Défis
L’incertitude concernant les droits de propriété et d’occupation des terres complique non seulement les efforts des gouvernements pour l’aménagement du territoire, mais accroît aussi la vulnérabilité, notamment chez les groupes de population pauvres et marginalisés. De plus, cette situation n’incite pas à adopter des mesures qui sont pourtant essentielles pour assurer une amélioration des revenus et préserver des ressources rares sur le long terme.
Nombre de pays sont confrontés à un même ensemble de défis pour lesquels des solutions spécifiques doivent être élaborées : i) des cadres juridiques et réglementaires incomplets ou obsolètes ; ii) des systèmes rigides de classification des droits de propriété foncière qui ne tiennent pas compte de toutes les traditions ethniques, culturelles et juridiques locales ; iii) une dispersion et un chevauchement de compétences entre différentes institutions ; iv) des technologies archaïques qui font du processus de délimitation des terres, de régularisation foncière et d’attribution des titres de propriété un parcours long et onéreux ; v) le manque d’intégration des systèmes d’information foncière ; vi) l’accessibilité limitée de certaines franges de la population à des services d’administration foncière essentiels (règlement des différends notamment) ; vii) des mécanismes inadéquats pour garantir la transparence, la bonne gouvernance, la participation et les voies de recours des citoyens aux différentes étapes du processus, de la délimitation des terres à l’établissement des droits de propriété et à leur application.
Par ailleurs, pour tirer le meilleur parti de la modernisation des systèmes d’administration foncière, les gouvernements doivent souvent réaliser des investissements publics dans ce sens. Par exemple, la clarification des limites des terres appartenant aux populations autochtones et des aires protégées doit s’accompagner de consultations détaillées et approfondies avec les groupes affectés, du renforcement des mécanismes de contrôle et d’exécution et de nouvelles orientations pour encourager l’investissement au niveau local. De même, l’attribution de titres fonciers peut inciter davantage les agriculteurs et les entrepreneurs à investir, mais encore faut-il qu’il existe des programmes de crédit et que ces derniers puissent y accéder.
En outre, la hausse continue des prix des denrées alimentaires et l’exploitation des terres pour la production de biocarburant ont entraîné une augmentation sensible de la pression commerciale exercée sur les terres agricoles, les pâturages, les zones boisées et les ressources en eau dans les pays développés et les pays émergents.
En matière de politique foncière, deux principes sont fondamentaux du point de vue de la croissance et de la réduction de la pauvreté :
- L'importance de la sécurité du régime foncier. La sécurité des droits de propriété (au moyen d'un titre ou de l'usage coutumier) et la possibilité de recourir aux autorités locales ou nationales pour les faire appliquer sont des éléments indispensables pour préserver les moyens d'existence, maintenir la stabilité sociale, stimuler les investissements et favoriser une exploitation durable et productive des terres.
- La transmissibilité des droits et l’accès à la terre. En garantissant un certain degré de transmissibilité des droits fonciers, en fonction du contexte du pays concerné ou du régime foncier en vigueur, on donne aux paysans sans terre la possibilité de s’en procurer par le biais des marchés de vente et de location ou de transferts publics, tout en améliorant les incitations à des investissements productifs.
Solutions
La Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et l'Association internationale de développement (IDA) accompagnent les pays membres dans la réalisation d’investissements publics pour le renforcement des politiques et systèmes d'administration foncière depuis plus de quatre décennies. Les premiers programmes lancés à la fin des années 60 ont porté sur la délimitation des terres et l’attribution de titres fonciers dans des zones géographiques spécifiques, généralement dans le cadre de programmes de colonisation agricole et de développement rural. Dans les neuf États du nord-est du Brésil, la BIRD a financé la délimitation et l’attribution de titres fonciers sur plus d’un demi-million d’hectares dans le cadre de plusieurs projets de développement rural. Au milieu des années 80, l’attention a commencé à se détourner de la sécurisation des droits dans des zones spécifiques pour se porter vers la modernisation des systèmes d’administration foncière au niveau national. Une des premières initiatives — et aussi l’une des plus ambitieuses — dans ce secteur a été le programme d’attribution de titres fonciers en Thaïlande. À partir du milieu des années 90, la Banque mondiale a augmenté considérablement son assistance afin d’aider 19 pays de l’Europe de l’Est et de l’ex-Union soviétique ainsi que plusieurs pays d’Asie du Sud-Est à passer d’un système d’économie planifiée dans lequel l’Était possédait les biens fonciers et immobiliers à un système d’économie de marché fondé sur la propriété privée. Ailleurs, la Banque mondiale a continué de soutenir la modernisation des systèmes d’administration foncière au niveau national et à fournir une aide ciblée sur certaines questions spécifiques (implantations sauvages, terres autochtones, zones marines côtières et autres zones écologiquement fragiles d’importance nationale ou mondiale).
La Banque mondiale appuie et recommande des politiques gouvernementales axées sur la mise en œuvre de programmes systématiques de cadastre et d’attribution de titres de propriété qui prennent en compte toutes les formes de régime foncier : public et privé ; formel et coutumier, notamment celles qui s’appliquent aux éleveurs ou à d’autres groupes titulaires de droits formels sans grande valeur juridique ; collectif et individuel, s’agissant notamment des droits des femmes ; et rural et urbain. Dans le même temps, le respect des droits fonciers coutumiers et traditionnels doit être abordé de façon dynamique, en mettant l’accent sur les insuffisances (par exemple, l’accès des femmes à la terre) et en s’efforçant de rechercher un équilibre entre ce qui doit être préservé et ce qui mérite d’être modifié. L'action de la Banque mondiale privilégie actuellement le dialogue sur les politiques publiques, la recherche, les investissements publics et le soutien opérationnel pour résoudre les questions d'occupation des terres. Elle facilite également le partage des pratiques exemplaires entre les pays et les régions. Outre son soutien spécifique à l’échelon des projets, la Banque mondiale continue à tirer parti de ses compétences techniques pour travailler avec les gouvernements afin de renforcer leurs institutions et d'évaluer le cadre général de la politique foncière. Par exemple, la Banque mondiale et ses partenaires ont élaboré un « Cadre d’analyse de la gouvernance foncière » (a) qui sert à évaluer l’état de la gouvernance foncière au niveau des pays selon un processus participatif s’appuyant sur l’expertise locale et sur les données existantes plutôt que sur l’avis de tierces parties ; des évaluations ont été effectuées ou sont en cours dans 32 pays (dont 20 en Afrique).