I Introduction : un point d’inflexion majeur
Dans un village des montagnes de la province chinoise de Guizhou — un village comme il en existe aussi en Afrique, en Amérique centrale ou en Inde — les habitants se réunissent pour parler de l’avenir. Ils ne veulent pas la charité, ils ne veulent pas qu’on leur impose de nouvelles politiques, ils ne veulent certainement pas écouter les discours de dignitaires de passage. Ils veulent une opportunité. Ils sont prêts à tourner la page. Le somme-nous ?
Deux éminents professeurs d’Harvard, spécialistes des affaires publiques et d’histoire, Richard Neustadt et Ernest May, ont réuni leur savoir dans un ouvrage intitulé « Thinking in Time ». Selon eux, les « leçons de l’histoire » ont souvent été appliquées à mauvais escient, ce qui s’est traduit par l’adoption de décisions malencontreuses. Il vaut mieux se fonder sur l’histoire pour encourager une réflexion temporelle et replacer les questions d’actualité dans le contexte des expériences accumulées et des possibilités à venir. L’histoire soulève des questions plus qu’elle ne fournit de réponses.
Quelles sont donc les questions, quelles sont les possibilités d’avenir qu’il nous faudrait examiner durant cet automne 2011 si incertain ? Et quel est le rapport entre les problèmes actuels et les événements passés ?
Les prochaines Assemblées annuelles du Groupe de la Banque mondiale sont un lointain écho de la réunion tenue par les représentants de 44 États à Bretton Woods, dans le New Hampshire, en 1944.
En 1944, le monde était encore en proie à un conflit qui a coûté la vie à 60 millions de personnes.
Le problème à résoudre était colossal : déterminer pourquoi les relations diplomatiques et les économies de 1919 avaient connu des échecs aussi catastrophiques dans les années 20 et 30 ; concevoir un nouveau système économique international multilatéral ; faire la paix et reconstruire pour l’avenir.
Cette conférence historique a préparé le terrain à trois projets qui ont formé la base de ce que nous qualifions encore aujourd’hui de système de Bretton Woods :
Un projet fondé sur la création du Fonds monétaire international pour financer les déséquilibres à court terme des paiements internationaux et gérer les ajustements des taux de change, et ainsi éviter une concurrence monétaire et des sorties de capitaux motivées par une politique du chacun pour soi pouvant fracturer les économies et les sociétés ;
Un projet fondé sur la création de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement, devenue la Banque mondiale, pour mettre des capitaux à long terme à la disposition d’États ayant besoin d’investissements et d’aide, afin de promouvoir la croissance économique et le commerce international et donner espoir à des sociétés épuisées par la guerre.
Et un projet conçu pour réduire les obstacles au commerce international, promouvoir des marchés ouverts, et prévenir l’amorce de spirales descendantes nourries par un protectionnisme de représailles et des conflits économiques.
Les architectes de Bretton-Woods ont créé un système adapté à leur monde.
Quel était donc ce monde ?
Dans ce monde, malgré les ravages laissés par la guerre, la part du PIB mondial venant des économies développées était de l’ordre de 80 %, dont 40 % pour les seuls États-Unis.
Dans ce monde, plus des deux tiers du commerce étaient imputables aux économies développées.
Dans ce monde, la majeure partie des territoires qui sont maintenant des pays en développement étaient encore des colonies.
L’architecture multilatérale de 1944 perdure depuis maintenant près de 70 ans. Elle a pu grincer et gémir — notamment à la suite des chocs monétaires et pétroliers des années 70, de la débâcle de l’endettement des pays en développement dans les années 80 et des phases d’expansion et d’effondrement des années 90 — mais le système est resté intact, pour l’essentiel.
Malgré tous ses points faibles, les critiques qu’il a suscité et les réparations ponctuelles dont il a fait l’objet, le système de Bretton Woods a fourni le cadre nécessaire à une ère d’expansion sans précédent et à la transformation économique la plus réussie et la plus importante jamais accomplie en si peu de temps. Certains États ont doublé leur PIB par habitant en 10 ans alors qu’il avait fallu aux pays maintenant industrialisés 25 ans, au XIXe siècle, pour parvenir à ce résultat.
Le système de Bretton Woods n’est toutefois ni inattaquable, ni inaltérable.
Ce que nous ont principalement appris les fondateurs de Bretton Woods c’est qu’il est nécessaire d’avoir la sagesse de reconnaître qu’une mutation s’est produite, et l’intelligence et la volonté de faire face et de s’adapter à une nouvelle donne — d’agir avec audace et de manière décisive, mais dans un esprit de coopération.
Les signaux d’avertissement d’une histoire en marche clignotent de nouveau : ils sont rouges ou oranges mais aussi verts dans quelques cas. Relèverons-nous les défis de 2011 en évoquant avec nostalgie les époques révolues ? Refuserons-nous de vraiment les reconnaître en pratiquant la politique de l’autruche ? Chercherons-nous à rejeter le blâme sur autrui, en laissant nos querelles masquer les possibilités ?
Serons-nous pusillanimes ?
