Programme en réponse à la crise alimentaire mondiale

11 avril 2013


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Ray Witlin/Banque mondiale

La Banque mondiale a réagi à la crise alimentaire mondiale du début de l’année 2008 à travers son Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale (GFRP), qui associe des financements accélérés provenant de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) et de l’Association internationale de développement (IDA) à des dons de fonds fiduciaires visant à atténuer les effets immédiats de la crise dans les pays clients, tout en soutenant la solidité future des systèmes agricoles. À ce jour, les ressources du GFRP ont financé des opérations à hauteur de plus de 1,6 milliard de dollars en faveur d’environ 66 millions de personnes vulnérables dans 49 pays, essentiellement sur le continent africain.

Défi

Mi-2008, le monde a connu une hausse brutale des cours des principales denrées alimentaires. L’indice des prix alimentaires de la Banque mondiale a augmenté de 60 % en à peine quelques mois (figure 1), les cours internationaux du maïs, du riz et du blé progressant de respectivement 70, 180 et 120 % par rapport à leur niveau de mi-2007. Inopinées, ces envolées des prix ont eu de profondes répercussions dans les pays en développement et auraient, selon la Banque mondiale, maintenu ou plongé dans la pauvreté 105 millions d’habitants dans les pays à faible revenu.

Depuis la crise de 2008, les prix alimentaires ont connu deux épisodes de brusque envolée, le premier intervenant début 2011. Après avoir perdu 30 % entre mi-2008 et mi-2010, l’indice des prix alimentaires de la Banque mondiale est subitement reparti à la hausse, renouant avec son niveau record de 2008 dès février 2011 (figure 1). La seconde escalade des prix alimentaires a eu lieu mi-2012, l’indice des prix alimentaires de la Banque mondiale gagnant 14 % entre janvier et août, tiré par le record historique atteint par les cours du maïs en juillet 2012, supérieur aux pics de 2008 et de 2011, avec une envolée de 45 % en un mois (mi-juin-mi-juillet).

Ces deux dernières flambées de prix ont également eu des répercussions dans les pays en développement mais dans des proportions globalement moindres qu’en 2008. Cela tient en grande partie au fait que ces pays ont dopé leur production céréalière depuis, réduit leurs factures d’importation et acheté le pétrole et les engrais moins cher qu’en 2008. Ils ont aussi tiré les leçons de la première crise alimentaire et ont donc réagi plus rapidement aux envolées des prix suivantes. En 2011, la hausse brutale des prix alimentaires aurait affecté entre 40 et 44 millions d’habitants dans les pays à revenu faible et intermédiaire.

Ces augmentations généralisées et durables des prix agricoles pointent les faiblesses structurelles du système mondial d’approvisionnement alimentaire. Comme le soulignent des analyses récentes (Rapport présenté au Comité du développement au printemps 2011, Rapport conjoint des organisations internationales au G20 et Rapport de suivi mondial 2012 de la Banque mondiale), le renchérissement des prix alimentaires internationaux et leur volatilité sont devenus des phénomènes de plus long terme. Ils devraient se répéter dans un avenir proche, sur fond d’incertitude durable de l’offre, elle-même entretenue par la faiblesse persistante des stocks de céréales, fragilisés par une demande qui devrait augmenter, selon les prévisions, et par le manque de réactivité inhérent au système d’approvisionnement mondial face aux chocs. Appelés à durer, ces phénomènes appellent une réponse proportionnée.

Solution

En 2008, le monde a connu ce qui semblait être une réplique des périodes de crise alimentaire des années 1960 et 1970. Il a donc fallu mettre en place rapidement des systèmes d’aide financière et de conseils stratégiques pour aider les pays à gérer ces situations sans compromettre l’avenir. C’est ce qui a conduit la Banque mondiale à créer son Programme d’intervention en réponse à la crise alimentaire mondiale (GFRP), qui offrait aux pays des solutions alternatives aux réactions d’urgence adoptées dans les années 1970, dont beaucoup ont impliqué la fermetures des frontières, des interventions de l’État sur les marchés des denrées alimentaires et des intrants et d’autres actions qui ont été reconduites bien après 1975 et ont eu pour effet de décourager pour de nombreuses années les investissements dans l’agriculture du côté des petits exploitants comme, plus largement, des marchés. En 2008, les mesures immédiates du GFRP ont cherché à stimuler les initiatives de protection sociale, renforcer la capacité budgétaire des pays affectés et maintenir le niveau de la production alimentaire à court et moyen termes, par l’octroi de ressources aux pays les plus pauvres et vulnérables. Avec le temps, les besoins des pays ont évolué dans un souci de rendre les dispositifs de protection sociale et de production alimentaire plus résistants à un contexte changeant, incitant le GFRP à s’adapter progressivement à ces attentes. Les principaux enseignements retirés ont été intégrés dans les activités de long terme de la Banque mondiale sur le plan de l’aide à l’agriculture et à la sécurité alimentaire, comme en témoigne la rapide montée en puissance des prêts agricoles ordinaires et du soutien de long terme à l’alimentation par le biais des fonds fiduciaires.

