Surmonter les épreuves : soutenir les populations les plus pauvres de Madagascar en période de crise

18 octobre 2016


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© Felana Rajaonarivelo/2014/Ambatondrazaka

Alors que les crises politiques à répétition dont Madagascar a été le théâtre ont infligé de lourdes conséquences économiques et sociales à la population, la Banque mondiale collabore avec les autorités pour aider les agriculteurs pauvres à produire davantage de riz et pour offrir des services essentiels aux mères les plus démunies et à leurs enfants en matière d’éducation, de santé et de nutrition.

Promouvoir une croissance sans exclus et l’accès aux services de base à Madagascar

Le défi

Madagascar compte parmi les pays les plus pauvres de la planète. En 2012, 78 % de ses 23,6 millions d’habitants vivaient avec moins de 1,90 dollar par jour et 90 % avec moins de 3,10 dollars par jour. Les Malgaches sont en moyenne 42 % plus pauvres aujourd’hui qu’il y a cinquante ans. Plus de 80 % de la population pauvre de l’île vit de l’agriculture. Elle est tout particulièrement exposée aux catastrophes naturelles telles que les inondations, les glissements de terrain et l’érosion. C’est à Madagascar que se produit la majorité des cyclones qui frappent le continent africain, et l’île figure sur la liste des dix pays qui seront sans doute les plus touchés par le changement climatique.

Alors que dans les années 2000 Madagascar avait accompli un certain nombre de progrès dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement, la crise politique des années 2009-2014 a porté un coup dur à ces avancées. Aujourd’hui, ses résultats en matière d’éducation, de santé, de nutrition et d’accès à l’eau sont parmi les plus faibles du monde.

Le pays doit également faire face à des difficultés économiques considérables, malgré la biodiversité et les richesses naturelles sans équivalent dont il dispose. Au moment de la crise politique, la stabilité macroéconomique de l’île a été maintenue au prix d’une réduction drastique des dépenses et des investissements publics. Cette baisse des investissements et la détérioration des services publics ont en outre été accentuées par le faible niveau du taux de recouvrement fiscal (10 % du PIB) et l’arrêt presque total des financements extérieurs, alors que les aides internationales représentaient 40 % du budget national de Madagascar. La croissance, qui s’élevait à 7,4 % en moyenne entre 2003 et 2008, a chuté pour se stabiliser en moyenne à un taux annuel de 1,8 % de 2010 à 2013. À cela vient s’ajouter une croissance démographique élevée (2,9 %) qui a ramené le revenu par habitant en 2012 à son niveau de 2003.

La démarche

Devant la situation de fragilité du pays, la Banque mondiale a adapté son action pendant la période de crise. Elle a entrepris une série d’analyses pour identifier les sources de cette fragilité et ses effets sur la pauvreté et le développement humain. Les conclusions de ces travaux l’ont amenée à se focaliser sur deux axes d’intervention : 1) travailler avec les riziculteurs pauvres pour augmenter leur production et améliorer leur accès aux marchés, et 2) soutenir directement les catégories les plus pauvres de la population en leur garantissant un accès aux services de base et en expérimentant un programme de protection sociale. La Banque a privilégié une démarche multisectorielle, qui a notamment donné lieu à des interventions de proximité intégrées dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la nutrition dans le sud du pays, où se concentre la pauvreté.

C’est à partir de cette stratégie que la Banque mondiale a défini les bases de son engagement accru à Madagascar depuis la fin de la crise, en 2014. Cette stratégie est désormais mise en œuvre à une plus grande échelle et elle est davantage encadrée par les pouvoirs publics. Depuis la sortie de la crise, la Banque est en mesure de collaborer plus efficacement avec le secteur public, en travaillant par exemple sur des aspects clés tels que la gestion des finances publiques ou la décentralisation, autant d’éléments nécessaires pour la durabilité financière et institutionnelle des programmes de développement.


