Défis et opportunités
Produire des aliments sains, nutritifs et en quantité suffisante pour nourrir les quelque 9 milliards d’habitants que comptera la planète en 2050 va mettre à rude épreuve nos ressources naturelles et nécessiter beaucoup d’innovations, en particulier dans un contexte mondial marqué par le changement climatique. Les effets du réchauffement planétaire sont déjà tangibles, alors que des épisodes météorologiques extrêmes de plus en fréquents nuisent aux cultures et aux élevages, entraînant une baisse des rendements. Aussi faudra-t-il consentir des investissements considérables dans l’adaptation au changement climatique pour préserver les niveaux actuels de production et garantir la sécurité alimentaire et nutritionnelle.
Par ailleurs, la lutte contre le changement climatique et la transition vers une économie sobre en carbone passent par l’agriculture : l’activité agricole, l’exploitation des forêts et le changement d’affectation des terres sont en effet à l’origine de 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), tandis qu’environ 80 % de la déforestation dans le monde découle de l’expansion agricole. Sachant que les agriculteurs seront de plus en contraints d’empiéter sur les terrains forestiers pour compenser la baisse de leur production, la déforestation et la dégradation des forêts risquent de s’aggraver considérablement.
Mais, comme l’ont démontré des expériences récentes, il est possible de développer une agriculture « climato-intelligente » qui permette d’accroître la productivité agricole tout en réduisant les émissions de GES et en renforçant la résilience au changement climatique.
La Banque mondiale est l’une des principales sources de financement pour l’agriculture dans le monde, avec des nouveaux engagements qui se sont élevés à 4 milliards de dollars au cours du dernier exercice (2017). L’institution collabore avec les pays afin qu’ils disposent des solutions innovantes, des infrastructures et des ressources nécessaires pour permettre au secteur agricole et alimentaire de se développer intelligemment face au changement climatique (a), d’améliorer les moyens de subsistance et de créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, de constituer des chaînes de valeur inclusives et productives, et de produire des aliments sains et nutritifs.
La Banque s’est associée au Centre international d’agriculture tropicale (CIAT) et au Programme de recherche sur le changement climatique, l’agriculture et la sécurité alimentaire (CCAFS) pour produire des rapports nationaux et régionaux détaillés sur les défis et opportunités de l’agriculture climato-intelligente. Elle s’attache aussi à faire en sorte que l’ensemble de son portefeuille d’activités aient des retombées positives sur le plan de l’atténuation des émissions et de l’adaptation au changement climatique. En Chine (a), par exemple, deux projets de modernisation de l’agriculture d’un montant de 313 millions de dollars financent dans six provinces l’adoption de systèmes d’irrigation améliorée, entre autres techniques agricoles climato-intelligentes, en aidant ainsi environ 380 000 ménages ruraux à renforcer leur résilience au changement climatique. De même, en Uruguay (a), la Banque contribue à la diffusion de pratiques de culture et d’élevage durables et climato-intelligentes, telles que l’élaboration de plans de gestion des sols basés sur des données satellite, afin de lutter contre l’érosion et favoriser le piégeage du carbone.
Au sein du Groupe de la Banque mondiale, la Société financière internationale (IFC) investit aussi dans des projets agro-industriels climato-intelligents. Sur le seul exercice 2017, l’IFC a monté plus de 800 millions de dollars de financements en faveur de ce type de projet. En Chine, par exemple, l’IFC a accordé en 2016 un prêt de 40 millions de dollars au Anyou Biotechnology Group pour lui permettre de développer des produits d’alimentation animale innovants, dont la composition permet à la fois de faire baisser les coûts et de réduire de 30 % les émissions dues à la digestion et à la fermentation des déjections animales. Au Burkina Faso, un investissement de l’IFC et de la Société générale (a) de 70 millions de dollars en faveur de la principale société cotonnière du pays, la Sofitex, aide les agriculteurs de la filière à résoudre leurs problèmes de productivité, d’irrigation et d’adaptation au changement climatique.
Transformation par l’action
Les effets du changement climatique, en ce qu’ils favorisent une irrégularité accrue de la production agricole, pénalisent aussi l’industrie agroalimentaire, soucieuse de minimiser la volatilité de l’approvisionnement grâce à des modes de production plus efficients et résistants. La filière du cacao est emblématique à cet égard. La hausse de la demande mondiale de chocolat, conjuguée à des pratiques agricoles inadaptées, ainsi qu’à un sous-investissement et à une baisse de la productivité dans les exploitations de cacao, alimentent la déforestation et la dégradation des forêts. En outre, le cacaoyer apprécie l’ombre, ce qui nécessite de conserver une certaine quantité d’arbres qui favorisent sa croissance.
