Préambule
1. Nous, Chefs d’État et de gouvernement du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, nous sommes réunis à Nouakchott, en République islamique de Mauritanie, le 5 décembre 2021.
2. Nous remercions Son Excellence Monsieur Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, président de la République islamique de Mauritanie, d’avoir pris l’initiative de cette importante rencontre et de nous avoir accueillis dans la tradition de l’hospitalité sahélienne. Nous avons discuté des enjeux de développement que partagent nos pays, convenu de solutions et d’objectifs communs pour améliorer l’apprentissage des enfants et des jeunes de nos pays, et souligné le rôle essentiel du financement du secteur de l’éducation, dans un contexte marqué par la pandémie de la COVID-19 et la crise sécuritaire dans la région du G5 Sahel.
3. Nous exprimons nos sincères remerciements à l'ensemble de nos partenaires au développement pour les actions déjà mises en œuvre et leur engagement au service de l’éducation de notre jeunesse.
4. Nous saluons la politique du Groupe de la Banque mondiale, pour son approche collaborative manifestée par l’écoute, la compréhension et le partage des défis, pour mieux accompagner nos États dans la mise en œuvre de leurs stratégies nationales, comme en témoigne le lancement aujourd’hui de son Livre blanc sur l’éducation au Sahel.
5. Le présent document, la « Déclaration de Nouakchott », représente le résultat de nos discussions. Il constitue un cadre de référence pour la priorisation et la coordination de nos politiques, pratiques et actions dans le domaine de l’éducation au cours des années à venir.
Approche stratégique de l’éducation au Sahel :
6. Nous affirmons qu’un enseignement de qualité pour toutes et pour tous constitue pour notre région le fondement d’un avenir où la prospérité est durable et profite à chacun. Un développement durable et équitablement partagé requiert des citoyennes et citoyens qui bénéficient d’une scolarisation adaptée à nos besoins et nos réalités, dans un monde qui évolue tous les jours. Un système éducatif performant augmente la productivité et l’emploi, et mène à de meilleurs résultats en matière de santé, de fonctionnement des institutions publiques, et de préservation de la paix. Au cours des quinze dernières années, nos pays ont enregistré d’importants progrès dans ce secteur, ayant doublé le nombre d’inscriptions dans l’enseignement primaire et triplé celui dans l’enseignement secondaire.
7. Afin d’étendre ces succès, nos pays doivent continuer à développer un système éducatif où les enfants arrivent à l’école prêts à apprendre dès leur plus jeune âge et où enfants et adolescents acquièrent de manière efficace et durable les compétences fondamentales qui leur seront essentielles tout au long de leur vie. Cet objectif exigera de développer des politiques innovantes pour améliorer la qualité de l’éducation. Même parmi les enfants scolarisés, beaucoup d’entre eux ne savent ni lire, ni comprendre un texte court à la fin du cycle d’enseignement primaire. Ce problème touche en particulier celles et ceux qui ont le plus besoin d’un enseignement de qualité : les filles, les enfants habitant en zone rurale, ceux dont les parents ont été peu ou pas scolarisés et les familles affectées par l’insécurité. Nos sociétés souffrent des conséquences de cette pauvreté des apprentissages dans des matières de base comme la lecture et le calcul : abandon scolaire élevé, promotion sociale entravée et main-d’œuvre peu qualifiée. Un environnement où tous nos jeunes, en particulier les filles et jeunes femmes, ne se sentent pas en sécurité pèse non seulement sur leur formation mais aussi sur la suite de leur vie adulte et sur nos sociétés.
8. Dans la perspective de cet avenir meilleur que nous promet un enseignement de qualité, nous sommes convaincus qu’il faut prioriser trois objectifs fondamentaux : (i) consolider les acquis en matière d'accès à l'école à travers un investissement dans les infrastructures garantissant des conditions d'apprentissage et de confort satisfaisantes et réduire la pauvreté des apprentissages, (ii) augmenter la participation des filles à l’enseignement secondaire, et (iii) renforcer les compétences de base des jeunes adultes qui ont quitté l’école, y compris l’alphabétisation. Tout en sachant l’importance de chacune des composantes du système éducatif, nous avons donné la priorité à ces trois objectifs particulièrement déterminants au vu de leur potentiel de transformation de nos sociétés. Tout en tenant compte des spécificités de chacun de nos pays, nous reconnaissons les défis que nous avons en commun : la professionnalisation du corps enseignant, la modernisation des programmes éducatifs, l’amélioration des pratiques pédagogiques et le renforcement de l’évaluation des acquis scolaires.
