Défi
Le système d'élevage pastoral au Cameroun est en butte à de nombreuses difficultés. Qu'il s'agisse entre autres d'un accès limité aux intrants, de pâturages dégradés, de ressources alimentaires limitées ou de points d'eau insuffisants pour les troupeaux, tous ces facteurs sont aggravés par le changement climatique. D’autres problèmes majeurs concernent la santé et l'hygiène, provoquant des maladies animales endémiques. Les éleveurs nomades, par manque d'organisation, tardent à adopter de bonnes pratiques d’élevage. Ils ne sont pas non plus en mesure de gérer l'accès aux ressources pastorales de manière durable, ce qui entraîne des conflits fréquents avec d'autres utilisateurs tels que les agriculteurs et les pêcheurs. Des difficultés résident dans la disponibilité limitée des services de conseil pour promouvoir des techniques innovantes et l'accès très restreint au financement. Tous ces éléments se traduisent par une faible productivité des races locales, une mauvaise gestion de l'alimentation du bétail et de la santé animale, et par des revenus limités pour les éleveurs.
La pandémie de COVID-19 a eu un impact négatif sur l'ensemble du secteur de l'élevage, en particulier sur les importations d'intrants, de semences, d'aliments et d'équipements de meilleure qualité. La pratique de la transhumance a été particulièrement affectée par la restriction des mouvements de troupeaux et des produits de l'élevage, ce qui a entraîné des perturbations importantes dans les systèmes d'approvisionnement des marchés pour tous les produits de la filière. Il en est résulté un surpâturage dans certaines zones, entraînant à son tour des pénuries et des tensions entre les agriculteurs et les éleveurs.
Compte tenu de l'augmentation rapide de la population et de l’urbanisation, la demande de produits de l’élevage est en hausse, mais elle n’est pas satisfaite et ce problème doit être résolu rapidement. Le secteur de l’élevage contribue pour 13 % au produit intérieur brut et à l’emploi au Cameroun, et concerne plus de 30 % de la population rurale. Malgré une production annuelle globale d’environ 266 000 tonnes de viande, 236 000 tonnes de lait, 65 000 tonnes d’œufs et 2 800 000 litres de miel en 2013, la production animale du pays ne répond pas aux besoins de la consommation nationale.
Démarche
Le PRODEL entend réduire la mortalité des bovins et ainsi augmenter la capacité de production de lait et de viande. Il met l’accent sur l’amélioration des systèmes de production, sur la gestion des ressources pastorales et sur la commercialisation des produits. Pour relever les défis liés à la gestion des ressources pastorales, le PRODEL soutient la mise en place de services publics de santé animale de meilleure qualité et plus réguliers. Les conseils municipaux ciblés disposent de plans de gestion des ressources pastorales qui associent les communautés locales. Par ailleurs, un mécanisme de partage des coûts favorise la création d’infrastructures essentielles pour l’accès aux points d’eau alimentés par l’énergie solaire, l'aménagement de pistes pour le bétail, la construction d'abattoirs, de marchés aux bestiaux et d'installations de stockage des aliments pour animaux, ainsi que la restauration des terres pastorales.
Le PRODEL encourage aussi une approche participative par le développement et le renforcement des compétences des comités locaux chargés de gérer les infrastructures et de jouer un rôle clé dans l’atténuation des conflits.
Résultats
Le PRODEL a bénéficié à plus de 38 000 éleveurs nomades. Entre 2017 et 2022, des résultats significatifs ont été obtenus en matière de gestion des ressources pastorales et de résilience des communautés :
- Le taux de mortalité des jeunes bovins a été ramené de 26,9 à 9,1 % grâce à des investissements destinés à améliorer la santé animale, en particulier la construction de 160 parcs de vaccination et de 98 points d’eau, ainsi que la réhabilitation de 7 287 hectares de pâturages. La mortalité des petits ruminants a également été réduite de 20 à 3,45 % à la suite de trois campagnes de vaccination consécutives pour plus de 6 millions d'animaux sur tout le territoire national, afin de les protéger contre la peste des petits ruminants. En outre, la qualité des services vétérinaires dans les zones semi-urbaines et rurales a été améliorée. L'augmentation de l’immunité post-vaccinale des petits ruminants est ainsi passée de 30 à 71 %.