Cette situation a poussé les deux premiers pays producteurs de cacao au monde, le Ghana et la Côte d’Ivoire, à s’associer à des leaders de l’industrie du cacao et du chocolat, en vue de mener une action concertée. L’« Initiative cacao et forêts » (a), qui vise à mettre fin au déboisement associé à la production cacaoyère, réunit, sous l’égide de la World Cocoa Foundation (WCF), 42 entreprises, dont les sociétés Nestlé, Mars, Ferrero, Hershey, Touton, Mondelēz, Olam, Ecom Group, Barry Callebaut, Cargill et Cémoi.
Les gouvernements ivoiriens et ghanéens vont introduire une nouvelle approche visant à améliorer la gestion des réserves forestières et fondée sur le niveau de dégradation des forêts. Cette approche reposera sur la production et la diffusion de cartes actualisées sur la situation du couvert forestier et l’utilisation des sols, mais aussi de données socioéconomiques sur les planteurs et leurs communautés. Les fabricants de produits à base de cacao et de chocolat sont convenus quant à eux d’instaurer des systèmes de suivi qui assurent la traçabilité des fèves depuis l’exploitation jusqu’au premier point d’achat, et de collaborer avec les autorités des pays pour garantir un cadre de traçabilité national qui couvre tous les intermédiaires de la chaîne d’approvisionnement.
Les gouvernements du Ghana et de la Côte d’Ivoire ont signé avec les représentants des entreprises chocolatières des cadres d’action communs pour accélérer les investissements dans la production durable de cacao, l’objectif étant de produire plus de cacao sur moins d’espace. Les principales mesures préconisées concernent la mise à disposition de variétés améliorées, la formation des planteurs à des techniques de culture durables, et le développement des capacités des organisations d’exploitants.
Cette initiative fait l’objet d’une coopération avec les équipes de la Banque mondiale œuvrant dans les domaines de l’agriculture, de la forêt et du climat. La Banque apporte un soutien analytique et stratégique au Ghana et à la Côte d’Ivoire, aux côtés du Programme pour les forêts (PROFOR), de l’Initiative pour la gestion durable des paysages forestiers (ISFL) du Fonds biocarbone et du Fonds de partenariat pour la réduction des émissions dues à la déforestation (FCPF).
Les besoins de financements publics et privés pour assurer la transformation du secteur du cacao en Afrique de l’Ouest se chiffrent à plusieurs milliards de dollars.
Résultats attendus
Le Ghana et Côte d’Ivoire fournissent à eux seuls 60 % de la production mondiale de cacao. Dans ces deux pays, la filière du cacao représente une part importante du PIB et contribue aux moyens de subsistance d’environ un quart de la population (a).
L’« Initiative cacao et forêts » pourrait améliorer les conditions de vie de millions d’habitants et produire des effets positifs sur le plan de l’environnement. Au Ghana, par exemple, les investissements entrepris pour rendre la filière du cacao durable pourraient augmenter les rendements de 50 % et engendrer ainsi des gains considérables pour les agriculteurs et l’État.
Chiffres clés
- Alors que 80 % de la population pauvre mondiale vit en milieu rural et reste principalement employée dans l’agriculture, ce secteur peut jouer un rôle déterminant dans la réduction de la pauvreté, la hausse des revenus et l’amélioration de la sécurité alimentaire. La notion d’agriculture climato-intelligente (a) renvoie à des pratiques éprouvées et innovantes qui permettent d’accroître la productivité agricole tout en réduisant les émissions de GES et en renforçant la résilience au changement climatique.
- L’activité agricole, l’exploitation des forêts et le changement d’affectation des terres sont actuellement à l’origine de 25 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), tandis qu’environ 80 % de la déforestation dans le monde découle de l’expansion agricole. La hausse de la demande alimentaire va en outre entraîner une augmentation de 40 à 50 % de la consommation d’eau dans les prochaines décennies.
- La Banque mondiale est l’une des principales sources de financement pour l’agriculture dans le monde, avec des nouveaux engagements qui se sont élevés à 4 milliards de dollars au cours du dernier exercice (2017). Les investissements de la Société financière internationale (IFC) s’élèvent à 3,8 milliards de dollars.
- Pour répondre à la hausse de la demande alimentaire mondiale, la production vivrière devra augmenter de 50 % entre 2012 et 2050, ce qui ouvre d’importantes perspectives de créations d’emplois dans le secteur de l’alimentation dans les pays en développement.