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DISCOURS ET TRANSCRIPTIONS

Allocution d’ouverture de Makhtar Diop à l'université du Michigan: initiative STEM-Africa

01 avril 2014


Makhtar Diop, vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique Ann Arbor, Michigan, États-Unis

Tel que préparé pour l'allocution



Mesdames et Messieurs les Ministres,
Madame le Doyen/Monsieur le Vice-doyen,
Mesdames et Messieurs les Membres du corps professoral,
Chers Étudiants,
Mesdames et Messieurs,
Distingués invités,

 

Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour parler des défis et des opportunités que représente le développement des sciences et de la technologie en Afrique, une entreprise menée en partenariat avec des leaders mondiaux de l’enseignement supérieur tels que l’Université du Michigan. Mais, en bon adepte du basketball, je tiens tout d’abord à féliciter les Wolverines pour leur formidable parcours tout au long de la March Madness, lequel a été couronné par la palpitante victoire face au Tennessee la nuit de vendredi et par le match très serré contre le Kentucky dimanche. Vous avez bien des raisons d’être fiers – ce qui ajoute d’ailleurs au plaisir d’être ici à Ann Arbor aujourd’hui.

Revenons maintenant à ce qui nous réunit ce jour. Je tiens avant tout à remercier les organisateurs de cette importante rencontre, les professeurs Khumbah et Kannatey-Asibu, pour le rôle de premier plan qu’ils jouent dans l’établissement de partenariats avec des universités africaines et pour avoir réuni des spécialistes et des professionnels de diverses disciplines qui s’intéressent à l’Afrique. Cette initiative, qui est la première du genre, permet de créer un puissant réseau d’universitaires de même sensibilité appartenant à la communauté de l’enseignement supérieur aux États-Unis.

Le Centre des études africaines qu’abrite cette université témoigne clairement de l’attachement profond et significatif de cette institution au continent – dans les domaines des sciences et de la technologie, de la recherche, de l’éducation et de la culture. L’initiative STEM-Africa soutient de jeunes scientifiques et fait avancer des réseaux de recherche associés à des institutions en Afrique, et votre programme présidentiel de bourses d’études pour l’Afrique contribue largement au développement de la carrière de professeurs africains qui viennent dans le Michigan pour bénéficier de l’encadrement d’un membre du corps professoral de l’Université. Les programmes d’études à l’étranger, notamment en Afrique du Sud, au Ghana, en Tanzanie et au Kenya, offrent aux étudiants de cette université des possibilités d’enrichir leur connaissance du continent -- et puis-je d’ailleurs suggérer que vous envisagiez un programme dans un pays francophone, par exemple le Sénégal, mon pays d’origine ?

« STEM-Africa » -- est une initiative qui me tient à cœur depuis des années et qui est essentielle à la réussite de l’Afrique en ce XXIe siècle. Comment pouvons-nous partir de là pour réaliser ensemble des choses encore plus grandioses ?

Comme beaucoup d’entre vous le savent, plus de la moitié de la population de l’Afrique subsaharienne est âgée de moins de 25 ans, et au cours de chacune des dix prochaines années, 11 millions de jeunes Africains devraient faire leur entrée sur le marché du travail. Ce dividende démographique, comme on l’appelle, est une occasion formidable pour l’Afrique de constituer un capital humain précieux qui sera le moteur de la transformation économique de notre continent. En clair : ce ne sera effectivement un dividende que si ces jeunes sont éduqués, formés et prêts à l’emploi. De ce point de vue, le défi pour nous est d’améliorer les acquis de l’apprentissage. Après des décennies d’intervention limitée dans l’éducation post-secondaire, le Groupe de la Banque mondiale et d’autres partenaires mettent maintenant l’accent sur l’enseignement supérieur, ce qui n’a que trop tardé, et plus important encore, sur le contenu des études universitaires et les aptitudes dont ont besoin les étudiants pour entrer sur le marché du travail et contribuer à la croissance et au développement de l’Afrique.

