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Fiches de résultats 13 octobre 2020

La République centrafricaine en route vers la stabilisation : investir dans la promotion de la paix et le redressement économique

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La République centrafricaine prévoit de produire dix millions de masques de protection et de distribuer deux masques gratuits à chaque habitant. Photo : LONDO Project


Depuis le coup d’État de 2013, la Banque mondiale accompagne les efforts de stabilisation en République centrafricaine (RCA) afin d’empêcher que l’État ne s’effondre. Après la signature d’un ambitieux accord de paix en 2019, annonciateur d’une nette désescalade de la violence, et à la veille d’un double scrutin électoral, la RCA se trouve à un tournant critique, qui exige un engagement sans faille de ses partenaires du développement.

Défi

État enclavé et entouré de voisins instables, la RCA est l’un des pays les plus pauvres et fragiles du monde. Avec une population de 5,4 millions d’habitants pour un territoire de la taille de la France et du Bénélux réunis, la RCA figure en bas des indices de capital humain et de développement humain. Depuis les années 1970, le pays connaît des flambées récurrentes de violence. Les institutions sont défaillantes, les citoyens n’ont pas accès aux services essentiels, le déficit d’infrastructures est gigantesque, les violences à l’encontre des femmes sont un phénomène répandu et, en 2019, plus d’un million d’habitants étaient déplacés dans leur propre pays.

Le conflit qui sévit depuis longtemps en RCA se manifeste par des heurts violents et répétés entre groupes armés avides d’accaparer les ressources et un État incapable de faire respecter la loi et d’assurer le maintien de l’ordre. Les groupes armés vivent notamment de l’exploitation illégale des diamants, de la contrebande d’armes, du versement de pots-de-vin pour protéger ou empêcher les transhumances saisonnières et du prélèvement de taxes sur une population terrorisée et victime de violences sexuelles systématiques. Les tentatives de l’État pour imposer sa loi sur un territoire aussi vaste achoppent sur le manque de capacités et de légitimité, conjugué à des difficultés de communications et d’accès. La sécurité des habitants est assurée par la force de maintien de la paix des Nations Unies, la MINUSCA, qui connaît ses propres difficultés logistiques et doit en permanence arbitrer entre le dialogue et le recours à la force.

Démarche

La communauté internationale a massivement investi dans les chances de redressement de la RCA. À la suite d’un effort inédit des bailleurs de fonds, en 2016, le Groupe de la Banque mondiale est devenu le principal partenaire du développement du pays. Après l’adoption d’un plan national de développement, en 2017, les donateurs ont déployé des ressources en appui aux priorités du pays : définition d’une feuille de route vers la stabilisation, la paix et la cohésion sociale ; renforcement des capacités de l’État et du processus décisionnel ; consolidation du tissu social ; et mesures pour favoriser le redressement économique et les communications physiques.

La RCA a bénéficié du régime « de redressement » de l’Association internationale de développement (IDA) au titre d’IDA-17 et IDA-18 et, entre 2016 et 2020, le Groupe de la Banque mondiale a plus que triplé son portefeuille d’engagements. Il a également déployé deux fois plus de personnel sur le terrain et, grâce à un partenariat stratégique avec la MINUSCA, a pu considérablement étendre la portée de ses interventions en dehors de la capitale, Bangui. Le Conseil des administrateurs de la Banque a approuvé en septembre 2020 un nouveau cadre de partenariat avec la RCA qui couvre la période allant de juillet 2020 à juin 2025.

Résultats

Les programmes soutenus par la Banque mondiale en RCA sont articulés autour des quatre grandes priorités du pays :

Ouvrir la voie à la stabilisation, la paix et la cohésion sociale

  1. Le programme de désarmement, démobilisation et réintégration et la réinsertion économique des anciens combattants sont deux volets essentiels de l’accord de paix de 2019. Après une formation professionnelle, près de 950 combattants démobilisés ont pu accéder à des moyens de subsistance. L’objectif est d’atteindre 4 000 anciens combattants d’ici 2022.
  2. Depuis 2016, 1,3 million d’emplois temporaires ont bénéficié à des jeunes vulnérables. Entre 2020 et 2022, 2,9 millions d’emplois temporaires supplémentaires devraient être proposés.
  3. Pour faciliter la réintégration des personnes déplacées, le programme aide les communautés d’accueil par des transferts monétaires, en cours, à 15 800 ménages et le financement de plus de 60 projets d’infrastructure à petite échelle (écoles, forages, éclairage public…) jusqu’à la fin 2021.