« Ce programme nous permet de payer la scolarité de nos enfants, de les habiller et de les nourrir. »

Georgette Raharimalala

Mère de trois enfants

Les résultats

Malgré un contexte difficile, la stratégie de la Banque mondiale a produit des résultats positifs dans les domaines suivants :

Agriculture et marchés

  • Les projets d’investissement financés par l’Association internationale de développement (IDA) ont permis un accroissement de la productivité du riz, qui est passée de 2,5 tonnes par hectare (t/ha) en 2008 à 4,8 t/ha en 2014 dans les principales régions productrices, ce qui a directement profité à 8 300 familles d’agriculteurs.
  • Entre 2008 et 2014, 7 500 ha de périmètres irrigués ont été remis en état. Depuis 2013, tous les projets de rénovation satisfont aux nouvelles normes anticycloniques élaborées avec l’appui de la Banque mondiale.
  • De 2005 à 2012, quelque 100 000 titres de propriété foncière ont été délivrés pour un coût modique. Malgré la crise, la Banque mondiale a continué de soutenir la réforme foncière engagée en 2005. L’objectif est d’atteindre le demi-million de titres d’ici 2020.
  • La remise en état des infrastructures essentielles (comme les ponts) sur la route nationale 4 (RN4) permet à plus de 8 millions de personnes vivant dans le nord de l’île de rester reliées à la capitale. À cette occasion, les nouvelles normes anticycloniques élaborées avec l’appui de la Banque mondiale ont pour la première fois été utilisées. En outre, un programme de surveillance du poids des camions a été mis en place afin de réduire les besoins de maintenance à l’avenir.

Éducation

Avec l’appui de l’IDA et du Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), la Banque mondiale contribue à procurer un enseignement de base à sept enfants malgaches sur dix. En collaboration avec l’UNICEF, l’Union européenne, l’Agence de coopération internationale du Japon, l’Agence française de développement, la Norvège et le GPE, la Banque mondiale a élaboré un programme destiné à remédier aux problèmes de scolarisation du côté de la demande, à améliorer l’environnement d’enseignement et d’apprentissage, ainsi qu’à renforcer les institutions et les capacités au niveau national et local. À ce jour, les programmes financés par le GPE et l’IDA ont produit les résultats suivants :

  • En 2015, près de 2 millions d’enfants ont reçu des kits scolaires ; en octobre 2016, 3,3 millions d’enfants débuteront l’année scolaire avec un nouveau kit scolaire.
  • Depuis 2015, environ 600 écoles distribuent des repas à quelque 112 800 enfants. Cette stratégie s’est révélée particulièrement efficace pour que les enfants continuent de fréquenter l’école, en particulier dans le sud du pays touché par un épisode de sécheresse.
  • En 2015 et 2016, 47 000 enseignants ont suivi une formation pendant la période estivale.
  • Grâce à la production et à la distribution de manuels, le nombre de manuels passera de 1 pour 25 enfants à 1 pour 2 au début de l’année scolaire 2016.
  • En 2014 et 2015, 11 600 écoles ont reçu des subventions qui leur ont permis d’acquérir du matériel scolaire, de financer des travaux d’entretien, de réparation, ainsi que leurs frais de fonctionnement. Des associations de parents d’élèves surveillent l’usage qui est fait de ces subventions et reçoivent des formations qui les familiarisent notamment à l’utilisation de fiches d’évaluation du service rendu.

Nutrition et soins de santé essentiels

Un projet d’investissement financé par l’IDA ciblant les femmes enceintes/qui allaitent et les enfants dans neuf des régions les plus pauvres de Madagascar (sur un total de 22) a permis de conserver des services de santé et de nutrition essentiels. Par ailleurs, le recours à ces services s’est accru. De 2012 à 2016 :

  • Quelque 248 000 femmes enceintes/qui allaitent et 1 324 000 enfants de moins de cinq ans ont gratuitement bénéficié de soins de santé essentiels grâce à un système de coupons ou d’exonérations.
  • Environ 1,8 million d’enfants en âge d’aller à l’école ont bénéficié d’un traitement préventif contre les maladies tropicales négligées, notamment les infections par les helminthes. Les enseignants ont noté un recul de l’absentéisme.
  • Quelque 202 500 enfants ont reçu le vaccin DTP3 (diphtérie, tétanos, polio).
  • Dans le sud du pays, 347 centres de santé dispensant des soins élémentaires ont été rénovés (installation de réfrigérateurs fonctionnant à l’énergie solaire pour conserver les vaccins, par exemple).