Ou nous attaquerons-nous à ces défis directement, de manière constructive, créative ? Baserons-nous nos raisonnements sur l’expérience tout en menant une réflexion adaptée au temps présent ? Saurons-nous accepter des circonstances totalement différentes pour trouver le moyen de permettre à tous les hommes — et à toutes les femmes — de tous les pays de progresser de concert ?
II Les plaques tectoniques bougent
Comme à chaque grande mutation historique, il nous faut chercher à savoir qui se passe réellement.
Les plaques tectoniques bougent.
Dans les années 90, les pays en développement contribuaient pour environ un cinquième à la croissance mondiale. Aujourd’hui, ils sont le moteur de l’économie mondiale.
Dans les années 90, les pays en développement étaient associés à un peu plus de 20 % des investissements mondiaux. Aujourd’hui, ils en attirent environ 45 %.
Au cours des 10 dernières années, les pays en développement ont connu une croissance presque quatre fois plus rapide que celle des pays développés, et ils devraient se maintenir sur cette trajectoire.
Selon certaines prévisions, d’ici 2025, six grandes économies émergentes — le Brésil, la Chine, la Fédération de Russie, l’Inde, l’Indonésie et la République de Corée — seront collectivement à l’origine de plus de la moitié de la croissance mondiale.
Nous vivons déjà dans un monde dans lequel, si les 32 provinces de la Chine étaient des pays — et ces provinces sont plus peuplées que la plupart des États de la planète — elles compteraient parmi les 33 pays affichant la croissance la plus rapide au monde depuis 30 ans.
À présent, la Chine est responsable de plus de la moitié de la consommation mondiale de ciment ; de près de la moitié de la consommation mondiale de minerai de fer, d’acier et de fonte ; et d’un tiers de la consommation mondiale d’œufs. À présent, la Chine est le plus gros consommateur de minerais tels que le cuivre, aluminium et le nickel. À présent, les entrées nettes d’IED en Chine sont de l’ordre de 180 milliards de dollars, contre environ 40 milliards de dollars il y a seulement 10 ans.
Lorsque la Chine aura achevé d’établir les fondations de sa croissance, sa demande de matériels et de minéraux se tassera quelque peu — mais l’Inde prendra la relève.
Nous ne vivons plus dans le monde qui existait en 1944.
Prenons garde toutefois à compter sur la poursuite d’une évolution régulière. Comme le savent bien les dirigeants chinois, le modèle de croissance actuelle de ce pays ne peut pas durer. La Chine reconnaît qu’elle doit faire face aux défis que posent la dégradation de l’environnement, les inégalités, l’utilisation des ressources, la situation démographique, l’augmentation de la productivité et sa trop grande dépendance envers les marchés étrangers.
Si la Chine parvient à porter son revenu par habitant à 16 000 dollars à l’horizon 2030 (contre 4 000 dollars actuellement) — ce qui est une hypothèse raisonnable — cette évolution aura sur l’économie mondiale un effet équivalent à l’addition de 15 Corée du Sud. Il est difficile de voir comment cette situation pourrait perdurer dans un modèle de croissance entraîné par l’exportation et l’investissement.
Les prévisions du déclin inévitable des économies avancées me laissent aussi sceptique. Sous réserve que des mesures crédibles, qui sont absolument faisables — et non pas des solutions de court terme — soient prises dans le domaine de la dette et des déficits pour rétablir la confiance, et mettent l’accent sur des réformes structurelles et fiscales pour promouvoir la croissance du secteur privé, stimuler la productivité et créer des emplois, les économies avancées pourront changer de direction et aller de l’avant. Les prédictions d’une stagnation et d’un déclin inévitables — qu’elles reflètent le pessimisme qui régnait en Europe centrale, tel qu’exprimé par Oswald Spengler, ou l’hypothèse de la stagnation avancée par l’éminent économiste keynésien de Harvard, Alvin Hansen — se sont toutes révélées erronées.
Le temps n’est pas non plus venu de dire que les économies développées ne peuvent plus se permettre de relever les défis qui se posent au-delà de leurs frontières. En 1947, dans les États-Unis d’Harry Truman, l’Américain moyen produisait moins d’un tiers de ce que produit chaque Américain aujourd’hui. Si la génération de 1947, qui avait moins d’un tiers de notre patrimoine individuel actuel, pouvait considérer résolument les enjeux mondiaux — ne devrions-nous pas pouvoir en faire de même ?
Les Américains, les Européens, les Japonais et les citoyens d’autres pays du monde développé contribuent de manière cruciale à l’innovation, à l’investissement, à la technologie, à la sécurité et, certes, au développement. Leur contribution continue d’assurer les bases du système international actuel. Il est dans l’intérêt des grands États développés — et dans celui du monde entier — de se joindre à d’autres nations pour être les architectes de l’avenir.
Des mutations fondamentales ont lieu, mais cela veut dire que nous devons moderniser, et non pas abandonner, le multilatéralisme.
Des mutations fondamentales ont lieu, mais cela veut dire que nous devons démocratiser le développement, et non pas nous réfugier derrière nos frontières ou nous accrocher aux certitudes conférées à tort par d’anciennes vérités.
Cela veut dire que nous devons modifier nos conceptions passées et cesser d’apposer des étiquettes restrictives, mais non renier notre engagement envers le multilatéralisme.
