DISCOURS ET TRANSCRIPTIONS

Allocution du Président du Groupe de la Banque mondiale

14 avril 2011


Président du Groupe de la Banque mondiale, Robert B. Zoellick Conférence de presse d’ouverture des Réunions de printemps

Tel que préparé pour l'allocution

M. MILLS :  Je vous remercie d’être venus participer à cette conférence de presse.
 
M. Zoellick prononcera tout d’abord une allocution en introduction aux Réunions de printemps, puis répondra à vos questions. Nous vous demanderons de vous présenter lorsque vous poserez une question et d’indiquer l’organe de presse pour lequel vous travaillez. Nous vous prions aussi d’éteindre vos téléphones cellulaires et vos bipeurs.
        
Sans plus attendre, je donne la parole à M. Zoellick.
 
M. ZOELLICK :  Merci Rich et merci à vous tous d’être venus.
 
Nous sortons peut-être d’une crise — à savoir la crise financière et économique —, mais nous sommes confrontés à de nouveaux risques et de redoutables défis : l’instabilité et le niveau élevé des prix alimentaires ; l’envolée des prix des combustibles et ses répercussions sur la situation alimentaire et, à travers celle-ci, sur la sécurité ; les troubles politiques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord ; les remous en Côte d’Ivoire ; les catastrophes naturelles à répétition ; l’accélération de l’inflation, accompagnée d’un certain risque de surchauffe, sur les marchés émergents ; les problèmes de dette souveraine en Europe.
 
Aujourd’hui, je souhaite parler de la plus grande menace à laquelle sont confrontés les pauvres du monde entier : la volatilité et le niveau élevé des prix alimentaires. Nous publions, aujourd’hui même, une mise à jour de notre Food Price Watch. Les chiffres qu’elle contient décrivent une triste situation caractérisée par des pressions persistantes et brutales sur les populations pauvres.
        
Vous connaissez tous les composantes du problème : une forte inflation des produits alimentaires conjuguée aux fluctuations des prix et au coût élevé des combustibles. Le tout donne un mélange toxique produisant de réelles souffrances qui contribuent aux troubles sociaux.
 
Les prix alimentaires n’étaient pas la cause des crises qui ont éclaté au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais ils en constituaient un facteur aggravant. La dernière édition de notre Food Price Watch montre que l’Égypte et la Syrie enregistrent une inflation à deux chiffres dans le secteur des denrées alimentaires. Elle indique aussi que la flambée des prix des produits de base pénalise particulièrement les pays pauvres.
        
Selon les données provenant de 46 pays et portant sur la période 2007–10, la hausse des prix des produits alimentaires est plus forte dans les pays à faible revenu et les pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure que dans les pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure et les pays à revenu élevé, notamment lorsque les prix internationaux s’envolent.
        
En ce qui concerne les prix des denrées alimentaires, nous sommes à un stade décisif. Ces prix ont augmenté de 36 % par rapport à leur niveau d’il y a un an et restent proches de leur record de 2008. Quarante-quatre millions d’êtres humains sont tombés dans la pauvreté depuis juin dernier. Selon nos estimations, une hausse de 10 % de l’indice des prix alimentaires risquerait de précipiter 10 millions de personnes supplémentaires sous le seuil d’extrême pauvreté, c’est-à-dire 1,25 dollar par jour. Une poussée des prix de 30 % pourrait entraîner une augmentation de 34 millions du nombre d’êtres humains vivant dans la pauvreté, qui est aujourd’hui de 1,2 milliard.
        
Nous pouvons remédier à cette situation.
        
Certains se sont demandés ce que peut faire le G-20. La réponse est que le G-20 peut jouer un rôle de premier plan. J’estime que le multilatéralisme doit s’attacher à mener des actions concrètes à court terme tout en préparant des initiatives à moyen et long terme.
        
Je me réjouis donc que la France ait fait de la question de l’alimentation une des grandes priorités de sa présidence du G-20. Nous collaborons étroitement avec ce dernier, et je pense que nous pouvons prendre un certain nombre de mesures importantes susceptibles d’améliorer la situation dans deux domaines majeurs : la volatilité des prix alimentaires et la sécurité alimentaire. Nous allons utiliser les réunions du G-187 pour ouvrir la voie.
        
Premièrement, nous travaillons à l’élaboration d’un nouveau code de conduite à l’attention des pays dans le domaine des interdictions d’exporter. À tout le moins, ce type de mesures ne devrait pas s’appliquer aux organisations humanitaires, telles que le Programme alimentaire mondial.
        
Deuxièmement, nous pensons qu’il serait bon de disposer de meilleures informations sur la qualité et la quantité des stocks de denrées alimentaires.
 
Troisièmement, nous appuyons la constitution de stocks alimentaires de faible taille à caractère humanitaire, gérés par le Programme alimentaire mondial, dans des endroits tels que la Corne de l’Afrique.
        
Quatrièmement, il y a lieu d’aider les pays à mieux gérer les risques dans le domaine agricole.
 
Cinquièmement, la Banque mondiale et les banques régionales de développement peuvent aider les pays à se porter rapidement au secours des populations les plus vulnérables grâce à des programmes d’alimentation et de protection sociale efficaces et ciblés plutôt que par le biais de contrôles des prix inopportuns ou d’augmentations de salaire généralisées.
        
Il est possible de faire davantage aussi dans le domaine de la production. À l’heure actuelle, la Banque mondiale investit environ sept milliards de dollars par an dans l’amélioration — graines, irrigation, stockage, etc. — de la production agricole. Nous investissons dans l’ensemble de la chaîne de valeur.
 
