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publication 9 janvier 2020

Collecter des données dans les États fragiles

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Les bénéficiaires du projet Londo avec leurs vélos en République centrafricaine. 

Photos : © Stephan Gladieu/Banque mondiale


Points marquants

  • L’action publique repose sur la disponibilité de données de qualité qui, dans les pays fragiles, sont particulièrement difficiles à recueillir.
  • Un nouveau rapport met en lumière des innovations méthodologiques et pratiques qui permettent de remédier à ces difficultés et peuvent être utiles au-delà du seul cadre des situations de fragilité.
  • Cet ouvrage montre qu’on peut produire des statistiques de qualité dans nombre d'environnements fragiles, mettant à bas l'idée selon laquelle il serait impossible de collecter des données dans certaines circonstances difficiles.

L'efficacité des interventions de développement repose sur la disponibilité de statistiques de qualité. Cette exigence se heurte cependant à de nombreuses difficultés dans les zones en proie à la fragilité. En raison des violences ou des risques sanitaires, notamment, il est en effet impossible de recourir aux moyens traditionnels de collecte des données sans mettre en danger les enquêteurs. À cela s’ajoutent, dans les situations de conflit en particulier, des problèmes d’ordre pratique comme le mauvais état des routes ou le manque d’infrastructures de télécommunications, ou encore l'hostilité de la population à l'égard du gouvernement central.

D’autres difficultés viennent compliquer la tâche, liées aux déplacements de population et à l'impossibilité de constituer une base d'échantillonnage. Un nouveau rapport consacré précisément à la collecte des données dans les États fragiles (a) met en lumière les innovations qui permettent de surmonter ces écueils. Tant sur le plan de la méthodologie qu’en termes de collecte à proprement parler, il existe en effet des techniques innovantes et pas nécessairement coûteuses qui permettent de remédier au manque de données dans les environnements fragiles. Même si, comme le souligne le rapport, la technologie ne peut pas tout.


« Avec force exemples, cet ouvrage met à bas l'idée selon laquelle il serait impossible de collecter des données dans certaines circonstances difficiles. Des enquêtes par téléphonie mobile à l'expérimentation de nouvelles approches pour le traitement des questions sensibles, les innovations présentées ici peuvent être utiles au-delà du seul cadre des situations de fragilité.  »
Carolina Sánchez-Páramo
Directrice mondiale du pôle d'expertise en Pauvreté et équité de la Banque mondiale

Des pistes prometteuses

  • Le développement des réseaux de téléphonie mobile, conjugué à l’accès à des appareils bon marché, a ouvert la voie à de nouveaux modes de collecte des données. Si les enquêtes téléphoniques auprès des ménages ne peuvent pas se substituer systématiquement aux entretiens en face à face, elles offrent des avantages significatifs dans certaines circonstances et pour des besoins spécifiques. Ce type d’enquête a par exemple été utilisé pour collecter des informations lors de la crise Ebola en Sierra Leone, et de la sécheresse au Nigéria, en Somalie, au Soudan du Sud et au Yémen, mais aussi pour suivre l’évolution des conditions de vie des personnes déplacées à la suite de la crise dans le nord du Mali. Par ailleurs, là où l’option du téléphone portable n’est pas envisageable, il est possible de faire appel à des enquêteurs sur place pour réaliser les entretiens dans leur communauté.
  • Les avancées technologiques en matière de géolocalisation peuvent transformer les modes de collecte des données. L'amélioration et la diffusion des techniques de géolocalisation ont entraîné une diminution des coûts et une augmentation des outils disponibles, avec à la clé une accessibilité plus grande des opérations d’échantillonnage basées sur les systèmes d’information géographique. Comme en République démocratique du Congo et en Somalie, où, faute de base d’échantillonnage, l’utilisation d’images satellites et d’algorithmes d'apprentissage automatique sophistiqués a permis d'estimer la densité de population et de délimiter les zones de dénombrement.

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Un camp de déplacés en République centrafricaine.
 
  • La situation instable et mouvante des personnes déplacées exige de repenser les méthodes traditionnelles d’échantillonnage. Il est également important de veiller à la sincérité des réponses des personnes interrogées. Le problème se pose quand on aborde des questions sensibles, tels que le soutien à des groupes controversés. On peut y remédier en recourant à des approches indirectes (le sujet sensible est intégré à une liste de questions, par exemple) et comportementales. Il faut aussi éviter les questions qui induisent, chez les sondés, des réponses stratégiques dont ils pensent qu’elles sont associées à l’obtention d’avantages. Diverses méthodes d'échantillonnage ont ainsi été expérimentées dans un camp de déplacés au Soudan du Sud, afin de déterminer leur degré de précision. 
  • Les témoignages vidéos sont un moyen efficace et relativement peu coûteux de faire connaître les conditions de vie des interviewés. La collecte de données auprès des ménages consiste habituellement en un processus passif, où les sondés répondent à des questions préétablies. Ce format les empêche de se raconter eux-mêmes et de mettre l’accent sur ce qui est important à leurs yeux. Les témoignages vidéos donnent la voix aux pauvres, en aidant à mieux comprendre leurs préoccupations et en leur permettant d'être les détenteurs de leur propre récit. Outre leur utilité pour l’estimation des données sur la pauvreté, ils ont notamment permis au Soudan du Sud de montrer ce que signifie vivre dans la pauvreté. 
  • La collecte d’informations périodique auprès des bénéficiaires est une approche agile pour mesurer les performances d’un projet. L’approche de « suivi itératif axé sur les bénéficiaires » est un système de remontée d’information permettant de mesurer les résultats obtenus par un projet grâce à un nombre de questions restreint. Comme il y a peu d’informations à traiter, l’analyse des données est plus aisée et la production des rapports plus rapide. Cette démarche a été expérimentée au Mali sur des projets portant notamment sur la distribution de repas scolaires, de bons électroniques et de transferts monétaires.