Renforcer les capacités de l’État et le processus décisionnel

  1. Les secteurs stratégiques ont été réformés de manière à accroître la responsabilité du gouvernement, y compris en recourant à des outils simples de gestion budgétaire et de transparence et en limitant les dépenses exceptionnelles, qui ressortaient à moins de 10 % fin 2019, contre 80 % en 2013. Un nouveau système de gestion des finances publiques a également été mis en place.
  2. Une série d’enquêtes menées entre 2018 et 2020 permet de disposer, pour la première fois depuis onze ans, de données d’aide à la décision. Des enquêtes auprès des ménages devraient être organisées prochainement.

Consolider le contrat social

  1. Les services d’eau et d’énergie (y compris solaire) dans Bangui et les principales villes du pays ont gagné en qualité, 250 000 personnes étant raccordées à l’électricité ou bénéficiant d’un accès amélioré en 2020. L’objectif est de toucher au moins 2 millions d’habitants d’ici 2025.
  2. Le gouvernement s’est engagé en faveur de la gratuité des soins (à travers un soutien budgétaire) et a optimisé les services de santé pour les populations vulnérables. Entre 2012 et 2019, 6,2 millions de bénéficiaires ont pu accéder à des services de santé essentiels.
  3. L’efficacité des enseignants progresse grâce aux nouveaux programmes scolaires harmonisés auxquels les instituteurs sont formés. Depuis 2019, 7 200 enseignants ont suivi des formations dans les inspections académiques, soit plus que la cible initialement fixée de 5 800 enseignants à l’horizon 2023. Par ailleurs 178 directeurs d’école ont été formés, pour un objectif de 1 500 d’ici 2023. Le projet de construction de bâtiments scolaires, dans une phase pilote à Bangui, devrait concerner 300 000 élèves du primaire fin 2023.

Favoriser le redressement économique et les communications

  1. Les travaux de revêtement de l’axe routier vital entre Bangui et Douala (36 kilomètres à ce jour sur les 56 prévus) ont amélioré les communications et les échanges commerciaux. Le chantier devrait s’achever en février 2021.
  2. La construction ou la remise en état de 805 kilomètres de routes rurales entre 2016 et 2020 ont rouvert l’accès aux bassins de production. Au total, 1 500 kilomètres de routes seront concernés d’ici 2025.
  3. Les principales chaînes de valeur agricoles ont été relancées, y compris grâce à une feuille de route pour le secteur du coton (avec le concours d’IFC).
  4. Des initiatives de renforcement de la gouvernance dans les mines et la foresterie sont en cours.

Contribution du Groupe de la Banque mondiale

En août 2020, le portefeuille de financements de l’IDA couvrait 15 projets nationaux pour un engagement total de 563,5 millions de dollars et deux projets régionaux d’une valeur globale de 231 millions de dollars. Le portefeuille national comprend une enveloppe de 150 millions de dollars pour le soutien budgétaire en appui aux grandes fonctions et institutions publiques, afin d’organiser efficacement les services à la population. Les projets en cours concernent un large éventail de secteurs — santé, éducation, énergie, eau, transport, agriculture, environnement, gestion des finances publiques et statistiques. Les financements de l’IDA sont complétés par des fonds fiduciaires exécutés par le bénéficiaire (Partenariat mondial pour l’éducation et Fonds pour l’environnement mondial). Les interventions en faveur de la gouvernance ont été soutenues par le HRDTF, le fonds fiduciaire de la Banque mondiale pour les droits humains et le développement. IFC fournit des services de conseil (financés sur des fonds fiduciaires) afin d’améliorer l’accès aux financements dans le secteur du coton, en complément d’un projet agroindustriel financé par l’IDA.

Partenaires

La RCA est fortement tributaire de l’aide étrangère accordée au titre de la sécurité, de l’aide humanitaire et du développement, qui éclipse ses propres ressources. De ce fait, l’appropriation par le pays pose de sérieux problèmes et exige une réelle concertation entre partenaires. Un groupe restreint, le G5, présidé par le représentant spécial du Secrétaire général des Nations Unies et chef de la MINUSCA, réunit chaque semaine les partenaires les plus influents pour assurer le partage d’informations et coordonner leurs positions. Ce groupe est composé de représentants de la MINUSCA, de l’Union européenne (UE), de l’Union africaine, des États-Unis, de la Russie, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et du Groupe de la Banque mondiale. Ces rencontres entretiennent un esprit de collaboration et permettent de veiller au respect d’une approche conjointe en appui au processus de redressement et de stabilisation de la RCA.