Considérons ces étiquettes.
« Le Premier monde » et « le Tiers-monde » le « Nord » et le « Sud », « développé » et «sous-développé », « avancé » et « émergent », « donateur » et « bénéficiaire », « prestataire » et « quémandeur », « riche » et « pauvre », « les autres » et « nous autres ».
Le langage de développement est le langage de l’ancienne hiérarchie. Le vieux monde, l’ordre ancien. Et il ne laisse pas d’être quelque peu hypocrite.
Lorsque des pays qui génèrent 50 % de leur électricité à partir du charbon disent aux pays plus pauvres qui n’ont pas d’autres sources d’énergie de ne pas utiliser le charbon — ils leurs disent vraiment « Faites ce que je dis et non ce que je fais. »
Lorsque des pays qui affichent un important déficit budgétaire prêchent la discipline financière aux pays pauvres — ils leur disent vraiment « Faites ce que je dis et non ce que je fais. »
Lorsque des pays rendent hommage au libre-échange mais opposent des barrières aux pays en développement — ils leurs disent vraiment « Faites ce que je dis et non ce que je fais. »
Lorsque des pays prônent le maintien de niveaux d’endettement tolérables par les pays les plus pauvres alors qu’ils affichent, quant à eux, des niveaux d’endettement sans précédent — ils leur disent vraiment « Faites ce que je dis et non ce que je fais. »
Une économie mondiale fondée sur le principe du « Faites ce que je dis et non ce que je fais » ne peut que se fracturer, au détriment de tous.
Les attitudes établies peuvent, et doivent, changer.
III Les anciens modèles ne sont plus adaptés
Nous voyons déjà des signes de changement.
Dans le monde entier, ce ne sont plus les modèles européens, japonais ou américains que les pays en développement s’efforcent d’imiter.
Les systèmes de transferts monétaires conditionnels mexicains et brésiliens reçoivent beaucoup d’attention pour la manière novatrice dont ils permettent de garder les enfants à l’école, d’améliorer les taux de mortalité infantile et maternelle et de surmonter la pauvreté sans grever les budgets.
Le programme de réformes suivi par la Turquie au cours des 10 dernières années est source d’inspiration pour les réformes en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
Singapour, avec son économie ouverte, ses pôles de services, sa lutte contre la corruption et son adaptation incessante à l’évolution des conditions, est admirée dans des contrées aussi lointaines que l’Afrique, les États du Golfe et la Russie.
Le modèle indien des services de technologies de l’information est reproduit au Ghana, au Kenya, à Madagascar, au Mozambique, au Nigéria, au Rwanda, au Sénégal et en Tanzanie.
Les systèmes de transports en commun colombiens sont l’aboutissement de pratiques jugées les meilleures au plan international et ont été adoptés par des villes de toute la région, de Mexico jusqu’à Santiago et Lima.
Les relations entre les pays en développement transforment le monde en développement tel que nous le connaissions.
Dans les années 90, les pays en développement importaient 15 % de leurs marchandises d’autres pays en développement. Ce pourcentage est maintenant trois fois plus élevé.
En 2008, les IED Sud-Sud représentaient un tiers total des investissements étrangers directs dans les pays en développement ; cette proportion s’accroît et est maintenant probablement plus proche de 40 %.
Selon les estimations des Nations Unies, entre 1996 et 2006, la part des investissements étrangers effectués par des économies en développement dans le seul secteur de l’infrastructure a dépassé plus de 39 % en Afrique et atteint presque 43 % en Asie et presque 16 % en Amérique latine.
Les pays en développement ne sont par ailleurs plus uniquement des bénéficiaires de l’aide — ils en sont également la source. En 2008, les nouveaux bailleurs émergents ont contribué entre 12 et 15 milliards de dollars à l’aide au développement — soit entre 10 et 15 % du montant provenant des pays développés donateurs traditionnels — et ce chiffre est probablement une estimation prudente.
Il est vrai que les pays en développement sont, eux aussi, en proie à de multiples problèmes. Environ 75 % des être humains ayant moins de deux dollars par jour pour vivre se trouvent dans des pays à « revenu intermédiaire ». On peut comprendre que les pays en développement soient préoccupés par les nouvelles responsabilités qui leur sont imposées.
Que cela signifie-t-il pour l’avenir ?
IV La nouvelle normalité est l’absence de situation normale
La nouvelle « normalité » sera « l’absence de situation normale ».
La nouvelle normalité sera dynamique et non pas statique — et un nombre croissant de pays influeront sur le système multilatéral. Certains États peuvent également être en perte de vitesse. Les économies montantes deviendront membres de nouveaux réseaux — de pays, d’institutions internationales, de la société civile et du secteur privé — dans des combinaisons diverses et sous des formes différentes. Ces nouveaux réseaux prendront la place des anciennes hiérarchies.
Dans cette nouvelle normalité, les pays devront continuellement assurer leur place dans les affaires économiques mondiales et non plus compter la préserver du fait de leurs antécédents ou de prérogatives officielles.
Dans cette nouvelle normalité, la situation sera fluide et parfois volatile : les chocs et les crises seront plus nombreux mais les pays auront aussi de plus amples opportunités de tirer profit de l’économie mondiale.
