Défi
Les villages de Côte d'Ivoire accueillent des migrants depuis des générations et plus récemment, des réfugiés. Cependant, les litiges fonciers — en particulier entre les migrants et les communautés d'accueil — sont devenus plus fréquents ces dernières années. En l'absence de cadastre, il est difficile de résoudre de telles situations et, depuis 2010, les litiges sont source de violences et de conflits civils. L'absence d'enregistrement des droits fonciers (qui concerne 99 % des terres rurales) contribue également à la déforestation, puisque les autorités peuvent attribuer des permis d'exploitation forestière à des entreprises privées sur des terres non répertoriées. Et faute de délimitation claire entre les forêts et les terres agricoles, il est également difficile de vérifier si les cultures ont été produites sur des terres récemment déboisées, ce qui entrave la traçabilité et la durabilité de la filière.
Démarche
La clarification des droits coutumiers sur les terres rurales est essentielle pour s'attaquer aux principaux facteurs de fragilité et de pauvreté en Côte d'Ivoire. Depuis 2018, le projet d'amélioration et de mise en œuvre de la politique foncière rurale (PAMOFOR), soutenu par la Banque mondiale, aide le gouvernement à adopter des réformes juridiques, réglementaires et institutionnelles. Financé par l'Association internationale de développement (IDA), le PAMOFOR vise à mettre en place l'infrastructure, les institutions et les capacités nécessaires pour renforcer de manière significative l'enregistrement des terres rurales coutumières. Grâce au PAMOFOR, le gouvernement ivoirien a mis en place une Agence foncière rurale performante, avec des antennes locales dans six régions et 16 départements. Le programme a aussi renforcé les comités fonciers des villages et développé un nouveau cadastre rural numérique, accessible en ligne. En outre, il a aidé des universités locales et des organismes de formation à concevoir et dispenser de nouveaux programmes de formation professionnelle et d'études supérieures, de manière à former la prochaine génération de professionnels du secteur foncier dans toute la région, ainsi que pour moderniser l'infrastructure géodésique nationale afin d'accroître la précision des levés.
Par l'intermédiaire du PAMOFOR, le gouvernement a également testé des procédures simplifiées d'enregistrement systématique des terres ainsi que des interventions visant à renforcer les droits fonciers coutumiers des femmes. Il s'agit notamment d'encourager la formalisation des mariages coutumiers, ainsi que d'inciter les maris à transférer volontairement une partie des terres de leur famille à leur épouse et à enregistrer ces terres au nom de la femme. Pour la première fois, les propriétaires et les locataires (y compris les femmes) peuvent désormais bénéficier de l'enregistrement gratuit des terres.
À la suite de ces projets pilotes, le gouvernement a promulgué des réformes clés, notamment en simplifiant les procédures d'enregistrement. Par ailleurs, en 2023, le conseil des ministres a adopté le Programme national de sécurisation foncière rurale afin de généraliser ce processus à l'ensemble des terres coutumières du pays. Les pays voisins se sont d'ailleurs inspirés de cette démarche et des gouvernements de la région s'intéressent de plus en plus à la réussite de la Côte d'Ivoire. Ainsi, des représentants de ces pays ont entrepris des voyages d'étude et demandé l'aide de la Banque mondiale pour moderniser leurs systèmes d'administration foncière.
Résultats
En se fondant sur l'analyse de la Banque mondiale, un projet d'investissement en cours, financé par l'IDA, a testé des procédures systématiques et plus inclusives pour l'enregistrement de la propriété coutumière. En 2023, le PAMOFOR avait permis au gouvernement de délivrer plus de 33 000 certificats fonciers (dont 22 % à des femmes) au bénéfice d'environ 184 000 personnes, et de signer 11 000 contrats d'usage des terres. D'ici juillet 2024, 20 000 certificats fonciers et 74 000 contrats supplémentaires devraient être finalisés.
Le financement de la Banque mondiale a également aidé la Côte d'Ivoire à mener à bien les actions suivantes :
- embauche et formation de plus de 140 personnes pour la nouvelle Agence foncière rurale et création de bureaux annexes dans six régions et 16 départements ;
- renforcement de 400 comités fonciers villageois ;
- développement et mise en service d'un cadastre rural numérique accessible sur le web ;
- construction de quatre stations de référence à fonctionnement continu, qui contribuent à améliorer la précision des levés ;
- formation de 10 467 personnes issues de la population locale, de l'administration publique et du secteur privé (dont 19 % de femmes).
Ces résultats, associés à une forte demande de la part des bénéficiaires et du gouvernement pour étendre l'enregistrement des terres rurales à l'ensemble du pays, ont incité la Banque mondiale à soutenir une nouvelle opération de financement basée sur les résultats. Celle-ci commencera à financer l'enregistrement des terres dans la moitié du pays en 2024.