9. Pour soutenir ces efforts, nous reconnaissons l’importance de la part des dépenses publiques affectées à l’éducation, qui doivent être équilibrées entre généralisation des prestations de base qui profitent à la majorité de la population et investissements de pointe qui stimulent durablement et structurellement la croissance et par là même l’emploi. Nous confirmons par ailleurs notre engagement en faveur d’une coopération régionale où les coûts comme les bénéfices sont équitablement partagés. En mettant l’accent sur les résultats, nous visons un rendement meilleur de nos dépenses publiques en éducation, a fortiori avec des ressources limitées pour une demande de scolarisation toujours croissante. Nous confierons à nos communautés la possibilité de s’impliquer à leur niveau local pour mettre en œuvre les innovations qui profitent à leurs écoles et leurs élèves et nous encouragerons aussi la participation du secteur privé en assurant la qualité de ses prestations.
10. Grâce à ces efforts, nous continuerons à construire ensemble l’avenir de notre région sahélienne. L’éducation est bel et bien la richesse de demain et la voie vers une prospérité partagée. Nous sommes parfaitement conscients que ces initiatives ne pourront pas porter tous leurs fruits au cours de la seule période de notre mandat politique, mais nous agissons dès aujourd’hui pour mieux servir les jeunes d’aujourd’hui et de demain et garantir leur avenir. Nous invitons nos chers compatriotes, nos partenaires nationaux et internationaux et autres parties prenantes, à se joindre à nous dans cette noble et nécessaire entreprise. En transformant efficacement et dès à présent nos systèmes éducatifs, nous pourrons faire de nos écoles l’espace d’épanouissement et de rayonnement que méritent nos enfants, nos adolescents et nos jeunes adultes. Nous n’avons pas de temps à perdre !
11. Pour ce faire, nous nous engageons à :
a. Prioriser dans nos politiques, actions et financements la consolidation des acquis en matière d'accès à l'école, la réduction de la pauvreté des apprentissages, la participation accrue des filles à l’enseignement secondaire, et le renforcement des compétences de base des jeunes adultes qui ont quitté l’école, y compris par l’alphabétisation ;
b. Adopter pour chacun de ces objectifs une valeur chiffrée pour les années 2025 et 2030, pour responsabiliser nos gouvernements et nos populations face à ces engagements, et par là même, alléger et dépasser les lourdeurs administratives qui ont souvent freiné les progrès que nos enfants et adolescents méritent ;
c. Assurer le développement de la petite enfance afin que tous et toutes arrivent à l’école en mesure d’apprendre tout au long de la vie ;
d. Améliorer significativement le mode de recrutement, de formation, de motivation et de déploiement des enseignants et faire participer nos systèmes éducatifs aux programmes internationaux périodiques d’évaluation des acquis scolaires et autres apprentissages ;
e. Augmenter la part de l’éducation dans les dépenses publiques et dans le produit intérieur brut pour atteindre au minimum le niveau de la moyenne de l’Afrique sub-saharienne au plus tard en 2030, tout en nous efforçant d’améliorer le rendement et la qualité de ces dépenses ;
f. Affecter une plus grande part du budget à l’enseignement primaire et au premier cycle de l’enseignement secondaire, tout en priorisant de manière sélective des programmes du second cycle de l’enseignement secondaire - y compris technique et professionnel - et de l’enseignement supérieur qui apporteraient une valeur ajoutée certaine à nos économies et à nos populations.
Le 5 décembre 2021 à Nouakchott, République islamique de Mauritanie
Liste des participants à la réunion ayant adopté la déclaration :
Burkina Faso, Mauritanie, Mali, Niger, et Tchad.
Excellence Mohamed Ould Cheikh Ghazouani,
Président de la République islamique de Mauritanie
Excellence Mohamed Bazoum,
Président de la République de Niger
Excellence Shoguel Kokalla Maiga,
Premier Ministre de la République du Mali
Excellence Ouaro Stanislas,
Ministre de l’éducation nationale
Chef de délégation de la République du Burkina Faso
Monsieur Djmasbeye Ngarbim,
Directeur des formations des Enseignants
Ministère de l'éducation nationale,
Chef de la délégation de la République du Tchad