Dans cette nouvelle normalité, il s’agira d’accélérer la croissance et non pas simplement de la déplacer — de créer de nouveaux emplois lorsque les anciens perdront de leur valeur ; d’exploiter le potentiel d’une croissance durable et verte ; d’encourager le secteur privé à innover, à créer de nouvelles technologies et à répondre à des besoins qui évoluent.
Dans cette nouvelle normalité, il s’agira de reconnaître que l’emploi est bien plus qu’un produit dérivé de la croissance, et de comprendre comment il peut contribuer à la fois à relever les conditions de vie, accroître la productivité, promouvoir des transformations sociales positives et renforcer la cohésion sociale.
Dans cette nouvelle normalité, la puissance économique sera intelligente : ceux qui réussiront seront ceux qui s’emploieront à tirer parti des idées et de l’expérience de tous les pays, quelle que soit l’étiquette qui leur avait été autrefois attribuée.
Dans cette nouvelle normalité, l’important sera de pouvoir se faire entendre — pour les femmes dans leurs communautés, pour les citoyens dans leur pays, pour les États dans le système international. Comme nous l’avons vu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, dans cette nouvelle normalité, il s’agira de la responsabilité sociale, de la transparence des actions des pouvoirs publics, de la société civile. Il s’agira du pouvoir des citoyens qui transforment notre monde alors même que nous nous efforçons de rattraper le mouvement. Nous devons leur fournir notre appui.
V Des parties prenantes responsables
S’adapter à ce nouveau monde ne signifie pas procéder à de modestes aménagements du pouvoir de vote dans les instances de gouvernance du FMI et du Groupe de la Banque mondiale.
Il ne s’agit pas non plus pour les pays en développement de recevoir des instructions des pays développés
Il ne s’agit pas des relations Nord-Sud, ou de politiques à somme nulle faites de plaintes et de blâmes.
S’adapter à ce nouveau monde signifie reconnaître que nous devons tous, maintenant, être des parties prenantes responsables.
Dans une économie mondiale interdépendante, oui, il faut que la Chine soit une partie prenante responsable.
La Chine doit un partenaire commercial responsable ; se diriger vers un système de taux de change responsable ; assurer une protection responsable de la propriété intellectuelle ; procéder à des investissements responsables ; et poursuive des politiques environnementales responsables. Mais il ne s’agit pas simplement de la Chine.
L’Europe, le Japon et les États-Unis doivent aussi être des parties prenantes responsables. Ces nations ont atermoyé bien trop longtemps pour éviter de prendre des décisions difficiles, et maintenant les options qui leur restent sont limitées et douloureuses.
L’économie mondiale est entrée dans une nouvelle zone de danger sans guère avoir de marge de manœuvre, car les pays européens ne veulent pas accepter la réalité difficile des responsabilités partagées qu’impose une monnaie commune.
Le Japon résiste aux réformes structurelles économiques et sociales qui pourraient redynamiser son modèle économique en perte de vitesse.
Les États-Unis sont confrontés à des déficits d’une ampleur sans précédent en temps de paix, et semblent loin de pouvoir s’entendre sur une démarche concertée qui permettrait de s’attaquer aux facteurs de l’endettement.
La crise de 2008 et celles qui l’on précédé l’on clairement montré : plus on tarde, plus les mesures à prendre sont lourdes, et plus elles sont douloureuses.
La zone Euro n’assume pas ses responsabilités lorsqu’elle prête serment de fidélité à une union monétaire sans vouloir procéder à une intégration fiscale qui permettrait à l’union monétaire de fonctionner correctement ou accepter les conséquences d’États membres non compétitifs en proie à une crise de la dette. Les États-Unis n’assument pas leurs responsabilités lorsqu’ils ne s’attaquent pas aux questions fondamentales que soulèvent la croissance intolérable des dépenses au titre des droits acquis, la nécessité d’un régime fiscal propice à la croissance et une politique commerciale au point mort.
À moins que l’Europe, le Japon et les États-Unis ne puissent également faire face à leurs responsabilités, ce ne sont pas uniquement leurs économies qui souffriront, mais l’économie mondiale toute entière.
Il ne s’agira plus alors de déplacements des plaques tectoniques qui font des marchés émergents les nouveaux moteurs de l’économie mondiale. Il s’agira de déplacements des plaques tectoniques qui forcent les pays développés à donner de rudes coups de frein.
Les marchés émergents ne resteront pas sur la touche ; ils n’accepteront plus le monde hiérarchique de 1944 des dirigeants et des subalternes, et ses sphères d’influence, dans lequel ils étaient dénués de toute influence, de tout pouvoir.
Ce que nous a appris 1944 c’est la nécessité de faire preuve d’esprit de décision, de déterminer comment aller de l’avant dans un système multilatéral changé.
Il n’est plus possible de naviguer à vue
Si nous ne devançons pas les événements, si ne nous adaptons pas à l’évolution de la situation, si nous nous refusons à abandonner des tactiques politiques axées sur le court terme ou à admettre que le pouvoir est source de responsabilités, nous nous laisserons emportés par des courants dangereux. C’est ce que nous a appris l’histoire, et cela vaut pour nous tous, économies développées et économies émergentes.