S’appuyant sur l’expertise du Groupe de la Banque mondiale, le GFRP a financé une assistance technique autonome, des prêts à l’appui des politiques de développement et des opérations d’investissement articulés autour de quatre volets : i) politiques de stabilisation des prix alimentaires et des marchés ; ii) actions de protection sociale visant à garantir l’accès à la nourriture et minimiser l’impact nutritionnel de la crise sur les personnes pauvres et vulnérables ; iii) renforcement de la production alimentaire nationale et de la commercialisation ; iv) appui à la mise en œuvre, communications, suivi et évaluation. Le GFRP rassemble plusieurs sources de financement et bénéficiait en mai 2008 d’un plafond de 1,2 milliard de dollars, relevé à 2 milliards en avril 2009, dont 200 millions provenant du Fonds fiduciaire d’intervention en réponse à la crise des prix alimentaires pris sur le compte d’excédent de la BIRD, complétés par 1,8 milliard de dollars en provenance de l’IDA et de la BIRD pour des prêts à décaissement rapide déjà accessibles aux pays et plusieurs autres fonds fiduciaires financés par des ressources extérieures en appui à tout l’éventail d’activités du GRFP.


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Index des prix alimentaires de la Banque mondiale, 2000-2012

Banque mondiale/DECPG

Résultats

Les interventions du GFRP ont bénéficié à un nombre très important de personnes et contribué à atténuer l’impact des flambées des prix alimentaires sur les plus vulnérables. Ensemble, les ressources du GFRP (Banque mondiale et fonds fiduciaires externes) ont touché 65,9 millions d’individus dans 49 pays. Au total, l’aide du GFRP financée par la Banque mondiale a profité à 57,3 millions d’êtres humains, sachant que le soutien aux programmes de protection sociale devrait avoir concerné 13,9 millions de personnes. L’appui aux interventions agricoles à court et moyen termes a, selon les estimations, profité à 8,7 millions de ménages agricoles à ce jour, soit 43 millions d’individus environ. Les opérations à l’appui des politiques de développement ont soutenu des politiques nationales dans 13 pays. Quant aux opérations du GFRP financées par les fonds fiduciaires externes, elles auraient aidé 8,6 millions de personnes supplémentaires.

Un nombre croissant d’éléments attestent de l’impact positif du GFRP dans plusieurs pays de l’IDA.

Au Bénin, la production de maïs a progressé de 53 897 tonnes grâce à la fourniture d’engrais, la production de riz gagnant elle 10 860 tonnes. L’augmentation de la production de céréales a permis d’alléger les tensions sur les prix : alors qu’en moyenne, le sac de 100 kilos de maïs valait 35 000 FCFA en 2008 (et 44 000 FCFA pour le riz), les prix avaient reculé à respectivement 15 000 et 25 000 FCFA le sac en 2009.

En République kirghize, 147 fonds communautaires de semences ont été mobilisés par le biais des financements du GFRP, bénéficiant à plus de 6 000 agriculteurs. Une comparaison des rendements obtenus par les agriculteurs membres de ces structures par rapport à ceux des agriculteurs non membres et à la moyenne nationale publiée par le Comité national des statistiques souligne pour 2011 tout l’intérêt de l’adhésion à ce programme. Les écarts de production de blé et de pommes de terre vont de 47 à 62 % en faveur des agriculteurs membres et sont imputables à la meilleure qualité des semences, à l’utilisation d’engrais et à une formation agronomique rudimentaire dispensée dans le cadre du programme.

