WASHINGTON, 9 mai 2019 – Si plusieurs pays d’Afrique subsaharienne ont su élargir l’accès à l’électricité ces dernières années, l’état général de l’électrification en Afrique est encore loin d’atteindre son plein potentiel. Un nouveau rapport de la Banque mondiale exhorte les gouvernements à repenser leurs plans d’électrification pour prendre en compte des aspects importants qui ont souvent été négligés.
Intitulé Electricity Access in Sub-Saharan Africa: Uptake, Reliability and Complementary Factors for Economic Impact (a), le rapport souligne que l’électrification est un investissement à long terme et un levier fondamental pour atteindre plus rapidement les objectifs de développement.
Il recense les obstacles à l’accès à l’électricité dans la région, dont notamment les faibles taux de pénétration dans les foyers et les entreprises (dans des pays comme le Libéria, le Malawi, le Niger, l’Ouganda et la Sierra Leone, tout particulièrement), et met plus généralement en lumière l’importance des facteurs liés à la demande, qui sont à l’origine en moyenne de près des deux cinquièmes du déficit d’accès à l’électricité. Le rapport met en évidence les multiples raisons pour lesquelles le raccordement au réseau n’est pas toujours possible pour les consommateurs, notamment l’inaccessibilité économique, l’irrégularité des revenus des ménages et, surtout, leur capacité insuffisante à augmenter leurs revenus grâce à l’accès à l’électricité.
« Le rapport montre que les facteurs liés à la demande pourraient expliquer près de 40 % du déficit d’accès à l’électricité dans la région », souligne Albert Zeufack, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique. « Il est indispensable que les gouvernements comprennent ces contraintes et les intègrent dans leur réflexion si l’on veut que les progrès soient viables financièrement. »
Le rapport indique qu’une baisse des prix s’impose pour accélérer l’accès à l’électricité, puisque la plupart des ménages n’ont pas les moyens de se raccorder au réseau et de payer des tarifs permettant aux services publics de couvrir leurs coûts, ni de supporter des niveaux de consommation significatifs. Or, si la baisse des tarifs réglementés est nécessaire pour rendre l’électricité plus abordable, elle risque d’exacerber les tensions financières qui pèsent sur les services publics concernés.
« La meilleure façon de rendre l’électricité plus abordable pour les ménages et les entreprises tout en améliorant la viabilité financière des fournisseurs de services est d’accorder la priorité à un usage de l’électricité destiné à des activités génératrices de revenus », explique Moussa P. Blimpo, économiste senior au bureau de l’économiste en chef de la Banque mondiale pour la Région Afrique et auteur principal du rapport.
Pour atteindre cet objectif, le rapport recommande de s’atteler d’abord à la résolution des problèmes de fiabilité énergétique et note que les travaux d’électrification doivent s’accompagner d’investissements connexes. Il faudra pour cela adopter une démarche mieux coordonnée, pour que d’autres infrastructures nécessaires viennent compléter l’électrification en temps utile.
Le rapport cite en exemple les données relatives au Rwanda, qui montrent qu’un capital humain plus développé et un meilleur accès au marché peuvent dynamiser l’esprit d’entreprise et créer des emplois non agricoles plus productifs. En outre, les auteurs constatent que l’accès aux marchés et aux services financiers est un facteur essentiel de l’augmentation du revenu des ménages, quel que soit le niveau de capital humain.
L’électrification de l’Afrique, qui se caractérise par de fortes disparités entre régions urbaines et rurales, pourrait libérer un potentiel économique inexploité dans de nombreuses zones rurales, en favorisant notamment les cultures de contre-saison et les activités agroalimentaires sources de valeur ajoutée, à condition que l’accès à l’électricité s’accompagne d’investissements connexes pour développer des activités économiques productives. Le rapport préconise de s’engager dans deux grandes démarches susceptibles d’accroître l’accès à l’électricité, d’augmenter le taux de raccordement, d’améliorer la fiabilité du réseau et de démultiplier les impacts tout en s’attaquant aux causes profondes des freins à la demande :
- Envisager l’électrification comme un investissement de long terme, nécessaire à la transformation économique. Les plans de développement de l’accès à l’électricité ne devraient pas être évalués uniquement en fonction des effets positifs de l’électrification à court terme, peu susceptibles de couvrir ses coûts. Il est important de financer les coûts initiaux de manière cohérente dans le temps.
- Lever les obstacles qui limitent la demande, à chaque étape des plans d’électrification. Pour s’attaquer aux causes profondes des freins à la demande, comme l’inaccessibilité des tarifs et les logements inadaptés, il conviendra de viser avant tout des retombées économiques positives en privilégiant les mesures suivantes :
- Cibler et promouvoir un usage productif de l’électricité afin d’augmenter le revenu des ménages, d’améliorer leur capacité de paiement, de favoriser la viabilité financière des services publics en intensifiant la consommation et de contribuer aux finances publiques grâce aux recettes fiscales pouvant financer des investissements.
- Garantir avant tout la fiabilité de l’alimentation électrique partout où elle est accessible, car c’est un enjeu capital pour que la fourniture d’électricité soit rentable.
- Travailler de concert avec d’autres secteurs pour tirer parti d’investissements connexes et fournir les moyens appropriés au développement d’activités économiques productives.
- Exploiter les dernières avancées technologiques pour la production électrique hors réseau afin de mettre en œuvre une stratégie d’usages productifs, en particulier dans les zones rurales.