Mais si nous trouvons la bonne voie, l’avenir offre des perspectives considérables.
VI Que pourrait signifier ce Nouveau Monde pour le développement ?
Au cours des 25 dernières années, la proportion de la population pauvre vivant dans les pays en développement a été réduite de moitié.
En seulement quatre ans, les taux de mortalité juvénile ont chuté de 25 % dans 18 pays africains.
Au cours des 10 années qui ont précédé la crise financière, les économies d’Afrique subsaharienne affichaient des taux de croissance de l’ordre de 5 à 6 % en moyenne, et la majeure partie des pays africains ont déjà amorcé une reprise et amélioré leur situation par rapport à ce qu’elle était avant la crise. S’il était possible de maintenir ces taux de croissance, le PIB africain doublerait en quelque 12 ans, et augmenterait d’environ 50 % par habitant, ce qui permettrait aux pays de dégager des recettes publiques pouvant financer des investissements d’un niveau sans précédent dans leurs populations, leur productivité et leurs infrastructures — et, bien sûr, de réduire la pauvreté.
Les perspectives d’avenir reposent aussi sur le secteur privé.
Le secteur privé a montré ce qu’il pouvait accomplir avec l’investissement de 77 milliards de dollars consacré aux réseaux de télécommunications d’Afrique subsaharienne au cours des 10 dernières années, qui a permis de porter le nombre d’abonnés à des services de téléphonie mobile de moins de 10 millions à près de 400 millions.
Les possibilités offertes par une croissance entraînée par le secteur privé ressortent clairement de l’explosion des investissements des pays en développement dans les industries manufacturières et dans l’infrastructure.
Elles ressortent clairement de la rapide progression des fonds de participation et d’autres investisseurs qui cherchent des opportunités de faire travailler des capitaux privés dans les pays en développement.
Ce que je veux dire est très simple : le monde se caractérise aujourd’hui par une interdépendance économique, commerciale et financière que nul n’aurait pu imaginer en 1944 ;
Nous sommes aujourd’hui témoins d’innovations et de découvertes scientifiques et nous communiquons par des moyens que nul n’aurait pu imaginer en 1944 ;
Nos chaînes d’approvisionnement et nos systèmes logistiques traversent continents et océans.
Nous observons de multiples pôles de croissance et de nouvelles puissances économiques ainsi qu’un schéma de développement Sud-Sud.
Aucune de ces évolutions n’était envisagée en 1944.
Pouvons-nous intégrer ces changements dans un multilatéralisme modernisé et redynamisé pour créer une nouvelle économie mondiale ? Sans relations de dépendance ? Sans division simpliste entre donateur et bénéficiaire ?
Un monde au-delà de l’aide ?
VII Un nouvel état d’esprit : au-delà de l’aide
Avant la mise en place du système de Bretton Woods, l’aide extérieure visait essentiellement à faire face à des crises humanitaires engendrées par des famines, des inondations, des tremblements de terre, ou des populations fuyant des conflits.
Après les ravages causés par la Deuxième guerre mondiale, puis la décolonisation, il a semblé utile de fournir une aide pour donné un élan aux investissements privés qui pouvaient être entravés par l’insuffisance de l’épargne intérieure, les contrôles de capitaux ou la précarité des conditions économiques. L’aide est également devenue un moyen de se faire des appuis dans le monde de la concurrence bipolaire de la Guerre froide.
Le monde tel qu’il existait en 1944 a changé — radicalement. Le moment est venu de repenser l’aide.
Les transformations observées ne signifient pas que l’aide n’a plus de rôle à jouer — ni que les pays développés n’ont pas à honorer les engagements qu’ils ont pris à ce titre ou encore qu’il nous faut faire abstraction des accomplissements qu’elle a permis.
Au cours des 10 dernières années, le Groupe de la Banque mondiale a travaillé avec les 79 pays les plus pauvres du monde par l’intermédiaire de l’Association internationale de développement, de son Fonds pour les plus pauvres, pour assurer un accès à des services de santé de base, de nutrition ou de population à plus de 47 millions de personnes ; pour améliorer la nutrition de 98 millions d’enfants ; pour donner accès à des sources d’eau améliorées à plus de 113 milliards d’êtres humains et pour vacciner 310 millions d’enfants.
Pour des millions d’être humains du monde entier, cette aide reste une question de vie ou de mort. Elle reste un moyen précieux de permettre aux pays de grimper l’échelle de la croissance.
C’est le cas dans la Corne de l’Afrique, où il est urgent de fournir une aide pour aider les plus de 12 millions de victimes non seulement de la sécheresse la plus dévastatrice survenue en 60 ans mais aussi de la brutalité des hommes qui se battent au mépris des conséquences.
C’est le cas en Afghanistan, où des programmes d’aide bien ciblés ont réellement contribué à fournir un accès à des services d’éducation et des soins de santé de base, permis d’améliorer les moyens de subsistance dans les zones rurales, soutenu la croissance du secteur privé, favorisé l’habilitation des communautés et leur participation au développement.