Au Nicaragua, 609 000 repas ont été distribués dans des écoles maternelles et primaires, et les rapports officiels confirment l’impact positif de l’élargissement de la couverture du projet, même si d’autres facteurs entrent probablement en ligne de compte. Concrètement, on observe i) une augmentation des taux de rétention dans les écoles primaires publiques des zones visées de 84,8 % en 2008 à 96 % en 2009 puis 98,6 % en 2010 ; ii) une augmentation des taux d’assiduité dans les mêmes établissements de 78,8 % en 2008 à 83 % en 2009 et 80,8 % en 2010 ; et iii) la distribution de supports de formation sur la sécurité alimentaire et la nutrition dans les 1 624 écoles visées dans les régions du littoral Atlantique.

Au Yémen, 98 chantiers communautaires intensifs en main-d’œuvre ont été lancés dans huit gouvernorats, fournissant un emploi temporaire à 36 000 personnes en 2009. La majorité des ménages bénéficiaires ont utilisé les fonds pour leur consommation alimentaire, ce qui a permis d’amortir les chocs dus aux hausses des prix des denrées dans les communautés visées et d’éviter des conséquences à plus long terme sur le plan de la sécurité alimentaire.

En Sierra Leone, les réductions tarifaires pour cinq denrées de base en 2008 ont permis aux consommateurs d’économiser environ 7 millions de dollars pour leur alimentation. Cette baisse a été maintenue tout au long du projet, le don du GFRP venant compenser en partie le manque à gagner fiscal pour le gouvernement. La fourniture de quatre services publics prioritaires a par ailleurs été poursuivie, profitant à 24 800 personnes.

Aux Philippines, un des pays bénéficiant du soutien de la BIRD, le gouvernement a temporairement supprimé la taxe de 40 % frappant les importations de riz par le secteur privé. Cela a permis d’augmenter les quotas d’importation alloués au secteur privé et de favoriser des accords bilatéraux avec le Viet Nam et la Thaïlande. Conjuguées à la mise à disposition accélérée des stocks de riz, ces décisions ont entraîné un recul de 13 % des prix de détail entre juin et octobre 2008. L’aide budgétaire a par ailleurs contribué à augmenter les allocations budgétaires et non budgétaires du gouvernement en 2008 aux programmes d’aide sociale et facilité le déploiement à plus grande échelle d’un programme de transfert monétaire sous conditions afin de toucher 333 000 ménages.



Contribution du Groupe de la Banque mondiale

Au mois d’octobre 2012, les administrateurs de la Banque mondiale avaient approuvé 1,24 milliard de dollars de projets au titre du GFRP, dont 203 millions provenant du Fonds fiduciaire d’intervention en réponse à la crise des prix alimentaires, 836 millions de l’IDA destinés à 13 pays et 200 millions de la BIRD destinés à un projet aux Philippines. À ce jour, 95 % des fonds approuvés ont été décaissés.

Les ressources de la Banque mondiale ont financé 56 opérations dans 35 pays. Sur le total des opérations approuvées, 58 % des fonds ont été alloués à l’Afrique, 18 % à l’Asie du Sud, 17 % à l’Asie de l’Est et au Pacifique, 3,4 % à l’Amérique latine et aux Caraïbes, 2,1 % à l’Europe et à l’Asie centrale et 2 % au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord. Quarante-quatre pour cent des fonds sont allés à des projets d’appui à l’approvisionnement agricole, 34 % à des opérations à l’appui des politiques de développement pour étayer des politiques nationales et des actions institutionnelles face à la crise alimentaire, 20 % à des actions de protection sociale et 2 % à la gestion de projets, des activités de suivi-évaluation et un soutien aux opérations de communication.

La Banque mondiale est engagée dans un dialogue avec les gouvernants de plus de 40 pays pour les aider à surmonter la crise alimentaire. L’élaboration d’une évaluation rapide de la situation du pays, l’établissement de dialogues de haut niveau, des communications publiques et la réalisation d’analyses de fond font partie des instruments mobilisés. En Éthiopie par exemple, une étude est en cours sur les origines de l’inflation des prix alimentaires et les réponses politiques à apporter. Dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, la Banque mondiale a publié, en collaboration avec l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Fonds international de développement agricole (FIDA), un rapport intitulé « Améliorer la sécurité alimentaire dans les pays arabes ».