La qualité de la coordination du développement varie selon les secteurs, les pratiques dans la santé pouvant servir d’exemple à suivre. Les deux principaux donateurs (Groupe de la Banque mondiale et UE) ont travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement pour convenir d’une division géographique du travail pour leurs projets sanitaires respectifs et coordonner leurs actions stratégiques dans le cadre de leurs programmes de soutien budgétaire.

Le partenariat du Groupe de la Banque mondiale avec la MINUSCA est lui aussi solide et donne naissance à des approches novatrices qui consolident les relations entre sécurité et développement et s’efforcent d’exploiter au mieux les dividendes de la paix. À l’échelon logistique, ce partenariat permet au Groupe de la Banque mondiale d’intervenir dans des zones plus risquées en dehors de Bangui, où les approches pilotées par la communauté sont privilégiées. L’intérêt stratégique de cette coopération réside dans la possibilité d’intégrer des interventions de développement dans les négociations de paix, en cours, afin que les résultats positifs du développement et les bénéfices qui en découlent en faveur de la paix contribuent à la cessation des hostilités.

Perspectives

Le cheminement de la RCA vers la stabilisation et un développement durable n’a rien de linéaire et le redressement du pays prend du temps. Malgré les progrès récents, les perspectives globales en matière de fragilité en 2018 ne différaient guère de celles de 2016. Pour autant, grâce à l’accord de paix signé en février 2019, le moment reste propice pour agir. En dépit de ses difficultés intrinsèques, le processus de paix bénéficie d’un large soutien de la communauté internationale et a fait reculer les violences dues au conflit. Les partis politiques sont de plus en plus tournés vers les prochaines élections, qui devraient se tenir avant avril 2021. La RCA n’a pas d’autre issue : elle doit profiter de ce moment décisif pour poursuivre son cheminement vers le redressement et la stabilisation à la faveur du soutien pressant et indéfectible de la communauté internationale. À cette heure cruciale, les acteurs du développement, y compris le Groupe de la Banque mondiale, doivent persévérer dans cet accompagnement volontariste.

La RCA va pouvoir accéder au régime de redressement d’IDA-19 au titre du nouveau cadre de partenariat couvrant les exercices 2021à 2025, qui s’attache à promouvoir une reprise résiliente et inclusive après la pandémie de COVID-19 et alors que le pays est à la croisée des chemins. Le programme envisagé, conçu pour éliminer les facteurs de fragilité de la RCA, s’articule autour de deux axes prioritaires : le développement du capital humain et des communications pour renforcer la stabilité, l’inclusion et la résilience ; et le renforcement de la gestion économique et de la gouvernance pour asseoir la légitimité de l’État et stimuler la croissance. L’autonomisation des femmes et la numérisation font partie des priorités transversales.

Bénéficiaires

La RCA est l’un des premiers pays d’Afrique à avoir rendu le port du masque obligatoire pour protéger les populations contre le nouveau coronavirus. Dix millions de masques conformes aux normes de l’Organisation mondiale de la santé devaient être produits localement. Le projet LONDO (« debout » en sango), plus vaste programme de travail contre rémunération du pays et financé par l’IDA, est parvenu, en un temps record, à fabriquer plus de 7,7 millions de masques mi-septembre 2020.

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Couturière de formation, Amal Souleymane été recrutée au mois de juin par COMMODE, un atelier de confection de Bangui, et travaille depuis sans relâche pour coudre des masques. Photo : LONDO Project

Amal fait partie de ses bénéficiaires. Cette mère de cinq enfants a perdu son mari voici deux ans, mortellement touché par une balle perdue en rentrant du travail. Menacée de basculer dans la pauvreté depuis, elle se réjouit de cet emploi temporaire. « Je peux fabriquer jusqu’à 700 masques par semaine et gagner environ 140 000 francs CFA », explique-t-elle. Couturière de formation, elle n’avait pas pratiqué son métier depuis longtemps. Avec cet argent, Amal a commencé à remettre en état la maison de fortune où elle vit avec ses enfants. Elle aimerait utiliser le reste de ses économies pour ouvrir un jour son propre atelier de couture.

Pour les habitants de République centrafricaine frappés de plein fouet par la pandémie, l’accès à un moyen de subsistance est capital pour se forger un avenir meilleur. Offrir à celles et ceux qui en ont le plus besoin la possibilité de gagner leur vie — à travers des programmes de travail contre rémunération et une aide aux petites entreprises — est une première étape cruciale pour engager le pays sur la voie de la reprise et de la construction de la paix.