Il reste beaucoup à faire pour atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement. Il reste beaucoup à faire pour atteindre le milliard d’habitants les plus pauvres — presque 1,5 milliard aujourd’hui — qui vivent dans des pays en proie à la fragilité, à des conflits et à la violence. Aucun de ces pays n’a encore atteint un seul objectif du Millénaire pour le développement.
Mais l’aide n’est pas éternelle.
Elle ne doit pas non plus être ce que les pays développés donnent une main tandis que de l’autre, ils empêchent les pays en développement de pénétrer sur les marchés agricoles et ceux d’autres produits, ou limitent leur accès à des sources d’énergie durables.
Dans un monde au-delà de l’aide, l’assistance sera intégrée — et liée — à des stratégies de croissance mondiale, essentiellement pilotées par l’investissement privé et l’entreprenariat. L’objectif recherché sera non pas la charité mais la poursuite d’intérêts mutuels par le biais de l’édification d’un plus grand nombre de pôles de croissance.
Dans un monde au-delà de l’aide, la poursuite de politiques économiques rationnelles par les pays du G-7 revêtira autant d’importance que le pourcentage du PIB représenté par l’aide.
Dans un monde au-delà de l’aide, les accords du G-20 sur les déséquilibres, sur les réformes structurelles, sur le subventionnement des combustibles fossiles et sur la sécurité alimentaire revêtiront autant d’importance que le pourcentage du PIB représenté par l’aide.
Dans un monde au-delà de l’aide, les marchés émergents avancés aideront ceux qui le sont moins en les faisant bénéficier de leur expérience, de marchés ouverts, d’investissements et de nouveaux types d’assistance.
Dans un monde au-delà de l’aide, les nouveaux instruments de placement comme Asset management Corporation, mis en place par l’IFC, créeront de nouveaux circuits d’intermédiation du capital par le biais d’investissements privés.
Dans un monde au-delà de l’aide, les nouveaux instruments financiers assureront les petits agriculteurs contre les risques de sécheresse, ou les pays contre les risques d’ouragan, créeront des marchés obligataires en monnaie nationale et mobiliseront de nouveaux capitaux, et permettront le développement de nouvelles bourses de marchandises ou d’instruments de couverture pour les pays en développement.
Dans un monde au-delà de l’aide, le soutien de l’innovation et les découvertes scientifiques permettront de développer des cultures résistant à la sécheresse, plus nutritives et ayant de meilleurs rendements ; de créer des sources d’énergie rationnelles non émettrices de carbone ; et de trouver de nouveaux vaccins permettant de sauver des vies.
Les pays développés doivent comprendre qu’il est dans leur intérêt d’aider les pays en développement à se placer sur une trajectoire de croissance durable. Il leur faut honorer leurs engagements. Mais il faut aussi admettre que le climat de l’aide s’assombrira par suite des problèmes d’endettement auxquels sont confrontés les bailleurs de fonds.
Les contribuables ont le droit de savoir que la Banque mondiale et les autres institutions de développement sont, elles aussi, des intervenants responsables.
Nous devons faire mieux pour prouver l’efficacité de l’aide, montrer que l’argent dépensé l’est à bon escient et montrer les résultats obtenus. Nous devons mobiliser l’aide de manière plus efficace en faisant appel à de nouveaux instruments, et nous devons accroître la gamme des sources de financements en assurant la participation de plus nombreuses parties prenantes grâce à l’adoption d’approches plus novatrices.
VIII Que veut dire, concrètement, un monde au-delà de l’aide ?
Que veut dire, concrètement, un monde au-delà de l’aide ?
Au niveau national, dépasser le stade de l’aide signifie mobiliser et exploiter l’épargne et les recettes intérieures de manière transparente ; promouvoir l’inclusion financière en assurant à tous, mais en particulier aux femmes, un accès à des services financiers, en particulier de crédit et d’épargne ; et réaliser des financements en monnaie nationale par l’intermédiaire des marchés financiers locaux.
Cela signifie une politique de bonne gouvernance, d’ouverture et de transparence, qui facilite une participation citoyenne influente.
Cela signifie investir dans la population, notamment en mettant en place des filets de sécurité efficaces, en assurant des services de base et une éducation de qualité débouchant sur des formations et des emplois —en exigeant des institutions et des agents de l’État qu’ils remplissent leur mission au lieu de simplement représenter des intérêts établis.
Cela signifie encourager les entrepreneurs, les petites entreprises, l’investissement privé et l’innovation.
Cela signifie investir dans l’infrastructure pour construire les fondations de la productivité future — notamment en forgeant des partenariats public-privé novateurs.
Cela signifie investir dans la connectivité tout en recueillant des données et en partageant des informations. Dans cette nouvelle économie mondiale, la disponibilité de données et d’informations de qualité sera au moins aussi importante que l’aide financière. L’initiative de la Banque mondiale pour « Ouvrir l’accès aux données, aux connaissances et aux solutions » témoigne déjà du pouvoir de l’information. De l’égalité des genres à la politique commerciale, la Banque mondiale peut offrir un bien public en générant des données, en les diffusant et en parrainant d’autres entités qui nous aideront à démocratiser le développement.