Partenaires

En plus des ressources de la Banque mondiale, trois fonds fiduciaires financés par des ressources extérieures ont accordé des subventions en appui à tout l’éventail d’activités prévues au titre du GFRP : i) un fonds fiduciaire multidonateurs a reçu des contributions du gouvernement australien (50 millions de dollars australiens), du gouvernement espagnol (80 millions d’euros), de la République de Corée (9,5 milliards de won), du gouvernement canadien (30 millions de dollars canadiens) et de la Société financière internationale (IFC) (150 000 dollars) ; ii) un fonds fiduciaire russe de réponse rapide à la crise alimentaire a reçu une contribution de 15 millions de dollars de la Fédération de Russie pour la République kirghize et le Tadjikistan ; et iii) l’Union européenne a contribué à hauteur de 112 millions d’euros pour appuyer des opérations dans dix pays. En octobre 2012, 344,5 millions de dollars d’engagements avaient été approuvés au titre des fonds fiduciaires du GFRP financés par des ressources extérieures, dont 56 % ont été décaissés à ce jour.

Des partenariats efficaces ont contribué au succès des opérations du GFRP ainsi qu’au renforcement des capacités institutionnelles dans de nombreux pays en développement. Dans onze pays, la Banque mondiale collabore à cet effet avec des agences des Nations Unies, dont le Programme alimentaire mondial (PAM), l’UNICEF, le FIDA et la FAO. Elle a noué des liens étroits avec les organisations de la société civile pour la conception, l’exécution et le suivi d’au moins 20 projets du GFRP dans 18 pays. Elle s’investit activement au sein de l’Équipe spéciale de haut niveau des Nations Unies sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire (HLTF), à travers notamment un soutien financier par le biais du Mécanisme d’octroi de dons pour le développement. Elle a de plus contribué à la révision du Cadre global d’action des Nations Unies.

Perspectives

Le mécanisme de financement rapide du GFRP étant arrivé à échéance le 30 janvier 2012, les nouveaux projets financés par la Banque mondiale ne peuvent plus bénéficier de ses procédures accélérées. La volatilité des prix alimentaires mondiaux est devenue un phénomène de plus long terme exigeant des actions concertées au-delà du GFRP. La Banque mondiale dispose actuellement de nouveaux instruments pour parer aux futures urgences, dont certains s’appuient sur l’expérience acquise avec le GFRP. Parmi eux, le guichet de financement des ripostes aux crises et le mécanisme de riposte immédiate de l’IDA ainsi que le cadre de gestion des engagements de la BIRD. Les responsables de la Banque mondiale ont également évoqué avec le Conseil des administrateurs l’opportunité de créer un mécanisme d’accès renforcé pour les pays emprunteurs de la BIRD qui offrirait une plus grande flexibilité en ce qui concerne les taux et les échéances. Quant aux projets en cours financés par le GFRP, la Banque mondiale s’attachera à leur mise en œuvre, en particulier dans le cas des projets couverts par les fonds fiduciaires financés par des ressources extérieures.

Les enseignements de l’expérience du GFRP ont été intégrés dans le Plan d’action pour l’agriculture 2013-15 du Groupe de la Banque mondiale, qui s’engage à maintenir les prêts dans une fourchette de 7 à 9 milliards de dollars par an et à mettre l’accent sur la réduction des risques et de la vulnérabilité à travers toute une palette d’options pour ses clients, afin qu’ils puissent se préparer aux situations d’urgence et réagir dans les plus brefs délais. La Banque mondiale continuera à renforcer les programmes et les partenariats mondiaux en complément de l’aide qu’elle apporte directement aux pays, y compris par la mobilisation de ressources additionnelles en faveur du guichet secteur public du Programme mondial pour l’agriculture et la sécurité alimentaire (GAFSP). Elle entend aussi rester un acteur international de premier plan sur les questions de sécurité alimentaire, par le biais notamment de sa participation à des forums internationaux comme l’Équipe spéciale de haut niveau des Nations Unies sur la crise mondiale de la sécurité alimentaire, le Comité des Nations Unies sur la sécurité alimentaire, le G8 et le G20.

MULTIMÉDIA

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66 millions
de bénéficiaires dans 49 pays, principalement en Afrique.




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