Filet de protection sociale

En 2013, 400 000 personnes ont pris part à des activités de travail contre rémunération dans le cadre de programmes d’intervention post-catastrophe. Madagascar met actuellement en place un programme structuré de protection sociale qui doit progressivement se substituer à l’approche post-catastrophe traditionnelle mise en œuvre jusqu’ici. Depuis 2014, un programme de transferts monétaires sous conditions est testé auprès de 5 000 familles. Il est aujourd’hui déployé à plus grande échelle. D’ici la fin de 2016, environ 40 000 ménages recevront chaque mois des prestations en espèces les incitant à envoyer leurs enfants à l’école primaire et 32 000 autres participeront à des activités de travail contre rémunération destinées à améliorer la résilience des populations locales face aux changements climatiques.


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© Felana Rajaonarivelo/2014/Ambatondrazaka

La contribution du Groupe de la Banque mondiale

Fin septembre 2016, le portefeuille de financements de la Banque mondiale à Madagascar comprenait 12 projets en cours, représentant 658 millions de dollars d’engagements. Sur ce total, 113 millions de dollars sont apportés par des fonds fiduciaires (Partenariat mondial pour l’éducation, Fonds catalyseur de croissance pour l’Afrique et Fonds japonais pour la politique et les ressources humaines/PHRD). Les services d’analyse et de conseil porteront sur un large éventail de secteurs et de problématiques : environnement, financement, nutrition, énergie, pauvreté urbaine, éducation et agriculture. L’allocation au titre de la 17e reconstitution des ressources de l’IDA totalise 557 millions de dollars et inclut, pour les exercices 2016 et 2017, une aide octroyée dans le cadre de l’élargissement de l’accès au régime « de redressement » (turn-around facility). L’enveloppe de l’IDA pour l’exercice 2017 se monte à 227 millions de dollars, dont 20 millions provenant du mécanisme de réponse aux crises (CRW) pour lutter contre les effets de la sécheresse due au phénomène El Niño.

Les partenaires

Tout au long de la crise (2009-2014), dans le cadre du processus de résolution piloté par la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) et l’Union africaine, les partenaires de développement se sont efforcés d’harmoniser leurs conseils stratégiques et leurs opérations, tout particulièrement dans les domaines de la gestion économique, du développement rural, de l’éducation, de la santé et des transports. Cette coopération intensive se poursuit aujourd’hui et, depuis la fin de la crise, les autorités malgaches sont encouragées à assurer la coordination sectorielle. En outre, la Banque africaine de développement et la Banque mondiale travaillent ensemble pour évaluer le système de passation des marchés publics à Madagascar et pour le renforcer afin qu’il puisse être utilisé dans le cadre des projets financés par l’aide internationale.


« Les élèves viennent à l’école tous les jours, en particulier ceux dont la famille reçoit une aide financière. »

Marie Colette Ravaonasolomampionona

Directrice d’école

Les perspectives

Depuis que l’ordre constitutionnel a été rétabli à Madagascar en 2014, les financements et les travaux d’analyse de la Banque mondiale ont contribué à la sortie de crise du pays, au retour d’une croissance inclusive et à l’amélioration de la résilience (de la population, de l’environnement et des institutions). Ces activités reposent sur un dialogue actif avec l’État et visent à remédier à certains problèmes de gouvernance et de nature institutionnelle. L’objectif est de promouvoir une gestion des ressources publiques plus équitable, plus efficiente et plus transparente, surtout au niveau local. Ce programme sera détaillé dans le futur cadre de partenariat de la Banque mondiale avec Madagascar, qui couvrira la période 2017-2020. Il mettra pleinement à profit les moyens offerts par le régime de redressement de l’IDA (Turnaround Regime), auquel Madagascar est éligible pour trois ans depuis le début de l’année 2016.

Les bénéficiaires

Georgette Raharimalala a commencé à bénéficier du programme de transferts monétaires en octobre 2014. Ni elle ni son mari ne possèdent de terres et ils doivent donc travailler d’arrache-pied pour disposer de moyens de subsistance et pour envoyer leurs trois enfants à l’école. « Ce programme nous permet de payer la scolarité de nos enfants, de les habiller et de les nourrir », explique Georgette. La directrice de l’école, Marie-Colette Ravaonasolomampionona, précise que, « depuis que ce projet a été lancé, nous accueillons 104 élèves de plus. Avant, nous en avions 273. Aujourd’hui, ils sont 377, et bien plus motivés. Ils viennent à l’école tous les jours, en particulier ceux dont la famille reçoit une aide financière. Autrefois, pendant la période de soudure, les enfants souffraient de malnutrition. Maintenant, ils ont un repas à l’école. »





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