Au plan régional, dépasser le stade de l’aide implique un processus d’intégration pour élargir les marchés, faciliter la logistique afin de stimuler le commerce, rationaliser les systèmes douaniers, fournir de l’énergie et investir dans les infrastructures régionales.
Au plan international, cela implique des innovations multilatérales pour réaliser des progrès dans l’ouverture du commerce et des investissements, de l’accès à l’énergie, de la sécurité alimentaire, de la concurrence au niveau des services et du changement climatique — sans nécessairement attendre que tous se joignent à ces efforts mais en allant de l’avant lorsqu’il est possible de forger des coalitions à l’appui de progrès.
Cela implique d’avoir recours au système multilatéral — y compris au G-20 — pour examiner les nouvelles possibilités d’action et de financement -- en donnant à tous un rôle.
Pour le Groupe de la Banque mondiale, aller au-delà de l’aide signifie poursuivre les transformations entreprises pour devenir un partenaire du savoir ouvert — en exploitant, recherchant, adaptant et partageant les informations, les expériences et les solutions émanant du monde entier. Le Groupe de la Banque pourra jouer le rôle d’investisseur et aussi d’intermédiaire pour les investissements axés sur l’édification de marchés et d’institutions et sur le renforcement des capacités, que ce soit aux différents échelons des administrations publiques, ou au niveau des entreprises ou de la société civile. Elle pourra catalyser l’action dans un modèle de développement démocratisé. Elle pourra promouvoir des solutions multilatérales aux problèmes économiques et de développement et à ceux que posent la pauvreté et le risque. Enfin le Groupe de la Banque pourra être le champion d’une croissance solidaire et durable.
Il y a trois ans j’ai proposé une innovation : une solution à 1 % dans le cadre de laquelle les fonds souverains, nouvelle source d’épargne mondiale, investiraient 1 % de leurs actifs pour promouvoir la croissance de l’Afrique. Asset Management Company (IFC) a mis cette idée en œuvre et investit actuellement dans les marchés insuffisamment visés — l’Afrique, ainsi que l’Amérique latine et les Caraïbes. Le montant total des engagements dans les fonds d’AMC dépasse maintenant 4 milliards de dollars — dont presque 3 milliards proviennent d’investisseurs extérieurs tels que des fonds souverains et des fonds de pension qui ne s’étaient jusque-là guère intéressés aux marchés émergents.
IX La solution à 50 %
Je souhaite aujourd’hui proposer une autre idée, qui pourrait nous rapprocher d’un monde au-delà de l’aide : une solution à 50 %.
Les femmes constituent 50 % de la population mondiale et 40 % de la population active à l’échelle de la planète. En Afrique, elles sont les piliers de leur communauté. Elles représentent la majorité des agriculteurs et produisent 80 % de la nourriture du continent.
Et pourtant, les femmes ne possèdent qu’un pour cent du patrimoine mondial.
Les femmes et les filles des pays en développement sont moins susceptibles que les hommes de vivre au-delà de la première ou de la petite enfance, ou de survivre jusqu’à la fin de leurs années reproductives.
Les femmes sont moins susceptibles d’être rémunérées pour leur travail, de produire des cultures rentables ou d’être propriétaires d’actifs tels que des terrains.
Les femmes sont moins susceptibles d’influencer les décisions de la famille, ou de contrôler les ressources au sein du ménage.
Et pourtant, les preuves du potentiel humain, social et économique des femmes sont écrasantes.
Nous savons que l’égalité des genres est un atout pour l’économie.
Nous savons que les pays où règne une plus grande égalité entre les hommes et les femmes ont, en général, des taux de pauvreté moins élevés ; que les chances de survie d’un enfant sont bien plus grandes lorsque les mères peuvent décider de l’utilisation des revenus ; et qu’accroître le contrôle exercé par les femmes sur les facteurs de production agricole pourrait augmenter la productivité agricole de jusqu’à 20 % dans certains pays.
Mais il ne s’agit seulement d’une question de potentiel économique. J’estime que l’égalité des genres est un droit, et non pas seulement une ressource.
L’égalité des genres n’est pas non plus une question concernant uniquement les pays en développement. À l’échelle de la planète, une femme sur dix sera victime d’abus sexuels ou physiques perpétrés par un partenaire ou une personne qu’elle connaît.
Nous pouvons parler de reléguer les vieilles étiquettes telles que « Nord et Sud », « développé et sous-développé » « Premier monde et Tiers monde » dans les combles de l’histoire, mais notre monde est toujours partagé entre « elles et nous autres ».
Certains se demanderont quel peut-être le rapport avec un monde au-delà de l’aide ?
Il s’agit tout simplement de changer nos politiques et d’habiliter tous les êtres humains, hommes ou femmes, et non plus simplement de fournir des programmes d’aide.
Nous pouvons accorder une aide au fournir un meilleur soutien aux femmes et aux filles ; construire des centres de santé et des écoles ; promouvoir la vaccination et offrir un accès à des services de santé génésique. Et nous devons le faire. Mais l’aide ne suffira pas à elle seule.
Nous ne pourrons pas permettre à la moitié de la population de la planète de réaliser pleinement son potentiel tant que nous ne serons pas tous attaqués à la question de l’égalité ; tant que les pays, les communautés, les ménages du monde entier n’auront pas tous reconnu les droits des femmes et changé les règles source d’inégalités.