Nous sommes maintenant à la croisée des chemins : le défi consiste à passer du « Yes, we can » à « Yes, we do », c’est-à-dire de l’idée qu’il s’agit de quelque chose de possible à l’action concrète. Au cours de la décennie écoulée, l’Afrique a enregistré une croissance économique exceptionnelle, qui s’établissait à 4,5 % en moyenne par an, à la faveur d’une gestion macroéconomique prudente. Il est maintenant temps d’enregistrer une croissance économique qui s’accompagne d’une réduction de la pauvreté et des inégalités, et d’un plus grand apport en valeur ajoutée sur le continent. De nouveaux gisements miniers étant de toute évidence découverts tous les mois, la capacité des Africains à extraire, raffiner et commercialiser ces ressources se renforce progressivement. Avec des villes africaines en plein essor, la capacité à nourrir les populations urbaines grâce à une augmentation de la productivité agricole et à l’amélioration des infrastructures d’approvisionnement est essentielle à la sécurité alimentaire. Et il ne s’agit pas que de trajectoire de croissance économique soutenue, mais aussi de durabilité de la croissance de l’Afrique. L’impact disproportionné du changement climatique sur l’Afrique ouvre des perspectives importantes pour des initiatives conjointes de recherche (sur les effets de la hausse du niveau des mers sur le littoral ; sur les variétés de semences résistantes à la sécheresse ; et sur les énergies renouvelables, pour ne citer que ces exemples). Ces initiatives sont mutuellement bénéfiques pour les scientifiques du continent et ceux de l’extérieur. De même, la collaboration dans le domaine de la médecine peut aider à renforcer les connaissances scientifiques des médecins locaux et internationaux, tout comme l’édification d’institutions fortes sera essentielle aux progrès de la recherche sur des maladies telles que le VIH/SIDA. Plus récemment, l’épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest a souligné les besoins locaux en matière de dépistage, de diagnostic et de laboratoires. De même, la richesse de la biodiversité africaine et la vaste gamme de possibilités qu’offre le codage à barres de l’ADN ouvrent, pour les scientifiques africains et étrangers, des perspectives extraordinaires au plan de la recherche.

Comment parviendrons-nous à apporter cette valeur ajoutée en Afrique ? Nous devons corriger les déséquilibres séculaires qui existent dans les systèmes éducatifs de l’Afrique, et rattraper le retard dans le développement des capacités scientifiques et technologiques sur le continent. La situation actuelle est en partie un héritage du passé colonial de l’Afrique, une ère où les programmes scolaires étaient conçus pour produire des fonctionnaires chargés de gérer l’État, en privilégiant les disciplines non scientifiques. Aujourd’hui, les diplômés africains ayant des compétences de niveau secondaire et supérieur ont généralement des formations en sciences humaines et sciences sociales, et la proportion de ceux ayant étudié les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques est inférieure à 25 % en moyenne. En outre, les femmes sont sous-représentées dans les catégories et professions qui touchent aux sciences et à la technologie. Pour inverser cette tendance, il faut doter la nouvelle génération de jeunes Africains talentueux et ambitieux des compétences et connaissances modernes nécessaires pour concevoir et appliquer des solutions africaines aux problèmes de l’Afrique. D’où le caractère impérieux de l’initiative STEM-Africa : la collaboration est essentielle au succès des travaux scientifiques, et les universités américaines et africaines ont beaucoup à gagner en unissant leurs forces.

La diaspora africaine basée ici aux États-Unis représente un puissant moteur pour la promotion des sciences et de la technologie dans le continent. Sans elle, il serait difficile de susciter un intérêt nouveau pour soutenir les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques en Afrique. Pour mobiliser sa précieuse contribution, il faudra l’appui d’un éventail de parties prenantes, à savoir les décideurs, les institutions financières internationales et les universitaires, ici comme en Afrique. Le système d’enseignement supérieur des États-Unis est le leader mondial dans la production de connaissances, et un nombre important d’Africains obtiennent leurs diplômes dans des institutions américaines. Ce partenariat, et la rencontre de ce jour, marquent une première étape importante vers la concrétisation de la contribution des institutions basées hors de l’Afrique au renforcement des capacités du continent dans les domaines des sciences, de la technologie, de l’ingénierie et des mathématiques.

