Tourner des pages, transformer des vies : la révolution des manuels scolaires au Cameroun

Principaux faits marquants

• La disponibilité et l'accessibilité des manuels scolaires se sont améliorées pour plus de 4 millions d'enfants au Cameroun.
• Le coût élevé des livres scolaires a baissé de plus de 50 % entre 2013 et 2020, et le nombre de manuels dans les écoles publiques a quadruplé depuis 2020.
• Le nombre de manuels par élève a progressé, passant de 12 élèves pour chaque ouvrage en 2016 à un ensemble de trois manuels essentiels pour deux élèves en 2023.
• On estime que 98 808 enfants réfugiés et déplacés à l'intérieur du pays (35 % des élèves des écoles primaires publiques) ont bénéficié de cette amélioration en 2023.
• La politique nationale sur les manuels scolaires de 2021 a amélioré l'efficacité et la transparence du secteur, ce qui a permis d'optimiser les coûts et la qualité de la production.

Défi

Bien que le Cameroun ait progressé dans l'élargissement de l'accès à l'éducation de base, la qualité de l'enseignement reste médiocre. Le taux de pauvreté des apprentissages est extrêmement élevé : près de 72 % des enfants de dix ans ne peuvent pas lire et comprendre un texte court et adapté à leur âge. La disponibilité particulièrement limitée des manuels scolaires est un problème de longue date dans le pays, qui a gravement nui aux résultats d'apprentissage des élèves. Avant 2017, le Cameroun avait l'un des ratios manuels/élèves les plus bas d'Afrique subsaharienne, avec seulement un livre pour 12 élèves dans tout le pays, et un pour 30 élèves dans les zones défavorisées. Faute d'accès à ces ouvrages, les écoliers avaient du mal à apprendre. Et là où vivent des enfants réfugiés ou déplacés à l'intérieur du pays, la pénurie critique de manuels scolaires aggravait encore les difficultés rencontrées par ces élèves, sachant qu'on estime à 2,2 millions le nombre de personnes déplacées au Cameroun en raison des conflits civils, ainsi que de l'afflux de réfugiés en provenance des pays voisins.   

Le coût des manuels était presque trois fois supérieur à celui des pays comparables. La faiblesse du cadre de politique publique dans ce domaine entraînant une gestion inefficace de la chaîne de production des manuels, un financement public insuffisant et une politique de « livres multiples » peu pratique et coûteuse qui permettait aux écoles de choisir chacune des ouvrages très différents pour la même matière. Les manuels scolaires changeaient aussi chaque année, ce qui empêchait souvent les enfants d'utiliser les livres de leurs frères et sœurs plus âgés. Toutes ces difficultés ont renchéri le coût des manuels, faisant peser une charge financière importante sur les familles, mais ont également provoqué des pénuries en dehors des grandes villes et entraîné une baisse de la qualité des manuels. Les données nationales d'évaluation ont montré que les élèves qui n'avaient pas d'accès direct aux livres scolaires obtenaient des résultats nettement inférieurs à ceux de leurs camarades possédant leurs propres manuels. Ce système, avec de multiples titres par matière et qui changent chaque année, bénéficiait à de nombreux acteurs tout au long de la chaîne de production, au détriment de la qualité du système d'enseignement primaire.

Démarche

À partir de 2014, le gouvernement du Cameroun et la Banque mondiale ont travaillé de concert pour renforcer les politiques relatives aux manuels scolaires et améliorer la transparence dans l'achat et la fourniture des ouvrages. Cette coopération a rendu les livres plus abordables, accessibles et de meilleure qualité. Le processus a débuté par une collaboration entre les parties prenantes (gouvernement, organisations non gouvernementales et société civile) afin d'analyser les problèmes de disponibilité et d'accessibilité financière des manuels scolaires, et déterminer les mesures à prendre pour les surmonter. Le financement à l'appui des politiques de développement et l'assistance technique de la Banque mondiale, ainsi qu'un dialogue approfondi mené sous l'égide du cabinet du Premier ministre, ont contribué à renforcer l'engagement à relever ce défi. Le gouvernement a ainsi mené une série de réformes institutionnelles relatives aux livres scolaires à partir de 2017, qui ont abouti à la politique nationale sur les manuels scolaires de 2021, approuvée par un large éventail de parties prenantes.

Le programme d'appui à la réforme de l'éducation au Cameroun (PAREC) de la Banque mondiale, lancé en 2018, a contribué à la mise en œuvre de ces réformes en soutenant l'achat et la distribution de livres dans le pays et en développant des procédures opérationnelles et des structures pour en assurer la viabilité. Entre autres objectifs, le programme vise à accroître la disponibilité des manuels scolaires essentiels dans les écoles primaires publiques (notamment dans les collectivités locales accueillant des réfugiés). Il s'appuie sur les progrès réalisés grâce au projet d’amélioration de l’équité et de la qualité de l’éducation, financé par le Partenariat mondial pour l'éducation (GPE), qui a permis d'améliorer les processus d'achat de manuels scolaires.