Donner aux femmes le droit de posséder des terres ; donner aux femmes le droit d’être propriétaire, de gérer et d’exploiter une entreprise ; donner aux femmes le droit d’hériter ; donner aux femmes le moyen d’obtenir des revenus plus importants ; donner aux femmes un plus grand contrôle sur les ressources au sein de leurs ménages — pourraient améliorer la santé des enfants, relever le niveau d’instruction des filles, promouvoir l’entreprenariat et accroître la productivité économique, et pourrait nous rapprocher d’un monde au-delà de l’aide.
Cela permettrait réellement de démocratiser le développement.
La semaine prochaine, la Banque mondiale publiera son Rapport sur le développement dans le monde sur l’égalité des genres et le développement. En nous appuyant sur les travaux auxquels il a donné lieu :
Nous poursuivrons l’action entreprise grâce aux 65 milliards de dollars que nous avons fournis au cours des cinq dernières années pour promouvoir l’éducation des filles, la santé des femmes et l’accès de ces dernières au crédit, à la terre, aux services agricoles, à l’emploi et aux infrastructures. Ces efforts sont certes importants, mais ils ne sont pas à la hauteur des besoins et n’occupent pas une place suffisamment centrale dans notre programme d’action.
Nous intégrerons systématiquement l’analyse et le diagnostic des disparités entre les genres dans toutes les stratégies formulées pour les pays ; nous établirons de meilleurs indicateurs pour déterminer l’impact des investissements sur les femmes ; et nous collaborerons avec les pays pour générer des données sexospécifiques plus nombreuses et de meilleure qualité, par exemple dans les domaines de la propriété des actifs et de l’accès au crédit et à la justice.
Si les pays ne veulent pas collaborer avec nous pour réduire les disparités entre les hommes et les femmes, nous chercherons d’autres moyens de faire progresser notre programme d’action, par le biais de dialogues, dans le cadre de partenariats et en tablant sur l’exemple d’autres pays en développement.
Nous continuerons également de faire de la parité hommes-femmes au niveau de la direction du Groupe de la Banque mondiale notre objectif. Des femmes occupent 51 % des postes à partir du niveau des Vice-présidents.
X Conclusion
Depuis que j’ai assumé la présidence du Groupe de la Banque mondiale il y a quatre ans, je parle de l’importance d’une modernisation du multilatéralisme permettant de mieux prendre en compte les mutations économiques qui caractérisent le monde actuel.
Je parle de la nécessité de démocratiser le développement pour que tous — Nord, Sud, Est, Ouest, riches et pauvres, hommes et femmes — puissent contribuer à la conception, à l’exécution et à l’amélioration systématique des solutions de développement
Je parle de la nécessité de faire de l’ouverture, de la transparence et de la responsabilisation des caractéristiques fondamentales — non seulement du Groupe de la Banque mondiale — mais des actions publiques dans le monde entier.
Je parle aussi de la nécessité de forger un nouveau contrat social — sachant que les investissements dans le pouvoir citoyen, la société civile et la responsabilité sociale sont aussi importants pour le développement que les investissements dans l’infrastructure, les entreprises, les usines ou les exploitations agricoles.
J’ai voulu aujourd’hui décrire rapidement la manière dont un système multilatéral reflétant mieux les réalités économiques actuelles, mieux fondé sur le principe de la responsabilité des parties prenantes, mieux relié aux réseaux du secteur privé et de la société civile, plus déterminé à rechercher des solutions concrètes aux problèmes et à innover, pourrait donner jour à un monde au-delà de l’aide, un monde qui privilégie la prospérité et non les palliatifs, les possibilités et non le patronage ; la dignité et non la dépendance.
Certains feront valoir que cette approche est trop radicale. Qu’elle offre aux pays développés une échappatoire et leur évite d’avoir à honorer leurs engagements dans le domaine de l’aide. Cela ne sera pas nécessairement le cas.
Certains feront valoir que cette approche est trop risquée, qu’elle fait intervenir de nouveaux instruments financiers et marchés qui pourraient être sources de problèmes pour les pays en développement. Cela ne sera pas nécessairement le cas.
Certains feront valoir que cette approche est prématurée, que les pays en développement ne sont pas prêts à être des parties prenantes responsables.
Le sont-ils vraiment moins que les pays développés le paraissent ?
Aujourd’hui, déjà, les flux financiers du secteur privé sont considérablement supérieurs à l’aide publique au développement. Aujourd’hui, déjà, certaines contributions philanthropiques sont considérablement supérieures à l’aide bilatérale. Enfin, de nouveaux intervenants et de nouveaux donateurs ont déjà entrepris de transformer le monde de l’aide telle que nous leur connaissons.
Nous devons penser avec notre temps : tirer les leçons des intrépides partisans du multilatéralisme de Bretton Woods ; déterminer en quoi les circonstances actuelles sont différentes et agir dans le but de préparer l’avenir. Il est temps de rattraper le retard que nous avons pris ; temps d’assumer nos responsabilités ; temps de créer l’avenir et non de regretter une époque révolue.