Selon le dernier Bulletin trimestriel d’information économique de la Banque mondiale consacré au Moyen-Orient et à l’Afrique du Nord (MENA), la croissance dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est révisée à la baisse à 2,6 % en 2015 et les perspectives à court terme restent « prudemment pessimistes ». Le rapport étudie les différentes façons — y compris la crise des déplacements forcés de population — dont les guerres civiles mettent à mal les économies de la région. Il cherche aussi à savoir comment la situation économique se rétablirait dans l’hypothèse du retour à la paix.
CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DE LA GUERRE
Le coût de la remise en état des infrastructures libyennes est estimé à 200 milliards de dollars sur les dix prochaines années. À la mi-2014, les dommages au stock de capital en Syrie s’élevaient entre 70 et 80 milliards de dollars. Les pays voisins de la Syrie (Turquie, Liban, Jordanie, Irak et Égypte) ont supporté la plus grande part de l’impact économique de la guerre. Les coûts pour ces cinq pays approchent les 35 milliards de dollars en perte de production, sur la base des prix 2007, soit l’équivalent du PIB de la Syrie en 2007.
Une évaluation provisoire des dommages conduite par la Banque mondiale dans six villes de Syrie (Alep, Dar’a, Hama, Homs, Idlib et Lattaquié) est arrivée à une estimation de 3,6 à 4,5 milliards de dollars à fin 2014. Fin 2014, les dommages au secteur du logement en Syrie représentaient plus de 65 % du total ; la remise en état du secteur de l’énergie dans les six villes coûtera entre 648 et 791 millions de dollars ; les dégâts causés aux infrastructures de santé ont été estimés entre 203 et 248 millions de dollars ; les dommages aux infrastructures du secteur de l’éducation ont été estimés entre 101 et 123 millions de dollars.
La persistance des conflits et des violences ont réduit à néant des années de progrès dans le domaine de l’éducation en Syrie, au Yémen, en Iraq et en Libye et créé des inégalités en matière d’accès à l’éducation. En Syrie, la guerre civile a empêché plus de la moitié (50,8 %) des enfants d’âge scolaire d’aller à l’école en 2014-2015. Au Yémen, le nombre de pauvres est passé de 12 millions avant la guerre à plus de 20 millions aujourd’hui, soit 80 % de la population.
Les pays frontaliers des zones de conflit (Turquie, Liban, Jordanie et Égypte), dont beaucoup se trouvent déjà dans une situation économique difficile, sont soumis à une pression budgétaire considérable. Selon les calculs de la Banque mondiale, l’arrivée de plus de 630 000 réfugiés syriens coûte plus de 2,5 milliards de dollars par an à la Jordanie, soit 6 % de son PIB et un quart de ses recettes publiques annuelles.
CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES DE LA PAIX
Peut-on remédier aux dommages économiques des guerres civiles ?
Mettre un terme aux guerres civiles dans la région MENA garantira l’amélioration des indicateurs macro-économiques en rétablissant la sécurité, l’augmentation des investissements et les activités de reconstruction. Les indicateurs sociaux s’en trouveront également améliorés dans la mesure où les fonds publics utilisés pour couvrir les dépenses militaires pourraient être réaffectés aux domaines de l’éducation et de la santé.
Malheureusement, la faiblesse de l’économie des pays qui se relèvent d’un conflit, un capital physique, humain et social endommagé, une pauvreté largement répandue, un taux de chômage élevé surtout chez les jeunes, sont des entraves au rythme et à a trajectoire de la reprise économique.
Un règlement de paix en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen pourrait entraîner un rapide rebond de la production et des exportations pétrolières, permettant à ces pays de disposer d’un plus grand volant budgétaire, d’améliorer la balance des paiements courants, d’accroître les réserves de devises, et de stimuler la croissance économique à moyen terme.
La région MENA, considérée comme la moins démocratique au monde, bénéficierait d’un passage pacifique à la démocratie. En prenant pour hypothèse que les transitions se soient produites dans les pays de la région MENA en 2015, la Banque mondiale estime que le taux de croissance du PIB par habitant atteindrait 7,78 % en 2020, contre 3,33 % en l’absence de passage à la démocratie.