Résultats

Cet engagement de longue haleine a conduit à des progrès tangibles dans la disponibilité et l'accessibilité des livres scolaires pour plus de 4 millions d'élèves au Cameroun, par la mise en place de processus d'achat plus équitables, transparents et efficaces.

Le renforcement du cadre juridique applicable aux manuels scolaires est un résultat majeur, soutenu par une loi emblématique de 2021, qui régit l'organisation et la promotion du secteur du livre au Cameroun.Cette loi a rendu obligatoire la distribution gratuite des manuels scolaires essentiels dans les écoles primaires publiques et a contribué à rationaliser et à réglementer le secteur. La réforme favorise ainsi la qualité et la transparence : i) en imposant un seul livre par matière dans toutes les écoles primaires ; ii) en établissant un processus de sélection du matériel basé sur des critères objectifs ; iii) en instaurant un calendrier qui garantit la publication de la liste des ouvrages cinq mois avant le début de l'année scolaire ; iv) en imposant une durée de vie minimale de trois ans pour les manuels afin d'optimiser les ressources et d'assurer la durabilité des investissements ; v) en instituant un comité technique indépendant pour sélectionner ces ouvrages et suivre les processus de réforme des manuels, créant ainsi un espace permanent de dialogue entre le gouvernement et les parties prenantes de l'industrie du livre scolaire.

Ce programme a permis d'accroître la disponibilité des ouvrages dans l'enseignement primaire public, avec une offre de trois livres essentiels (français, anglais et mathématiques) pour deux élèves en 2023, contre un ratio d’un manuel pour 12 élèves en 2016. Les actions en cours visent à mettre cet ensemble à la disposition de chaque élève d'ici 2026. En outre, grâce à ces efforts, le coût des manuels scolaires a été réduit de plus de 50 % entre 2013 et 2020, passant de 6,25 à 2,90 dollars en moyenne. La charge financière pour les familles a aussi été allégée, au moyen d'allocations budgétaires spécifiques pour l'achat de livres à l'échelle nationale, mettant l'accent sur les « zones d'éducation prioritaire » défavorisées.

Des livres ont également été distribués aux collectivités locales touchées par la crise des réfugiés : environ 10 % des manuels distribués aux écoles sont destinés en priorité à ces communes. Les écoles accueillant des enfants déplacés à l'intérieur du pays sont également prioritaires. On estime que 98 808 élèves réfugiés et déplacés inscrits dans des écoles primaires publiques (35 % du total) ont bénéficié de ce soutien.

Données clés

Amélioration des coûts unitaires des manuels scolaires au Cameroun, 2013-2020 (USD)

Engagement du Groupe de la Banque mondiale

Le programme d'appui à la réforme de l'éducation au Cameroun (PAREC) est financé par l'Association internationale de développement (IDA), pour un montant total de 175 millions de dollars (y compris un financement additionnel de 45 millions de dollars), auquel s'ajoutent 52,45 millions de dollars provenant du GPE. Il a été précédé par le projet d’amélioration de l’équité et de la qualité de l’éducation, financé à hauteur de 53,3 millions de dollars par le GPE.

Partenariats

La réforme de la politique relative aux manuels scolaires est le fruit d'un effort multisectoriel visant à accroître le nombre de livres disponibles dans les salles de classe. Les consultations destinées à préparer la réforme ont rassemblé des entités gouvernementales de haut niveau (notamment les cabinets du Président et du Premier ministre), les ministères de tutelle dont ceux de l'Éducation, des Finances, de la Culture, du Commerce, de l'Économie et de la Planification, le secteur privé (éditeurs et distributeurs de livres), les parents, la société civile et les partenaires du développement.

Perspectives

La Banque mondiale soutient le gouvernement du Cameroun dans le déploiement de la politique nationale des manuels scolaires de 2021 et dans la réalisation de son objectif d'un ouvrage par matière essentielle et par enfant d'ici 2026. Il est nécessaire de mener des actions clés pour assurer la pérennité des actions et améliorer la capacité de mise en œuvre. Les prochaines phases de soutien au PAREC (2024-2026) pourraient se concentrer sur les aspects suivants : i) amélioration de la planification financière et de la budgétisation pluriannuelle ; ii) poursuite de la réduction du coût des livres ; iii) affinement des mécanismes de ciblage pour donner la priorité aux zones où les besoins sont les plus pressants. En outre, plusieurs projets de loi sont en cours pour déployer la politique, notamment pour garantir un financement national durable des manuels scolaires. Une évaluation de la manière dont les livres sont distribués, stockés et utilisés conduira à des recommandations pour améliorer la chaîne de distribution, ainsi que la durée de vie des manuels.