emplois supplémentaires pourraient être créés chaque année. Et le secteur privé est au centre de cette croissance potentielle, sachant qu’il génère environ 75 % des créations d’emplois. Aussi les dirigeants municipaux doivent-ils adopter des mesures et réformes politiques qui contribuent à attirer, retenir et développer le secteur privé.
À quoi ressemble une « ville compétitive » ?
En s’appuyant sur des données portant sur la période 2005-2012, le rapport identifie un certain nombre de caractéristiques communes aux villes les plus compétitives :
- Croissance économique accélérée : les 10 % des villes les plus compétitives ont enregistré une croissance de 13,5 % de leur produit intérieur brut (PIB) annuel par habitant, contre 4,7 % pour les villes aux performances moyennes.
- Croissance spectaculaire de l’emploi : ces mêmes villes ont connu une croissance annuelle de l’emploi de 9,2 %, contre 1,9 % pour les 90 % restantes.
- Hausse des revenus et de la productivité : dans les 10 % des villes les plus compétitives, on constate une croissance annuelle de 9,8 % du revenu moyen disponible des ménages.
- Attraction des investissements directs étrangers (IDE) : les 5 % des villes les plus compétitives ont attiré autant d’IDE que l’ensemble des 95 % restantes.
S’il n’existe pas de formule unique pour devenir une ville compétitive, on peut dégager des schémas communs permettant d’optimiser les performances économiques. Ces caractéristiques peuvent servir de guide aux villes qui sont en train de concevoir et d’exécuter leurs propres stratégies de développement économique.
Quelles villes sont compétitives ?
Le rapport révèle que l’on ne trouve pas seulement des villes compétitives parmi les métropoles les plus connues, les capitales ou les grands centres de commerce. En réalité, ce sont généralement des villes secondaires en phase d’industrialisation rapide : Saltillo au Mexique, Meknès et Tanger au Maroc, Coimbatore en Inde, Gaziantep en Turquie, Bucaramanga en Colombie, Onitsha au Nigéria ou encore Changsha en Chine.
La réussite de ces villes n’allait pas de soi, et beaucoup se trouvaient même dans des situations qui les désavantageaient (villes enclavées ou situées dans une région sous-développée du pays, par exemple). Quelle a été la clé de leur succès ? Le rapport examine différents facteurs, notamment la structure économique des villes et les politiques utilisées pour stimuler la croissance :
Structure économique
- Une ville n’a pas forcément besoin de transformer son économie pour devenir compétitive. Dans bien des cas, elle devra simplement améliorer ce qu’elle fait déjà et consolider ses points forts. Les villes les plus compétitives ont notamment identifié des produits et marchés de niche dans les biens et services marchands plutôt que dans les services de détail et publics. Et, pour stimuler le développement économique, elles s’appliquent à favoriser les trois grandes sources de croissance : l’expansion des entreprises existantes, la création de nouvelles entreprises et l’attraction des investisseurs.
Leviers politiques
- Les villes adaptent leurs choix et interventions visant à accroître la compétitivité (institutions et réglementations, infrastructures et aménagement du territoire, compétences et innovation, et aide aux entreprises et financement de celles-ci) en fonction des conditions locales, de l’économie politique, des débouchés économiques et des besoins des entreprises. Elles ont axé ces leviers politiques de manière à créer un climat des affaires favorable et à cibler des secteurs propices à des initiatives proactives stimulant le développement économique.
- Dans les villes compétitives : a) les chefs d’entreprise ont été consultés au sujet de leurs besoins et des difficultés auxquelles ils sont confrontés dans leurs activités ; b) des investissements dans les infrastructures ont été consentis en collaboration avec les entreprises et les industries que ces infrastructures sont censées desservir ; c) des initiatives de développement des compétences ont été établies en partenariat avec des entreprises, en veillant à ce que le contenu des formations correspondent à leurs besoins pratiques ; et d) des entreprises ont reçu un appui lorsqu’elles présentaient un potentiel réel au plan commercial, notamment au moyen d’initiatives collectives menées avec le secteur privé plutôt qu’avec le seul secteur public.
Gaziantep, par exemple, est la sixième plus grande ville de Turquie. Jusque dans les années 70, elle comptait environ 120 000 habitants. Aujourd’hui, ils sont 1,84 million, dont à peu près 300 000 réfugiés syriens. Gaziantep n’est guère dotée en ressources naturelles, ce n’est pas une ville portuaire et elle est dépourvue de pôles de haute technologie. Et pourtant, les industries manufacturières légères de la ville exportent leurs produits dans 175 pays du monde entier. Les exportations ont été multipliées par dix en seulement 11 ans, passant de 620 millions de dollars en 2002 à 6,2 milliards en 2013. Sur la décennie 1999-2009, elle s’est classée au 9e rang mondial pour ce qui est de la croissance économique. Elle a enregistré une croissance annuelle moyenne de son PIB de 6,3 % entre 2005 et 2012, et une croissance annuelle de l’emploi de 3,6 %. Gaziantep est une ville compétitive.
Mise en œuvre des politiques
- Les processus ont une importance capitale. Les villes compétitives ne se distinguent pas seulement par leurs choix en matière de mesures et de réformes politiques, mais avant tout par la manière dont elles font les choses. Ces villes choisissent une stratégie de développement économique, adoptent les budgets adéquats, résolvent les problèmes qui apparaissent pendant la mise en œuvre, et consacrent suffisamment de personnel et d’attention à la qualité de celle-ci. Elles s’appuient également sur d’autres niveaux d’administration et des partenaires du secteur privé pour optimiser les résultats obtenus.
Coalitions pour la croissance
- La réussite de ces initiatives implique également de constituer des coalitions et de faire preuve d’ingéniosité. Dans tous les exemples de réussite qui ont été passés en revue, on constate que des « coalitions pour la croissance » ont été établies entre les acteurs publics et privés impliqués dans le développement économique. Dans les cas où les villes ne disposaient pas des capacités requises pour s’autofinancer, elles ont tiré parti des ressources de leurs voisines ou d’autres niveaux d’administration.
La réalisation de cette étude a été financée par le Competitive Industries and Innovation Program (a).