- Dans le contexte d’essoufflement de l’économie mondiale, la croissance dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA) est révisée à la baisse à 2,6 % en 2015 et les perspectives à court terme restent « prudemment pessimistes ».
- Les principales raisons du ralentissement de l’activité sont les guerres civiles qui perdurent, les attaques terroristes et les prix bas du pétrole. En outre, l’affrontement récent entre l’Arabie saoudite et l’Iran pourrait accroître les dépenses militaires, en particulier dans les pays directement concernés et leurs alliés. Il pourrait aussi amplifier les risques géopolitiques, avec des répercussions sur l’investissement, le tourisme et le commerce dans une région déjà fragile.
- Les prix du pétrole ont de fortes chances de rester faibles. Le baril se négociait en dessous de 30 dollars en janvier 2016, soit environ un tiers du niveau nécessaire pour équilibrer les budgets nationaux des exportateurs de pétrole de la région MENA.
- Les importateurs de pétrole de la région sont confrontés aux retombées des conflits et des guerres civiles dans la région ou à l’insécurité provoquée par les attaques terroristes (ou les deux), qui leur coûtent plus cher que les économies réalisées grâce au pétrole bon marché.
- Avec des prix pétroliers autour de 30 à 35 dollars le baril cette année, les exportateurs de pétrole de la région MENA voient fondre leurs recettes budgétaires. Pour l’Arabie saoudite, le manque à gagner sera de 55 milliards de dollars en 2016, venant s’ajouter aux 110 milliards de dollars déjà perdus en 2015. Si le pays ne réduit pas ses dépenses, il aura épuisé ses réserves d’ici la fin de la décennie.
- La plupart des exportateurs de pétrole comptent sur les réformes des subventions aux carburants pour maîtriser leurs dépenses. L’Arabie saoudite a relevé les prix de l’essence de 50 % (à 0,24 dollar le litre) au 1er janvier 2016.
- À moins d’un règlement de paix, aucun sursaut de croissance n’est attendu à court terme dans les pays déchirés par la guerre – la Syrie, le Yémen, la Libye et l’Irak.
- D’après des estimations, la Syrie et l’Irak ont vu leur revenu par habitant diminuer en termes constants de 23 % et de 28 % par rapport aux niveaux qui auraient été atteints si la guerre n’avait pas éclaté.
- Les pays voisins de la Syrie (Turquie, Liban, Jordanie, Irak et Égypte) ont supporté la plus grande part de l’impact économique de la guerre. Les coûts pour ces cinq pays approchent les 35 milliards de dollars de manque à produire, mesurés en prix 2007, soit l’équivalent du PIB de la Syrie en 2007.
- Pour le seul Liban, on estime que la croissance du PIB réel a baissé de 2,9 points de pourcentage chaque année entre 2012 et 2014. Cette chute a fait basculer plus de 170 000 Libanais dans la pauvreté et multiplié par deux le taux de chômage qui a dépassé les 20 %, la plupart des chômeurs étant des jeunes non qualifiés.
- Selon les estimations de la Banque mondiale, l’accueil des réfugiés syriens coûterait à la Jordanie autour de 2,5 milliards de dollars par an, l’équivalent de 6 % du PIB et d’un quart des recettes annuelles de l’État.
- La guerre en Syrie a eu de graves répercussions sur le niveau de vie des pays voisins. Le revenu moyen par habitant aurait reculé de 1,1 % au Liban et de 1,5 % en Turquie, en Égypte et en Jordanie par rapport aux niveaux qui auraient pu être atteints en l’absence de guerre.
- La Banque mondiale estime qu’à la mi-2014, les dommages au stock de capital en Syrie s’élevaient entre 70 et 80 milliards de dollars. Le coût de la remise en état des infrastructures de la Libye est estimé à 200 milliards de dollars sur les dix prochaines années.
- Les besoins humanitaires au Yémen avoisinent les 1.6 milliards de dollars – et sont en hausse. Les besoins de reconstruction dans ce pays n’ont pas encore été estimés en raison des conflits en cours.
- Une évaluation provisoire des dommages conduite par la Banque mondiale dans six villes de Syrie est arrivée à une estimation de 3,6 à 4,5 milliards de dollars à fin 2014. L’évaluation a porté sur Alep, Dar’a, Hama, Homs, Idlib et Lattaquié, dans sept secteurs – logement, santé, éducation, énergie, eau et assainissement, transports et agriculture.
- Fin 2014, les dommages au secteur du logement en Syrie représentaient plus de 65 % du total ; la remise en état du secteur de l’énergie dans les six villes coûtera entre 648 et 791 millions de dollars ; les dégâts causés aux infrastructures de santé ont été estimés entre 203 et 248 millions de dollars ; les dommages aux infrastructures du secteur de l’éducation ont été estimés entre 101 et 123 millions de dollars.
- Les dommages humains sont irréversibles. D’après les chiffres des Nations Unies, plus de 13 millions d’enfants ne sont pas scolarisés en Syrie, au Yémen, en Irak et en Libye. Les conflits et les violences qui perdurent ont fait reculer de plusieurs années le niveau d’études.
- Les taux de chômage sont élevés chez les réfugiés, surtout chez les femmes, et parmi ceux qui ont un emploi, beaucoup travaillent dans le secteur informel sans aucune protection. Environ 92 % des réfugiés syriens au Liban n’ont pas de contrat de travail et plus de la moitié d’entre eux sont embauchés de manière saisonnière, à la semaine ou à la journée, pour des salaires minimes.
- Avant la guerre, plus de la moitié de la population du Yémen vivait dans une situation d’extrême pauvreté (en dessous de 1,9 dollar par jour) et plus de la moitié des jeunes étaient sans emploi. Ces chiffres ont grimpé depuis la guerre et aujourd’hui, plus de 20 millions de personnes, soit 80 % des Yéménites, sont considérés comme pauvres.
- Un règlement de paix en Syrie, en Irak, en Libye et au Yémen pourrait entraîner un rapide rebond de la production et des exportations pétrolières, permettant à ces pays de disposer d’un plus grand volant budgétaire, d’améliorer la balance des paiements courants, d’accroître les réserves de devises, et de stimuler la croissance économique à moyen terme.
- Si les conflits se calment dans la région, une transition pacifique vers la démocratie stimulera la croissance économique en encourageant l’investissement, la scolarisation, les réformes économiques, la fourniture de biens publics et en réduisant les troubles sociaux. En prenant pour hypothèse que les transitions se soient produites dans les pays de la région MENA en 2015, la Banque mondiale estime que le taux de croissance du PIB par habitant atteindrait 7,78 % en 2020, contre 3,33 % en l’absence de passage à la démocratie.