Défi
Au Sénégal, comme ailleurs en Afrique de l’Ouest, la pauvreté et les inégalités sont des problématiques multiformes qui posent un défi crucial au développement. Le Sénégal se classe actuellement dans le quintile le plus bas de l’indice de développement humain, au 170e rang sur 190 pays1. Alors que 9,2 % de sa population vit avec moins de 2,15 dollars par jour, il affiche un taux de pauvreté relativement plus bas que ceux de pays voisins comme le Mali (15 %), la Guinée (14 %) et la Guinée Bissau (22 %), mais qui témoigne d’obstacles considérables. Ce sont les zones rurales qui en pâtissent le plus : elles abritent un peu plus de la moitié de la population (53 %), mais comptent 80 % des ménages en situation de pauvreté chronique et vulnérables. Les répercussions de la pauvreté sont particulièrement sévères en ce qui concerne la nutrition, la santé et l’éducation des plus jeunes, sachant que 85 % des ménages les plus pauvres ont des enfants de moins de cinq ans2.
Sur le plan nutritionnel, une proportion importante des nourrissons (64 %) ne sont pas exclusivement nourris au sein et 93 % des jeunes enfants ne bénéficient pas d’une alimentation minimale acceptable, ce qui affecte leur croissance et leurs capacités d'apprentissage. La gravité de la situation met en péril la réalisation par le Sénégal des principaux Objectifs de développement durable (ODD).
Dans le secteur de l’éducation, malgré une augmentation significative de plus de dix points de pourcentage entre les années 2000 et 2020, la proportion d’enfants fréquentant l’école maternelle au Sénégal reste faible par rapport à la moyenne régionale, avec des taux de 18 % pour les filles et 16 % pour les garçons — contre une moyenne de 24 % pour les deux sexes en Afrique de l’Ouest et centrale3. Seule une faible proportion des enfants a donc accès à une éducation préscolaire. Et la plupart d’entre eux sont issus des classes moyennes et supérieures, qui vivent dans les villes et perçoivent les bénéfices d’une éducation précoce pour la réussite de leurs enfants. De plus, en milieu urbain comme en milieu rural, de nombreux parents préfèrent donner une éducation religieuse à leurs enfants dès leur plus jeune âge.
Malgré le rythme soutenu de la croissance économique sénégalaise, constamment supérieure à 6 % par an entre 2014 et 2020, l’instauration d’un développement inclusif reste un défi pour le pays. Et si les dépenses publiques dans les secteurs sociaux atteignent en moyenne 30 %, il apparaît que la croissance économique ne se traduit pas par une prospérité généralisée. La présence d’un cadre institutionnel fragmenté et l’absence d’un leadership fort viennent s’ajouter aux problèmes complexes auxquels se heurte la réalisation d’un développement durable et inclusif au Sénégal. Les difficultés à progresser ont conduit à une collaboration avec de multiples acteurs et une coordination intersectorielle visant à s’attaquer aux problèmes sous-jacents.
Démarche
L’orientation stratégique de la Banque mondiale s’inscrit dans le droit fil du Plan Sénégal émergent du gouvernement et plus particulièrement de son deuxième plan d’action prioritaire (2019-2023). Elle vise à renforcer les institutions et les communautés en mettant l’accent sur les interventions en faveur de la petite enfance, en élargissant l’accès aux services dans les zones rurales et périurbaines marginalisées et en améliorant l’efficacité et la transparence des institutions de gouvernance et des systèmes de protection sociale. Le soutien apporté à ce plan par le projet « Investir dans les premières années du développement humain au Sénégal » (ou PIPADHS) est double : il s'agit d’agir en même temps dans le secteur de l’éducation et dans celui de la nutrition.
Cette opération s’appuie sur une autre initiative de la Banque mondiale, le projet d’investissement dans la santé maternelle, infantile et juvénile (ISMEA). Les équipes des deux projets ont procédé à une répartition des zones géographiques de manière à assurer une couverture étendue, en s’attachant à mettre en œuvre des activités cohérentes de nutrition et d'éveil à l’échelle nationale. Cette approche collaborative a pour objectif d'accroître l’impact et la portée d’initiatives cruciales pour le développement de la petite enfance.
