L’initiative pour la Corne de l’Afrique
Un nouveau rapport du Groupe de la Banque mondiale analyse les principaux facteurs qui ont conduit à la fragilité et l’instabilité de cette région. Il formule également des recommandations pour que des pays tels que le Kenya et la Somalie puissent y remédier avec l’appui de leurs partenaires internationaux.
Ce rapport détaille la nouvelle initiative de 1,8 milliard de dollars que la Banque mondiale s’engage à verser au cours des deux prochaines années pour stimuler la croissance économique, créer des opportunités, relancer les affaires et réduire la pauvreté dans huit pays de la Corne de l’Afrique : Djibouti, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Kenya, la Somalie, le Soudan du Sud, le Soudan et l’Ouganda.
« Ce nouveau financement représente une opportunité majeure pour les habitants de la Corne de l’Afrique de faire en sorte qu’ils aient accès à une eau propre, à une alimentation à haute valeur nutritionnelle, à des soins de santé, à l’éducation et à des emplois », a souligné Jim Yong Kim, président du Groupe de la Banque mondiale dès le début d’une mission conjointe avec les Nations Unies et d’autres partenaires, en Ethiopie, au Kenya et en Somalie. Il a ajouté que « la Corne de l’Afrique tient là une occasion unique de se libérer des cycles de sècheresses, de l’insécurité alimentaire, du manque d’eau et des conflits, en renforçant la sécurité, en distribuant les dividendes de la paix, tout particulièrement au bénéfice des jeunes femmes et hommes, et en favorisant la coopération transfrontalière ».
Cette initiative vient compléter et s’appuie sur les nombreux projets nationaux et régionaux déjà mis en œuvre par la Banque et d’autres partenaires du développement tels que la BAD, la CUA, l’UE, l’IGAD et la BID. Son objectif est de tirer parti de la collaboration régionale plus soutenue en matière de sécurité et de développement, des progrès réalisés dans certains pays (en Somalie par exemple) ainsi que des nouvelles opportunités économiques (liées entre autre aux découvertes de gisements de pétrole et de gaz dans la région).
Le 27 octobre 2014, faisant écho à l’annonce d’un financement d’1,8 milliard de dollars de la part du Groupe de la Banque mondiale, l’Union européenne s’est engagée à soutenir les pays de la région à hauteur de 3,7 milliards de dollars d’ici 2020, dont 10% seront consacrés au développement des activités transfrontalières dans la région. La Banque africaine de développement a garanti 1,8 milliard au cours des trois prochaines années. De son côté la Banque islamique de développement compte apporter un nouveau financement de près d’un milliard de dollars en faveur de ses quatre pays membres de la Corne de l’Afrique (Djibouti, de la Somalie, du Soudan et de l’Ouganda). Une enveloppe supplémentaire de 2 milliards de dollars pourrait être allouée par le Groupe de Coordination des institutions arabes de développement sur la période 2015-2017.
Quels enjeux dans la Corne de l’Afrique ?
Comme le souligne ce rapport, certains pays de la région enregistrent l’une des croissances les plus rapides au monde ; l’Ethiopie par exemple dont la croissance du PIB est en moyenne de 8,5%, ou encore le Kenya qui connaît une croissance économique proche de 6% ; mais aussi l’Ouganda avec une croissance de 5,3% de son PIB en 2013 et enfin Djibouti dont la croissance a atteint 4,8% en 2012. Nombre de ces pays disposent d’importantes ressources naturelles, de terres agricoles encore non exploitées et ont la chance d’avoir des communautés d’entrepreneurs innovants et avides de contribuer à l’essor économique de leur pays.
De nombreuses difficultés sont de nature régionale et ne peuvent donc être réglées sans une collaboration entre les pays. La région est déchirée depuis plusieurs années par des conflits, en Somalie, entre le Soudan et le Soudan du Sud, ainsi qu’entre l’Ethiopie et l’Erythrée. Des conflits internes ont aussi récemment éclaté au Soudan du Sud.
Le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon, à la tête d’une délégation internationale actuellement en mission dans la Corne de l’Afrique, a souligné que « les pays de la Corne de l’Afrique enregistrent des progrès considérables, qui restent cependant méconnus, sur le plan économique et politique. Il s’agit donc d’un moment propice pour soutenir leurs efforts, mettre fin aux cycles des conflits et à la pauvreté, et passer ainsi d’une situation de fragilité à un développement durable. Les Nations Unies s’associent aujourd’hui aux autres dirigeants d’organisations internationales et régionales pour mettre en place une approche conjointe et cohérente au service de la paix, de la sécurité et du développement dans la Corne de l’Afrique ».
Ces conflits et la famine ont provoqué le déplacement de millions de personnes dans ces pays et aux frontières. On recense aujourd’hui plus de 2,7 millions de réfugiés et plus de 6 millions de déplacés internes (DI) dans la Corne de l’Afrique. Le camp de Dadaab où habite Sarah, est le plus grand camp de réfugiés du monde et la troisième plus grande ville du pays.
Les zones frontalières sont souvent en proie aux conflits. La rareté des ressources associée à une croissance démographique rapide, à la pauvreté et au sous-développement de la région attisent les conflits intercommunautaires et les guerres civiles. Les zones frontalières ont toujours été perçues sous un angle sécuritaire par les pays de la région et n’ont jamais été une priorité de développement. La normalisation des relations entre les États voisins de la région est l’un des plus grands défis pour le développement de la Corne de l’Afrique.
La pauvreté se répand dans la Corne de l’Afrique. Même si le pourcentage de gens vivant avec moins d’un dollar par jour a baissé, il y a de plus en plus de pauvres. Selon le rapport, la population de cette région double tous les vingt-trois ans mais ne dispose pas d’un accès suffisant aux services essentiels tels qu’une eau propre, de la nourriture, des soins médicaux et l’éducation. La majorité des jeunes de 14 à 19 ans y sont au chômage. La principale priorité est d’augmenter leurs chances de développer des compétences professionnelles afin qu’ils obtiennent un emploi et éviter ainsi qu’ils ne basculent dans l’extrémisme et le crime organisé. Le rapport souligne aussi qu’il faut se soucier davantage des femmes et des enfants, et des victimes de la violence basée sur le genre, en particulier dans les camps de réfugiés.
Malgré ces difficultés, les pays de la Corne de l’Afrique collaborent de plus en plus afin de résoudre les défis de sécurité et de développement et renforcer les relations économiques avec leurs voisins. Il existe en effet des opportunités pour promouvoir la paix et réduire la pauvreté. L’Ethiopie, par exemple, exporte son importante production hydroélectrique, le Kenya a amélioré ses infrastructures de télécommunication et d’information (TIC) et Djibouti a entrepris de moderniser ses ports et son réseau électrique.