Il y a trois semaines, j’étais au Rwanda pour un forum sur l’enseignement supérieur, les sciences et la technologie, auquel ont assisté des ministres d’un certain nombre de pays africains, ainsi que des universitaires et des scientifiques de pays partenaires notables tels que l’Inde et la Chine, avec un appui important du Brésil et de la Corée. Cette conférence de deux jours s’est conclue par un « Appel à l’action », lequel fixait des objectifs ambitieux afin que les investissements stratégiques dans les sciences et la technologie aident à accélérer l’évolution de l’Afrique vers une société du savoir en l’espace d’une génération. Plus précisément, cette conférence a fixé un objectif audacieux, celui de doubler en une décennie, c’est-à-dire d’ici 2025, le pourcentage de diplômés universitaires africains dans les domaines des sciences et de la technologie. Là aussi, il y a une leçon à tirer du passé où les pays africains concentraient leur attention sur la scolarisation primaire universelle. Nous voyons maintenant l’importance des résultats de l’apprentissage et de la véritable prestation de services. La formation en sciences, en technologie et en mathématiques est indispensable à l’amélioration de la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. Parmi les instruments servant à améliorer la qualité de l’éducation, on citera les examinateurs externes, la comparaison continue à des normes de performance, et une comparabilité accrue entre les normes des pays. Comme le professeur Khumbah l’a proposé lors du dîner hier soir, pourquoi ne pas mettre en place un GRE africain qui permettrait de mesurer davantage l’amélioration des résultats dans l’enseignement supérieur en Afrique ?

Ces objectifs ambitieux exigent un ensemble de choix que les pays africains devront opérer, et une approche différente de la part de nos amis et partenaires, y compris les universités basées hors de l’Afrique, et de la part d’institutions de développement comme la Banque mondiale. Un certain nombre d’initiatives ont été prises ces dernières années, à l’instar de l’Université africaine des sciences et de la technologie d’Abuja au Nigéria. Ce type d’institution doit passer à une plus grande échelle et se muer en initiative plus audacieuse à travers le continent.

C’est une entreprise onéreuse que de produire des enseignants bien formés qui mettront en place le capital humain qui sera constitué de la prochaine génération d’étudiants africains. Il s’agit de faire des investissements sélectifs coordonnés dans des centres régionaux d’excellence afin d’optimiser le peu de ressources disponibles et de créer des synergies entre des groupes sous-régionaux de pays. Je ne prétends pas qu’il s’agit là de décisions faciles à prendre – concernant par exemple le choix de la ville qui abritera tel ou tel centre d’excellence – car la fierté nationale et la politique entrent souvent en jeu.

Pour sa part, la Banque mondiale a des activités en cours qui soutiennent les sciences et la technologie au Nigéria, en Tanzanie et au Sénégal. Ce mois-ci, nous présenterons à notre Conseil d’administration notre « Projet de création de centres d’excellence en Afrique », qui amènera les universités de tout le continent africain à collaborer pour résoudre les problèmes de développement communs. Ce projet portera sur des secteurs phares tels que les industries extractives, l’énergie, l’environnement, la santé, l’agriculture et les TIC. Alors que la première phase du projet sera axée sur les universités d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale, la Banque lancera dans l’année à venir la deuxième phase qui sera consacrée à l’Afrique de l’Est et à l’Afrique australe. En travaillant ensemble, ces partenaires régionaux peuvent mettre en place des laboratoires communs, établir des normes communes de recherche et développement, et, surtout, échanger leurs connaissances et leur expertise. C’est avec puissance que la coalition STEM-Africa regroupe chacun d’entre vous ici présent, des fondations, le secteur privé et des institutions financières internationales comme la Banque mondiale autour des priorités définies par la communauté universitaire africaine. Au-delà des frontières du continent, nous mettons à profit la vaste expérience du Brésil, de la Chine, de l’Inde et de la Corée dans le cadre de notre Partenariat pour les sciences appliquées, l’ingénierie et la technologie (ou PASET). Cette initiative Sud-Sud dans le domaine de l’apprentissage est une riche source de connaissances qui doit aider à renforcer l’enseignement supérieur dans les institutions africaines.