Le Programme de renforcement de la nutrition du CNDN, auquel la Banque mondiale apporte son soutien, constitue la pièce maîtresse de la lutte contre la pauvreté et la malnutrition. À ce titre, il fait partie intégrante du PIPADHS. Ce programme vise à lever les nombreux obstacles que rencontrent les familles, et en particulier les femmes, pour avoir accès à une alimentation de qualité et à des ressources pour répondre aux besoins nutritionnels de leur foyer. En collaboration avec les populations locales et les chefs religieux, le CNDN facilite l’élaboration de solutions les mieux à même d'établir des bases plus solides pour l'avenir des enfants du Sénégal. La participation de plus de 900 chefs religieux joue notamment un rôle capital dans les efforts de promotion des investissements et de l’engagement parental dans le développement de la petite enfance.
Le CNDN a adopté au fil des années une approche multidimensionnelle qui consiste en la mise en œuvre d’actions intersectorielles et innovantes en faveur de l’autonomisation des femmes dans les zones rurales et semi-urbaines aux prises avec des taux élevés d’insécurité alimentaire et de malnutrition aiguë chez les nourrissons. Ces actions, qui soutiennent la nutrition et l'éveil des enfants au cours de la période fondamentale des 1 000 premiers jours de la vie, tirent parti des nouvelles technologies pour renforcer les systèmes existants et promeuvent des pratiques essentielles en matière de santé et de nutrition familiales. Le succès de cette approche novatrice repose sur le rôle et l’autonomisation des femmes, ainsi que sur la priorité accordée aux actifs communautaires.
Le PIPADHS entend également soutenir l'accès à une éducation de qualité. À cette fin, il noue des partenariats innovants avec des écoles coraniques (appelées daaras au Sénégal), selon une démarche qui a fait la preuve de sa grande efficacité. Basés sur la performance, les contrats conclus avec les daaras garantissent l’intégration hebdomadaire d’au moins 10 heures d’apprentissage de qualité et axé sur le jeu, favorisant ainsi le développement cognitif et social des jeunes enfants, ainsi que l'acquisition précoce de compétences en lecture, écriture et calcul qui faciliteront leur développement scolaire ultérieur. Le projet soutient également la création de classes préscolaires communautaires (CPC) et le lancement de l’initiative Read@Home (« Lisons à la maison »). Cette initiative, qui prévoit la distribution de livres d'histoires en arabe, en français et dans sept langues sénégalaises, vise à atteindre 50 % de tous les enfants de moins de six ans dans sept régions du pays, en mettant l'accent sur celles qui accusent les résultats les plus faibles en matière de développement de la petite enfance.
Résultats
Malgré les défis considérables posés par la pandémie de COVID-19 et la restructuration gouvernementale, le projet « Investir dans les premières années du développement humain au Sénégal » (PIPADHS) a enregistré des progrès remarquables et des réalisations tangibles depuis son lancement en 2018.
Au premier rang de ces résultats figure l’impact transformateur du projet pour les plus de 10 millions d’enfants, soit 52 % des enfants âgés de 0 à 23 mois dans les régions ciblées, qui bénéficient désormais d’interventions vitales en matière de nutrition et d'éveil. Ils n'étaient que 19 % en 2018, et cette progression spectaculaire témoigne de la manière dont le projet a réussi à avoir des effets positifs sur un segment important de la population visée.
Cette opération a par ailleurs permis d’améliorer considérablement le taux d’enregistrement des naissances chez les enfants âgés de 0 à 5 ans, qui a grimpé de 43 à 73 %, soit bien au-delà de l’objectif initial de 60 %. L’inscription des enfants dans les registres d'état civil est d’autant plus importante qu’il s’agit d’une condition préalable à leur scolarisation à un âge et un niveau appropriés, ainsi qu’à un soutien nutritionnel mieux ciblé.
Le PIPADHS a mis également l’accent sur l’inclusion et l'égalité des sexes, en particulier en ce qui concerne l’accès des filles à un apprentissage précoce de qualité. Ses interventions directes ont permis à plus de 92 000 filles et plus de 94 000 garçons de bénéficier de services d'éducation améliorés destinés aux jeunes enfants.
Témoignages de bénéficiaires