Un aspect particulièrement important est la recherche agricole visant à mettre au point des graines de meilleure qualité. Avec la France et le G-20, nous discutons de la possibilité de lier cette question aux inquiétudes suscitées par le changement climatique et d’examiner certaines priorités en matière de recherche tout en intensifiant notre appui aux 15 principaux centres de recherche agricole du monde.
        
J’estime qu’il est possible d’atteindre ces objectifs dans les mois à venir, et j’attends des résultats de la réunion des ministres de l’Agriculture du G-20 qui aura lieu en juin en France. Je me réjouis à la perspective de continuer de travailler avec les autorités françaises et d’autres acteurs pour rendre cela possible.
 
Comme je l’ai dit, les troubles du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord figurent parmi les principales questions touchant à la situation alimentaire. La rapidité et l’ampleur des initiatives varieront d’un pays à l’autre, mais le Groupe de la Banque mondiale s’efforce d’être à l’écoute et d’aider les pays à aller de l’avant.
        
En Tunisie, la Banque mondiale apportera son appui aux autorités sous la forme d’une opération de soutien budgétaire d’un montant de 500 millions de dollars qui devrait permettre de mobiliser 700 millions de dollars supplémentaires auprès d’autres bailleurs de fonds. Les réformes porteront essentiellement sur la liberté d’association, l’accès à l’information et la transparence des marchés publics. De surcroît, nous soutiendrons les efforts engagés par les autorités pour tenter de réduire les disparités économiques régionales, simplifier les formalités administratives, renforcer les dispositifs de comptabilité et les mesures de contrôle au niveau de l’organisme d’audit et créer un programme pilote pour l’emploi. L’équipe chargée du secteur privé à l’IFC a entrepris de déterminer comment stimuler l’investissement privé, notamment par le biais d’intermédiaires financiers qui peuvent obtenir des crédits pour aider les entreprises à se développer.
        
Nous ne devons pas oublier que la révolution tunisienne a commencé par le suicide d’un marchand de fruits harcelé par les autorités. Nous apporterons donc notre appui aux efforts déployés par la Tunisie pour restreindre l’application arbitraire de réglementations et de formalités administratives. Je me rendrai en Tunisie en mai pour déterminer comment nous pouvons aider davantage le peuple tunisien.
        
L’IFC — l’institution du Groupe de la Banque mondiale spécialisée dans l’aide au secteur privé — a annoncé hier une initiative visant à aider directement la région à résoudre un de ses problèmes : le chômage. Intitulée « L’Éducation pour l’emploi », cette initiative aidera les jeunes à acquérir les compétences nécessaires pour réussir sur le marché du travail. Cette initiative implique que l’on collabore avec les prestataires publics et privés de services d’éducation, la société civile, les responsables de l’action publique et des administrations publiques et les employeurs du secteur privé pour permettre à la jeunesse du monde arabe de faire fructifier les extraordinaires possibilités qui s’offrent à elle.
        
Nous sommes heureux que la Banque islamique de développement soit notre partenaire dans le cadre de cette initiative. Avec l’IFC nous cherchons à mobiliser entre 1,5 et 2 milliards de dollars pour les investir dans des programmes de l’initiative « Éducation pour l’emploi » dans les pays arabes au cours des cinq prochaines années.
        
Nous avons accompli aussi des progrès dans le renforcement des capacités des sociétés civiles du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord, un sujet que j’ai mentionné dans mon discours de la semaine dernière. La Banque mondiale annoncera aujourd’hui qu’elle accordera un don de 3,5 millions de dollars au Réseau affilié sur la responsabilité sociale dans le monde arabe, un réseau d’organisations de la société civile.
        
Aujourd’hui, je présiderai une réunion de mes collègues des banques multilatérales de développement consacrée aux défis auxquels sont confrontés le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Plus tard, les représentants des banques multilatérales de développement, les ministres des Finances du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord et les représentants des pays du G-7 participeront à un Dialogue sur les transitions en cours au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
        
La Banque joue un rôle au sujet des événements exceptionnels qui se déroulent en Côte d’Ivoire. Je rencontrerai cette semaine le ministre ivoirien des Finances, Charles Koffi Diby. La Côte d’Ivoire a besoin de sécurité, d’emplois et de justice. En collaboration avec ses partenaires régionaux, la Banque se tient prête à lui accorder une aide importante sous forme d’assistance financière et technique et d’aide à la formulation des politiques.
        
Si les conditions de sécurité le permettent, nous pourrons réactiver, dans les deux prochaines semaines, certains programmes de la Banque mondiale d’un montant d’environ 100 millions de dollars pour aider la population ivoirienne. Notre intention est de nous concentrer sur les infrastructures d’urgence, les services d’approvisionnement en eau, le ramassage des ordures et le fonctionnement des écoles et des cliniques. Il est donc particulièrement approprié pour nous de publier cette semaine notre Rapport sur le développement dans le monde, qui recommande d’agir rapidement, de fournir l’aide nécessaire et de réaliser des progrès sur le terrain.
        
Nous pouvons aussi fournir une aide ciblée aux victimes de violences sexuelles dont le nombre, malheureusement, a considérablement augmenté durant la crise qui a suivi les élections.
        
Pour ce qui est des prix alimentaires, les pauvres de la planète ne peuvent pas attendre. Comme l’indique l’appareil de « décompte de la faim » installé devant notre bâtiment, on recense près d’un milliard d’êtres humains sous-alimentés et ce nombre augmente de 68 personnes chaque minute, c’est-à-dire plus d’une personne toutes les secondes. Le temps ne joue pas en notre faveur. Nous devrons donc agir très vite pour rattraper le retard si nous voulons éviter de perdre une génération.

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