Dans le passé, les fameux « programmes de formation en alternance » ont joué un rôle important dans l’enseignement supérieur à l’étranger. Mais les universités en Afrique doivent passer au niveau supérieur de l’excellence locale. Un certain nombre d’universités américaines et européennes ont établi des campus et des programmes à l’étranger – notamment en Asie et au Moyen-Orient – mais le nouveau territoire à explorer c’est l’Afrique. Une université américaine a ouvert un campus au Rwanda, et les étudiants de la première cohorte obtiendront leur diplôme plus tard cette année. Voilà un exemple important de coopération et d’appui d’une université étrangère : la construction du campus et la mise en place d’un programme EN Afrique, adaptés aux normes culturelles et aux exigences locales, pour renforcer le capital humain des Africains sur leur continent. Ces universités « pionnières » auront un avantage important, car c’est un marché en pleine croissance qui ne peut que se développer dans la mesure où la croissance économique de l’Afrique demeure robuste. Cela représente une occasion formidable d’exporter le savoir, mais aussi de réaliser, en Afrique, un travail de recherche et d’apprentissage mutuellement bénéfique.

Des partenariats entre universités contribueront certes à améliorer la qualité et la richesse de l’enseignement scientifique, mais nous devons également faire en sorte que les étudiants puissent mettre en pratique ce qu’ils ont appris une fois diplômés. Une partie de la solution consiste à amener le secteur privé à soutenir ces centres – par exemple, les entreprises extractives peuvent aider à financer des programmes universitaires scientifiques et technologiques et investir ainsi dans la prochaine génération de techniciens et recrues d’entreprises. Il faut pour cela des coalitions et des partenariats innovants – le financement de ces universités ne saurait en effet être la seule responsabilité du secteur public. Des liens plus étroits entre les universités et le secteur privé permettront de faire en sorte que les étudiants obtiennent leur diplôme en ayant acquis des compétences qui correspondent aux besoins réels des employeurs. J’ai exhorté les ministres africains de l’Enseignement supérieur à encourager la représentation du secteur privé dans les conseils des universités, à associer les employeurs à des programmes de formation professionnelle, et à collaborer directement avec le secteur privé à l’élaboration de programmes de formation. Nous encourageons également les partenaires du secteur privé en Afrique à offrir des opportunités d’apprentissage, des stages et des programmes de certification pour aider à combler l’écart entre les programmes d’enseignements universitaires et les réalités du marché du travail.

Cette approche a toujours été un atout majeur ici aux États-Unis, et je me félicite de constater qu’un certain nombre d’institutions africaines évoluent dans ce sens. Les universités publiques au Kenya étaient parmi les premières à mener une réforme de la structure académique et à ouvrir leurs conseils à des représentants du secteur privé et de la société civile. Il en est de même du Sénégal, où le renforcement des liens avec les employeurs est un élément crucial d’un nouveau programme de réformes visant à améliorer la qualité et la pertinence de l’enseignement supérieur. Certains membres éminents du secteur privé en Afrique ont déjà indiqué leur vif intérêt à rejoindre et à soutenir ce mouvement. La Banque mondiale organisera bientôt une table ronde avec eux et signera un protocole d’accord le mois prochain pour des projets de coopération.

Il s’agit donc d’adopter une approche cohérente et coordonnée afin d’éviter d’avoir une multitude de programmes.  Fixons-nous un objectif commun, à savoir que nous nous engageons, d’ici la fin de l’année prochaine, à soumettre à l’examen des chefs d’État et décideurs africains une série de mesures cruciales à prendre. Si ces mesures sont approuvées, nous nous engagerons à travailler ensemble pour les mettre en œuvre.

Je me réjouis à la perspective d’approfondir ce partenariat avec l’Université du Michigan et d’autres universités américaines en vue de faciliter le déploiement des « meilleurs et des plus brillants » pour aider à relever les défis de l’Afrique. Les étudiants ici présents, les doctorants de demain, et vos professeurs sont bien placés pour participer à des échanges universitaires en Afrique afin d’aider à atteindre ces objectifs ambitieux. Vos idées sur les programmes d’échanges et initiatives conjointes de recherche pour concrétiser ce vœu sont les bienvenues.

Le moment n’a jamais aussi propice pour l’initiative STEM-Africa : la jeunesse de l’Afrique sera le moteur de la croissance et de la prospérité du continent pour la prochaine génération – mais seulement si nous lui en donnons les moyens. Je vous remercie une fois de plus pour l’honneur qui m’est échu d’ouvrir la séance d’aujourd’hui, et pour le leadership dont vous faites preuve ici dans le Michigan pour promouvoir des partenariats solides avec les universités africaines. J’ai hâte de travailler avec vous pour faire avancer cette initiative dynamique.

 

Je vous remercie de votre attention. 


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