- Pour améliorer l’accès des éleveurs nomades aux marchés, le projet a réhabilité 841 km de pistes pour le bétail, et 16 nouveaux marchés ont été construits. Ceux-ci sont gérés par des comités dédiés, en collaboration avec les conseils locaux.
- Le projet a amélioré la résilience des populations bénéficiaires aux chocs climatiques et aux conflits. Pour ce faire, environ 75 000 éleveurs, dont 16 500 femmes, ont adopté des pratiques climato-intelligentes pour l’alimentation animale, comme la production de pierre à lécher, le traitement de la paille, la culture du fourrage, etc. En outre, des espèces végétales mieux adaptées ont été plantées sur 7 287 hectares de pâturages dégradés. Quelque 6 900 ménages vulnérables se sont vu remettre plus de 60 000 petits ruminants pour leur permettre d'exercer des activités génératrices de revenus. Enfin, environ 4 500 femmes ont bénéficié de nouveaux équipements pour alléger leur charge de travail, dont la mise en service de 100 biodigesteurs.
- Les capacités institutionnelles à faire face aux chocs climatiques ont été renforcées. Ainsi, le projet a mis sur pied un plan d’urgence et formé plus de 35 spécialistes de la prévention et de la gestion des crises, aux niveaux national, local et communautaire.
- Il a également permis d’améliorer la planification et la gestion des ressources pastorales, ainsi que les compétences de passation des marchés des 30 conseils municipaux ciblés. Le recours à l’approvisionnement local pour les activités du projet a permis de développer les marchés avoisinants. Près d’une centaine de prestataires de services locaux ont été initiés à des processus de sélection concurrentiels et ont amélioré leurs pratiques de gestion des contrats. Le mécanisme de partage des coûts (couverts à 95 % par l’Association internationale de développement [IDA] et à 5 % par les ressources des conseils) pour financer la mise en œuvre du plan de gestion des ressources pastorales a permis de mobiliser un million de dollars de la part des conseils municipaux pour compléter la contribution de 20,8 millions de dollars de l’IDA.
Contribution du Groupe de la Banque mondiale
Le projet de développement de l’élevage est financé par un crédit de 100 millions de dollars de l’IDA. L’une des composantes du projet est spécifiquement consacrée à l’amélioration de la productivité pastorale, à l’accès aux marchés et au soutien à la résilience des communautés pastorales, et cible les régions de l’Extrême-Nord, du Nord, de l’Adamaoua et de l’Est. Cette composante est financée par 24 millions de dollars de l’IDA, auxquels s’ajoute 1,14 million apporté par les conseils municipaux et 0,84 million par le gouvernement camerounais.
Partenaires
Des consultants locaux ont été recrutés dans le cadre du projet pour aider les conseils à mettre en œuvre leurs plans de gestion des ressources pastorales. Leur rôle était de renforcer les capacités des comités mis en place par les conseils, à toutes les étapes de la préparation et de la mise en œuvre du plan de gestion, y compris la maîtrise des processus de passation des marchés, le suivi des travaux et le développement des compétences des comités locaux de gestion.
Perspectives
Le projet de développement de l’élevage prendra fin le 31 mai 2023. Les 30 conseils municipaux ciblés dans le cadre de ce projet ont été sélectionnés à la suite d’un processus concurrentiel, et représentent 43 % des communes à fort potentiel pastoral. La généralisation des résultats obtenus implique de travailler avec au moins 39 conseils supplémentaires dans les mêmes régions, et d'aborder la gestion des ressources pastorales à l'échelon intercommunal. Ceci permettra de soutenir et de gérer les activités de transhumance à un niveau plus élevé, et aussi d'introduire une méthode plus harmonisée de la gestion durable et inclusive des ressources. Sur le plan politique, l'adoption d'un cadre réglementaire régissant le système d'élevage extensif contribuera à consolider les résultats obtenus de manière durable.
Témoignages de bénéficiaires
« Avec le parc récemment construit, les animaux sont en sécurité, les pâturages sont à l’ombre et nous sommes protégés de la pluie. Il est plus facile pour moi de faire mon travail », explique Saibou Ndereindji, chef du Centre de santé animale (Adamaoua).
« Avec la délimitation des pistes pour le bétail, il y a moins de dégâts dans les champs quand nous conduisons les troupeaux vers les marchés aux bestiaux et les points d’eau », raconte Amadou, un pasteur nomade de la région du Nord.