Défi
Avant la pandémie de COVID-19, le Rwanda affiché une augmentation du revenu par habitant d'environ cinq points de pourcentage par an depuis 2000. Les taux de pauvreté et d'extrême pauvreté avaient considérablement diminué entre 2001 et 2017, pour passer respectivement de 58,9 à 38,2 % et de 40 à 16 %. Le Rwanda a toutefois eu du mal à traduire sa forte croissance en progrès équivalent en matière de réduction de la pauvreté et, par rapport à des pays aux niveaux de revenu par habitant semblables, ses taux de pauvreté étaient relativement élevés. La couverture des programmes de protection sociale est restée faible, ne touchant que 4,4 % de la population totale. Les retards de croissance touchaient 38 % des enfants de moins de cinq ans, principalement chez les familles les plus pauvres. L'initiative phare VUP était largement axée sur la possibilité de travailler sur des chantiers de travaux publics nécessitant beaucoup de main-d'œuvre, ce qui n'était pas adapté aux bénéficiaires ayant des charges de famille, en particulier les femmes qui souvent s'excluaient d'elles-mêmes du programme. En outre, le nombre limité de journées de travail proposées restreignait les avantages potentiels du programme et entraînait des conséquences indésirables concernant les soins et la nutrition des jeunes enfants. Le versement des transferts monétaires n'était pas régulier, donc imprévisible, avec des retards pouvant aller jusqu'à deux mois ou plus. En outre, la déclaration et l'enregistrement des naissances — une formalité indispensable pour bénéficier des programmes de protection sociale intégrant les enjeux liés à la petite enfance et à la nutrition — posaient un certain nombre de problèmes, par exemple l'obligation pour les déclarants de faire de longs trajets pour accomplir les démarches administratives, ce qui entravait l'accès des plus pauvres aux prestations et aux services centrés sur les enfants.
Démarche
Le projet entendait améliorer l'efficacité du système de protection sociale du Rwanda, notamment du programme VUP au profit des groupes vulnérables ciblés, et faisait partie d'un programme innovant de la Banque mondiale visant à lutter contre la malnutrition dans les premières années de vie, l'une des priorités du gouvernement rwandais. L'introduction et la généralisation d'activités innovantes tenant compte du genre et axées sur l'enfant et la nutrition ont permis de soutenir cet objectif, notamment au travers des interventions suivantes :
Le dispositif de crèches à domicile, mis en place dans le cadre du volet élargi de travaux publics, a permis aux bénéficiaires pauvres ayant des charges familiales de travailler dans des structures dédiées, et donc de recevoir une rémunération tout en se formant à la prise en charge de la petite enfance (nutrition, activités d'éveil) et en améliorant leurs compétences parentales.
L'aide directe à la nutrition, un dispositif de transferts monétaires conditionnels qui cible les foyers les plus pauvres comptant une femme enceinte et/ou un enfant de moins de deux ans, vise à inciter financièrement les familles à recourir à des services de santé et de nutrition essentiels pendant les premières années de la vie.
L'amélioration du système d'enregistrement des faits d'état-civil du Rwanda vise en particulier à soutenir la mise en œuvre effective du mécanisme d’aide directe à la nutrition, grâce à un meilleur enregistrement des naissances. D'autres interventions avaient pour but de renforcer le VUP en élargissant la portée des interventions menées au titre du volet de travaux publics et de transferts monétaires sans conditions (aide directe), en augmentant le nombre de jours de travail sur les chantiers pour correspondre aux besoins des bénéficiaires et en améliorant la ponctualité des versements.
La conception de l'ensemble de ce programme, y compris le projet de renforcement de la protection sociale, a reposé sur un travail analytique solide et sur le souci de mener des interventions fondées sur des données probantes en tirant parti des expériences internationales et nationales pertinentes.
Résultats
Le projet a largement contribué à l'amélioration de la productivité et des revenus des populations pauvres grâce à la protection sociale. Un élargissement significatif de la couverture globale des composantes de base du filet social du VUP a permis de toucher 92 % de tous les ménages éligibles des districts ciblés, contre 67 % au départ, dépassant ainsi l'objectif final de 70 %. Les innovations introduites par le projet ont permis de rendre le système de protection sociale plus robuste et plus efficace, et ainsi d'accélérer la réalisation des priorités du pays en matière de développement du capital humain, notamment grâce à la conception et au déploiement d'interventions sensibles au genre, à l'enfant et à la nutrition. La part des bénéficiaires du VUP dans ces interventions est passée de 19 % en mars 2020 à 41,5 % en décembre 2021. En mobilisant les filets sociaux pour obtenir de meilleurs résultats sur le plan de la nutrition et du développement du jeune enfant, le projet a joué un rôle important dans la lutte du Rwanda contre la malnutrition infantile. À lui seul, le mécanisme d’aide directe à la nutrition avec transferts monétaires conditionnels a jusqu'à présent bénéficié à plus de 200 000 ménages, soit plus de trois fois l'objectif final de 59 000 ménages (96 % des ménages éligibles couverts dans 18 districts ciblés).
La généralisation d’allocations monétaires à date fixe a été essentielle pour lisser la consommation des populations pauvres et vulnérables, favoriser le développement du capital humain et renforcer la résilience aux chocs des familles. Les résultats suivants ont ainsi été obtenus :
- Extension de la couverture des composantes essentielles du VUP (volets classique et élargi de travaux publics, aide directe) à 491 234 ménages (presque le double de la base de référence), les femmes représentant plus de la moitié des bénéficiaires.
- Amélioration de la ponctualité des versements du VUP pour 100 % des bénéficiaires de l'aide directe et, respectivement, 71 et 97 % des participants aux volets classique et élargi de travaux publics.
- Création et extension d’interventions intégrant les enjeux de la nutrition, du genre et de la petite enfance au titre du volet élargi de travaux publics, qui vise à aider les familles ne disposant que peu de temps pour travailler, principalement les femmes, en leur fournissant un soutien au revenu prévisible tout au long de l'année. À ce jour, 92 144 personnes en ont bénéficié, soit plus que l'objectif final de 82 572.
- Renforcement du système d’enregistrement des faits d’état civil pour faciliter la déclaration et la certification des naissances et des décès sur place (établissements de santé et entités administratives les plus proches des habitants), et formation aux évolutions du droit de la famille de certains agents des centres de santé et des responsables des entités administratives afin qu'ils puissent remplir les fonctions d'officier de l'état civil. En septembre 2021, 94 % des naissances dans les établissements de santé et au niveau des collectivités locales étaient enregistrées dans les 30 jours suivant la naissance d'un enfant vivant.
- Déploiement d'un système innovant de numérisation du paiement des prestations sociales, précédé des mises à niveau nécessaires du système d'information de la protection sociale.
- Différentes adaptations destinées à soutenir la réponse à la pandémie : élargissement des critères d'éligibilité à l'aide directe à la nutrition, ce qui a permis de passer de 30 000 bénéficiaires en mars 2020 à plus de 200 000 fin 2021, et dispense temporaire des obligations de travail pour les participants aux programmes de travaux publics afin de respecter les mesures de confinement liées à la COVID-19, bénéficiant à plus de 211 031 personnes.